jacques cathelineau 11Jacques Cathelineau (1759 - 1793) fut un chef de l’insurrection vendéenne durant la Révolution française, surnommé « le saint de l'Anjou ». Sacristain de sa commune, il se place à la tête de la révolte déclenchée par le vote, le 24 février 1793, d’une levée de 300 000 hommes pour combattre les ennemis de la Révolution. Aux côtés du comte de La Rochejaquelein, du marquis de Bonchamps et du général d'Elbée, il est nommé par ses pairs généralissime de l'« armée catholique et royale » en juin 1793. Il meurt le mois suivant (14 juillet), des suites de la blessure qu'il a reçue lors de l’attaque de Nantes.

 

Jacques Cathelineau, l’enfant pieu 

Jacques Joseph de Cathelineau est né et baptisé le 5 Janvier 1759 dans une modeste famille demeurant au Pin-en-Mauges. Il reçoit dans son enfance l’enseignement scolaire et religieux de Thomas Compère, curé de la paroisse depuis 1763. A ses côtés le jeune Jacques, découvre l’histoire du Père de Montfort qui avait ravivé la Foi des Vendéens, notamment autour du culte de Cœur souffrant de Jésus Christ. Dès lors Jacques Cathelineau priera le Sacré Cœur en plus de ses demandes d’intercessions à la Vierge Marie.

Le curé remarque la dévotion et l’intelligence de son élève, aussi convainc t-il son père de lui permettre de poursuivre sa formation scolaire aux côtés de l’abbé Marchais pour devenir prêtre, une promotion sociale pour les Cathelineau. Jacques part à la Chapelle-du-Genêt en 1770, à l’âge de 11 ans, il restera 6 ans au presbytère, fortifiant sa Foi mais ne trouvant pas la vocation. 

Le jeune homme face à la Révolution 

De retour chez lui il se marie en 1777 avec Louise Godin qui lui donne 11 enfants dont 5 survivent. Jacques est entré dans le monde du travail, d’abord en tant que maçon auprès de son père puis en tant que voiturier-colporteur, un métier qui lui permet d’élargir son horizon et de découvrir villes et campagnes environnantes. Il vend divers petits objets manufacturés, des mouchoirs de Cholet, des objets de piété... Car Jacques n’a rien perdu de sa piété, il va régulièrement à la messe, est souvent en tête des processions, des pèlerinages et est même devenu chantre à la demande du nouveau curé de la paroisse. 

Par ces diverses activités Jacques Cathelineau est devenu un personnage populaire, connu de beaucoup dans la région. 

Quand la Révolution française éclate en 1789 le village de Pin-en-Mauges est bien loin de l’agitation parisienne. Que la Bastille soit tombée, les privilèges abolis, tout cela change dans l’immédiat peu de choses aux paysans de l’Anjou. Un citoyen étant venu annoncer que la Révolution apportait le bonheur à la Nation, Cathelineau aurait répondu que le bonheur était affaire divine et que seul Dieu savait ce qui est bon pour les Hommes. Mais Cathelineau n’est pas pour autant un contre-révolutionnaire, il est comme la majorité des Français en ces heures troublées : attentiste.

Cathelineau_par_Sauzeau

 

Que cela ne tienne, si Cathelineau ne cherche pas à s’opposer à la Révolution cette dernière va elle venir le troubler dans son paisible foyer. En 1791, l’Ouest s’offusque contre les prêtres jureurs obligés de faire la messe encadrée par la soldatesque. Les paysans cachent les « bons prêtres » qui organisent des offices clandestins. Le 2 Mai la situation dégénère à Saint-Christophe-le-Ligneron entre les paysans et les Dragons venus encadrer la messe : le jeune Paul Barillon refusant de se rendre est lacéré de coups de baïonnettes au pied d’un calvaire tandis qu’il crie « Rendez-moi mon Dieu ! ».  

Par son métier Jacques est au courant de toute cette agitation, à Pin-en-Mauges on craint pour le curé qui a refusé de prêter serment à la Constitution. Les Patriotes de leurs côtés sont entrés dans une logique iconoclaste : la chapelle Belle-Fontaine de Cholet est détruite, de même que l’oratoire de Saint-Laurent-de-la-Plaine mais aussi son chêne où certains disent avoir vu apparaître la Vierge ... Serrant les dents les paysans des Mauges supportent tant bien que mal cette agression envers leur Foi. 

Mais en 1793 la levée en masse et la conscription décidées par la Convention mettent le feu aux poudres ! 

Le 12 Mars à Saint-Florent-le-Vieil les jeunes hommes refusent d’aller servir loin de chez eux pour défendre ceux qui ne leur ont apporté jusqu’à présent que brimade et désolation. Des coups de feu éclatent contre les agents de la conscription, le sang coule... Mais les « gars » du pays n’ont pas conscience de leurs actes, certains viennent néanmoins demander conseil à Jacques : pour lui il n’y a plus le choix, la répression est inévitable et le seul moyen d’y échapper et de prendre les armes. Une petite troupe échauffée s’arme de tout ce qui lui tombe sous la main, Jacques en prend la tête. Ses effectifs ? 27 Hommes. Son objectif ? Jallais, la ville où il trouvera armes et munitions pour sa petite troupe. 

Le Saint de l’Anjou part en guerre

Après une prière la troupe de Jacques Cathelineau marche sur Jallais et se joint en route à la troupe de Jean Perdriau qui vient de prendre la même initiative que Jacques à La Poitevinière. Ce dernier est un ancien soldat de l’armée royale, il apporte aux insurgés sa connaissance de la guerre, il conseille de se coucher quand le canon tire et de s’élancer ensuite dans une charge furieuse avant que les canonniers n’aient pu recharger. Ensemble Jacques et Jean prennent la ville, repoussent les Républicains pris au dépourvu et s’emparent du stock d’armes et de leur premier canon : « Le Missionnaire ». 

Cathelineau_par_GirodetA l’initiative de Jean Perdriau, tacticien de l’expédition, la troupe profite de l’effet de surprise pour s’emparer également de Chemillé. Arrivé en vue des défenses républicaines Cathelineau, soucieux d’éviter le bain de sang, demande en vain la capitulation des défenseurs. Perdriau donne l’attaque, remportée grâce à l’arrivée des « gars » de la Salle-de-Vihiers et des paroisses voisines. Au soir la ville est aux mains des insurgés qui remercient Dieu par des Te Deum. Cathelineau et Perdriau reçoivent peu à peu des nouvelles des environs, il semble que toutes les Mauges se soient soulevées, que beaucoup ont pris les armes par des initiatives similaires à la leur et que les Républicains sont débordés. 

Un autre insurgé vétéran de l’armée royale, Stofflet, a décidé de marcher sur Cholet ! Les troupes de Cathelineau et de Perdriau décident de lui préter main forte. La bataille à lieu le 14 Mars 1793, le Marquis de Beauvau qui dirige les troupes républicaines dispose ses hommes en rangs serrés à l’entrée de la ville : ces derniers sont décimés par le feu nourri des insurgés disposés en tirailleurs dans les couverts environnants.... Le temps est venu pour les officiers républicains de comprendre qu’ils n’ont pas en face d’eux une armée conventionnelle mais bien des guérilleros. Beauvau lui-même est fauché par un boulet de canon, Cholet est investie et livrée à la vengeance des insurgés que Cathelineau et Stofflet tentent de ramener à la raison au nom des principes chrétiens. 

Les troupes ainsi réunis marchent victorieusement sur Vihiers, puis Coron. Faute de drapeaux se sont les bannières des processions religieuses qui servent dans un premier temps de point de ralliement pour les paroissiens en armes. Cathelineau rencontre d’Elbée puis Bonchamps et leurs troupes, ils sont près de 30.000 à présent. Leur armée est catholique car elle défend la Foi bafouée par la Convention, elle est royale car elle rejette cette République qui n’a été vecteur que de guerre et de frustrations. Ensemble ils décident de marcher sur Chalonnes où se retranche une garnison républicaine, la ville est emportée ! Puis, la fête de Pâques approchant, l’armée catholique et royale se disperse aussi vite qu’elle s’est crée... 

Dans le même temps la mort vient frapper la famille Cathelineau : Joseph, le frère de Jacques, a été capturé lors d’une mission de reconnaissance, jugé et guillotiné. 

De son côté, la Convention ne compte pas laisser le dernier mot à ces rebelles. Le 29 Mars arrive à Angers Berruyer, chargé d’écraser l’insurrection vendéenne. Tandis que les Vendéens fêtent la Pâques les Républicains se lancent dans une politique de terre brûlée : les villages sont incendiés, les habitants fusillés... Le tocsin ressuscite l’armée catholique : à Cholet le 7 Avril ils sont déjà 16.000 !

Les armées ennemies se rencontrent à Chemillé le 11 : par un mouvement tournant les soldats mettent les paysans en déroute mais à la nuit la poursuite s’arrêtent, les insurgés se regroupent et, harangués par leurs chefs, se lancent dans une contre-attaque ! Les Bleus sont repoussés ! Enivrés par la victoire des insurgés se précipitent sur les prisonniers pour les massacrer, d’Elbée qui est sur place intervient, fait prier le Pater à ces hommes et les met devant la réalité de leur engagement envers Dieu : « Pardonne nous nos offense, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés »... Les prisonniers sont sauvés.

 Cependant la victoire est précaire, l’armée catholique se replie sur Mortagne, les troupes républicaines continuent leur irrémédiable progression jusqu’à l’insurrection du Haut-Poitou autour d’Henri de La Rochejaquelein. Ainsi renforcée l’armée catholique reprend Cholet, les Mauges sont libérées.
 

La Rochejaquelein décide d’attaquer Bressuire où son cousin Lescure est retenu prisonnier. Cathelineau lui apporte son soutien et fini ainsi de convaincre le reste des chefs insurgés à courir libérer le marquis. La ville se rend sans combat, l’armée catholique étoffe son état-major et prend la direction de Thouars qui tombe le 5 Mai. 3.000 soldats républicains sont fait prisonniers, aussitôt libérés contre serment à la demande de Cathelineau et de Lescure. En effet malgré les inévitables exactions des troupes en guerre certains chefs comme Cathelineau, d’Elbée ou Bonchamps tenteront d’imposer la charité envers les prisonniers comme réponse à la justice expéditive des Bleus : cette aberration stratégique forge l’éthique de l’armée catholique. La prise de Cholet est cruciale pour l’armée catholique qui se ravitaille en vivres armes et surtout canons dont la légendaire « Marie-Jeanne » qui deviendra la mascotte de l’armée. 

L’armée catholique poursuit sa campagne mais elle se délite au fur et à mesure qu’elle avance, les paysans rechignant à s’éloigner de leurs terres qu’ils ne veulent pas laisser à la merci des Bleus. A Fontenay-le-Comte l’armée n’est plus aussi nombreuse et quand d’Elbée est blessé les paysans prennent la fuite, défaits, la « Marie-Jeanne » tombe aux mains de l’ennemi... 

La défaite est présentée comme une punition divine pour les exactions menées par certains, Foi et conviction doivent redoubler : le 25 Mai l’armée catholique est de retour sur les lieux de sa défaite, cette fois les Républicains sont repoussés et au prix de combats acharnés la « Marie-Jeanne » repasse du côté des Blancs. Au lendemain Cathelineau visite les nombreux blessés. 

Jacques Cathelineau à la tête des armées vendéennes

Dans l’état-major vendéen Marigny déclare qu’il faut marcher sur Niort, il fait même envoyer un ultimatum à la ville. Mais Cathelineau s’oppose, s’il comprend l’ardeur de ses compagnons il fait remarquer que déjà l’armée royale se disperse, chacun rentrant après la victoire pour travailler à sa ferme, retrouver sa famille et « changer de chemise » comme on dit souvent. Ainsi prend fin cette campagne victorieuse. 

Toutefois un nouvel homme arrive en Vendée, l’adjudant-général Berthier, avec pour mission à son tour de mâter l’insurrection. En Juin l’armée catholique se reconstitue, 30.000 hommes sont rassemblés à Cholet : ils marchent sur Saumur qu’ils atteignent le 9. L’armée catholique a fort à faire, confrontée pour la première fois non plus à des bataillons de volontaires mais à des soldats de métier. Sous le feu de son artillerie Berthier met en déroute ses assaillants mais Cathelineau debout face à la mitraille parvient à rallier ses troupes et à lancer une contre-attaque victorieuse contre Saumur s’emparant des bagages et du parc d’artillerie de l’armée républicaine. Prisonniers, des hommes de la légion germanique changent de camps pour suivre Stofflet, alsacien d’origine. De son côté Cathelineau parcourt la ville pour tenter de minimiser les pillages. 

La victoire de Saumur est grande mais la suite des opérations divise l’état-major : faut-il marcher sur Tours ? Aller libérer le jeune Louis XVII à la prison du Temple ? Mais on apprend soudain que les hommes du marais vendéen se sont insurgés, le chevalier de Charrette à leur tête, et que ce dernier venant de prendre Machecoul se propose pour une opération combinée sur Nantes, point de passage sur la Loire et port qui pourrait permettre de recevoir un soutient matériel d’Angleterre.

Conscient que l’insurrection part de tous les côtés sans ligne directrice Lescure propose de nommer un général en chef à l’armée catholique et royale. A ce poste il propose Jacques Cathelineau, certainement le plus apprécié de tous comme en témoigne son surnom de « Saint de l’Anjou ».  Les autres chefs présents approuvent et Jacques Cathelineau se retrouve généralissime. Nul doute que Cathelineau n’était pas le meilleur tacticien de l’état-major, encore moins un penseur politique de la contre révolution, mais il était celui qui pouvait le mieux rassembler les insurgés qui jusque là ne se battaient que pour leur propre paroisse.

Jacques Cathelineau faisait l’unanimité parce qu’il était un exemple, un homme bon, charitable, profondément religieux et indiscutablement brave. Tous acceptaient de combattre et de mourir en martyr de la Chrétienté aux côtés de ce saint. A noter aussi que Cathelineau n’est pas, comme certains de l’état-major, issu de la noblesse : il n’en touche que plus les petites gens. En extrapolant un peu on peut dire que Cathelineau fut l’icône assurant la cohésion de l’armée, un peu comme Jeanne d’Arc le fut en son temps. 

Vitrail de l'église de Pin-en-Mauges

Sa première décision de généralissime sera d’aller rejoindre de Charrette pour l’attaque de Nantes. 

Il retourne dans son village pour raviver les énergies et remonter les effectifs de son armée. Le 20 Juin Angers se rend, le 29 l’armée est en vue du port de Nantes. Tandis que le chevalier de Charrette se lance à l’attaque, Cathelineau est stoppé par les Nantais à Nord-sur-Erdre. Après un combat acharné, un temps et des munitions précieuses perdues, il reprend l’attaque sur Nantes poussant ses hommes à aller libérer l’église Saint-Pierre.

A la tête des plus téméraires Cathelineau se retrouve sur la place des agriculteurs (aujourd’hui place Viarmes), haranguant ses troupes, bravant la mitraille. C’est alors qu’une balle lui fracasse le bras, pénètre sa chaire et lui perfore la poitrine... Le héros des Blancs s’écroule, on le porte, on l’exfiltre du champ de bataille. Sa blessure créée la confusion dans les rangs, l’annonce de la mort du général se répand, les paysans abandonnent la bataille, les Nantais redoublent d’ardeur, l’armée catholique est royale et en déroute. 

Cathelineau est transféré à Saint-Florent-le-Vieil où les sœurs de Sainte-Croix se démènent pour le maintenir en vie. En vain : Jacques Cathelineau rend son âme à Dieu le 14 Juillet 1793, il n’avait que 34 ans. 

Epilogue 

La première guerre de Vendée ne prend fin qu’en Mars 1796 avec l’exécution du chevalier de Charrette, place Viarmes, à Nantes. 

La famille Cathelineau fut anoblie par Louis XVIII durant la Restauration. 

Le fils de Jacques Cathelineau fut tué en 1832 lors de la tentative de la duchesse de Berry. 

De nos jours Jacques Cathelineau dispose de deux tombeaux, l’un à Saint-Florent-le-Vieil, où il succomba, et dans son village natal du Pin-en-Mauges où furent déposés une partie de ses restes en 1896 dans la chapelle Saint Charles.  

Bibliographie

- Louis-Marie CLENET, Cathelineau "le saint de l'Anjou", Perrin, 1991. 

- Histoire des guerres de Vendée, de Émile Gabory. Perrin, 2015.

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