Portrait de Chateaubriand sur fond de paysage montagneux 0Biographie courte - Bien qu'ayant été un homme politique influent, François René de Chateaubriand (1768-1848) est surtout connu comme écrivain de talent et précurseur du mouvement romantique. Issu d'une classe aristocratique malmenée par la Révolution française, conservateur, pieux, il méprise le rationalisme matérialiste des Lumières, ne se reconnaitra pas dans le Premier Empire et sera grandement déçu par la Restauration. Homme libre, hors-norme, mélancolique et tourmenté, François-René de Chateaubriand s'impose comme un des plus grands esprits du XIXe siècle. Enfant, Victor Hugo écrira dans ses cahiers : « Je veux être Chateaubriand ou rien. »

  

Biographie de Chateaubriand

François René de Chateaubriand nait le 4 septembre 1768 dans une vieille famille aristocratique ruinée, installée de Saint-Malo où le père s'est refait une fortune dans le commerce colonial. Cadet de dix enfants (dont quatre meurent en bas âge), François-René vit éloigné de ses parents, chez sa grand-mère, à Plancoët. En 1777 la famille s'installe au château de Combourg, François-René y passe une enfance qu'il décrira comme souvent morose auprès d'un père taciturne et d'une mère superstitieuse et maladive, mais gaie et cultivée. Après ses études en Bretagne, il devient à 17 ans sous-lieutenant au régiment de Navarre commandé par son frère. En 1788 il vient à Paris et établit des contacts littéraires, il débute dans ce milieu en écrivant des vers pour l'Almanach des Muses

En 1789, il participe aux États de Bretagne et assiste à la prise de la Bastille. Deux ans plus tard, Chateaubriand quitte la France révolutionnaire pour le Nouveau Monde, avec le prétexte de chercher le passage du Nord-Ouest. Pendant un an il voyage en Amérique du Nord, vivant avec les autochtones et ébauchant sur les lieux son poème des Natchez. En 1792, il épouse Céleste, avec qui il n'aura pas d'enfants. Lui part à Coblence avec l'armée des émigrés, restée en Bretagne Céleste est arrêtée. Chateaubriand est blessé au siège de Thionville, il est transporté en convalescence à Jersey : c'est la fin de sa carrière militaire.

Il séjourne à Londres, dans un dénuement total, contraint à donner des leçons de français et à faire des traductions pour les libraires. En 1794, son frère, sa belle-sœur et une partie de leur famille son guillotinés à Paris. En 1797 il publie l'Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution française. Il exprime des idées politiques et religieuses peu en harmonie avec celles qu'il professera plus tard, l'ouvrage passe inaperçu de la critique. 

De retour dans la France napoléonienne

Chateaubriand rentre en France sous le Consulat de Bonaparte, en 1800. Il dirige un temps la revue le Mercure de France où il fait paraitre en 1801 son roman Atala qui suscite une grande admiration ! Vers la même époque il compose René. En 1802, il publie le Génie du Christianisme en partie rédigé en Angleterre, et dont Atala et René, à l'origine, sont seulement des épisodes. Ce livre événement signal un retour du religieux après la déchristianisation révolutionnaire !

Anne Louis GIRODET de Roussy Trioson 17671824 by Catherine La Rose 442Repéré par Napoléon, il est choisi pour accompagner le cardinal Fesch à Rome comme premier secrétaire d'ambassade. Il propose à Céleste de le suivre, mais celle-ci connaissant sa liaison avec Pauline de Beaumont, refuse le ménage à trois... En 1804, il représente la France consulaire près de la République du Valais. Quand il apprend l'exécution du duc d'Enghien, Chateaubriand démissionne. Sa rupture avec Napoléon est consommée à la proclamation de l'Empire : Chateaubriand entre dans l'opposition.

Ne se consacrant plus qu'aux Lettres, Chateaubriand décide d'écrire une épopée chrétienne. Désireux de visiter lui-même les lieux où il va situé l'action il quitte la France (avec les papiers en règle fais par l'administration impériale) et parcoure en 1806 la Grèce, l'Asie Mineure, la Palestine et l'Égypte.

À son retour, exilé par Napoléon à trois lieues de Paris, il s'installe avec sa femme (qui d'ailleurs a aussi écrit ses Souvenirs) dans le domaine de la Vallée-aux-Loups. C'est là qu'il compose Les Martyrs, parus en 1809. Avec ses notes de voyage, il publie en 1811 l' itinéraire de Paris à Jérusalem. La même année, il est élu membre de l'Académie française. Toutefois, comme il prévoit dans son discours de réception de blâmer certains actes de la Révolution française, Napoléon ne consent pas à le lui laisser prononcer : il ne lui est donc pas permis de prendre possession de son siège avant la Restauration. 

Chateaubriand sous la Restauration

Chateaubriand accueille avec joie le retour des Bourbon, le 30 mars 1814 il publie un pamphlet des plus virulent contre l'Empereur déchu : De Buonaparte et des Bourbons. Ce pamphlet est diffusé à des milliers d'exemplaires. Selon Chateaubriand lui-même, Louis XVIII aurait dit que ce pamphlet le servit autant que 100.000 hommes. Chateaubriand devient ambassadeur en Suède, mais il n'a pas le temps de quitter Paris que Napoléon évadé de l'île l'Elbe commence son incroyable reconquête de la France ! Pendant les Cent-Jours, il fuit à Gand dans les bagages du Roi et devient même membre de son cabinet (il lui adresse d'ailleurs un Rapport sur l'état de la France).

De retour à Paris après Waterloo, Chateaubriand, membre de la Chambre des Pairs, vote en décembre 1815 la mort du Maréchal Ney (Maréchal de Napoléon, rallié à Louis XVIII et qui repasse à Napoléon pendant les Cents-Jours). Pair de France, Chateaubriand est également Ministre d'État, du moins jusqu'à ce qu'il soit disgracié pour avoir attaqué (dans La Monarchie selon la Charte) l'ordonnance du 5 septembre 1816 qui dissout la « Chambre introuvable » (chambre des députés). Chateaubriand repasse alors dans l'opposition, parmi les ultraroyalistes, et devient un des principaux rédacteurs du Conservateur, tout en fréquentant le salon de Mme Récamier.

En 1820, lors de l'assassinat du duc de Berry, il écrit des Mémoires sur la vie et la mort du duc qui tendent à le rapprocher de la cour. En 1821, il est nommé ministre de France à Berlin, puis ambassadeur à Londres et représente l'année suivante la France au congrès de Vérone (où l'on décide de l'intervention de la France contre les libéraux espagnols). À son retour, il devient Ministre des Affaires étrangères et gère la question espagnole avec succès. Il est toutefois congédié en 1826, faute d'avoir pu s'accorder avec le chef du gouvernement Monsieur de Villèle. Chateaubriand retourne dès lors dans l'opposition contre de Villèle, mais cette fois en rejoignant le parti libéral. À la Chambre des Pairs, comme dans le Journal des débats, il se veut le défenseur de la liberté de la presse et de la liberté de la Grèce, ce qui lui vaut une grande popularité.

pair de franceÀ la chute de Villèle, il est nommé ambassadeur à Rome (1828), mais il démissionne à l'avènement du ministère Polignac. De plus en plus en rupture avec les partis conservateurs, désabusé sur l'avenir de la monarchie, il se retire des affaires après la Révolution de 1830, quittant même la Chambre des Pairs. Ayant mis fin à sa carrière politique, il ne se manifeste que par des critiques acerbes contre le nouveau gouvernement de Louis Philippe (De la Restauration et de la Monarchie élective, 1831), par des voyages auprès de la famille déchue, et par la publication d'un Mémoire sur la captivité de la duchesse de Berry (1833), mémoire au sujet duquel il est poursuivi, mais acquitté.

Il publie également en 1831 des Études historiques, résumé d'histoire universelle où il veut montrer le Christianisme réformant la société. Cet ouvrage se veut le frontispice d'une Histoire de France, méditée depuis longtemps, mais inachevée.

Il passe ses dernières années à Paris, avec sa femme, achevant les Mémoires d'outre-tombe commencés depuis 1809. Son dernier ouvrage qui était une « commande » de son confesseur est Vie de Rancé, une biographie de Dominique-Armand-Jean Le Boutillier de Rancé (1626-1700), abbé mondain propriétaire du château de Véretz, en Touraine. Céleste meurt en 1847 et François-René la suit le 4 juillet 1848. Ses restes sont transportés à Saint-Malo et déposés face à la mer, selon son vœu, sur le rocher du Grand Bé, îlot situé dans la rade de sa ville natale, auquel on accède à pied depuis Saint-Malo lorsque la mer s'est retirée. 

L'œuvre de Chateaubriand

Atala, ou Les Amours de deux sauvages dans le désert (1801)
Le jeune René est accueilli dans le Mississipi par la tribu des Natchez. Il est pris en amitié par un vieil Indien, Chactas, qui a visité la France au temps de Louis XIV. Chactas lui raconte sa jeunesse, comment il avait été fait prisonnier par une tribu ennemie, mais libéré par la belle Atala, convertie au Christianisme. Dans leur fuite ils rencontrent le père Aubry qui s'offre de les unir par les liens sacrés du mariage après avoir baptisé Chactas. Mais Atala, que sa mère avait consacrée à la virginité, s'empoissonne plutôt que de rompre le vœu maternel, ignorant que ce vœu pouvait être délié par le prêtre... Dans cette œuvre proche de la tragédie, Chateaubriand fait un éloge du Christianisme et décrit une communauté proche de celle des premières heures fantasmées de l'Église primitive. Cette œuvre a inspiré le peintre Girodet qui en 1808 réalise Atala au tombeau.

Atala au tombeau dit aussi Funérailles dAtala Girodet De Roussy-Trioson Anne-LouisRené, ou les Effets des passions (1802)

René se présente comme une suite d'Atala, mais cette fois c'est un jeune Français qui raconte sa vie mélancolique à un Indien. Ce récit empli de spleen et de mal-être est souvent considéré comme une œuvre étalon pour le mouvement romantique. Plusieurs thèmes clefs sont abordés :

- La solitude : René est un être solitaire et tourmenté, finalement mal intégré dans la société de son temps.

- L'amour fraternel : Seule Amélie, la sœur de René, trouve grâce à ses yeux. De la qualité de leur relation dépend l'état d'esprit du héros romanesque. Mais derrière le romanesque certains ont voulu voir l'amour passionné (mais chaste) de Chateaubriand pour sa sœur Lucile.

- Le voyage : En quête d'apaisement, René est un grand voyageur... Comme François René de Chateaubriand d'ailleurs...

- La religion : Amélie se rapproche de plus en plus de la religion, au point de rentrer dans les ordres. Cette situation tourmente René au plus haut point, partagé qu'il est entre le déchirement et l'admiration.

Le Génie du Christianisme (1802)Cet ouvrage est écrit suite à un grand retour à la Foi de Chateaubriand, faisant suite au décès de sa mère :

« Je suis devenu chrétien. Je n'ai point cédé, je l'avoue, à de grandes lumières surnaturelles ; ma conviction est sortie de mon cœur : j'ai pleuré et j'ai cru. »

Dans cet ouvrage clef de sa bibliographie, Chateaubriand cherche à démontrer la supériorité du Christianisme sur les autres religions et l'athéisme. Prenant la plupart de ses prédécesseurs à rebours, il ne cherche pas à prouver que le Christianisme est excellent sous prétexte qu'il vient de Dieu, au contraire, il cherche à montrer que le Christianisme est excellent de fait, et que cela sous-tend qu'il vient de Dieu !
Il s'évertue donc à faire l'étude des apports du Christianisme à l'humanité dans tous les domaines : art, poésie, morale...

Les Martyrs, ou le Triomphe de la foi chrétienne (1809)
Dans ce roman, Chateaubriand suit un jeune gouverneur romain convertir au Christianisme : Eudore. Eudore fait libérer Velléda, la fille d'un druide rebelle qui reprend la lutte... L'histoire est celle d'un amour impossible, Velléda tombant éperdument amoureuse de son ennemi, Eudore, et se dernier refusant de la recevoir... De dépit, la belle druidesse finit par se trancher la gorge. Mais le tragique ne s'arrête pas là puisqu'Eudore lui-même succombe, en martyre du Christianisme...

Velléda devient un thème de sculpture et de peinture.

De Buonaparte et des Bourbons, et de la nécessité de se rallier à nos princes légitimes pour le bonheur de la France et celui de l'Europe (1814)
Pamphlet antinapoléonien de circonstance à l'occasion de la première abdication de Napoléon Ier.

Mémoires d'outre-tombe (1848)
Ce grand projet autobiographique est certainement l'œuvre la plus connue de Chateaubriand. Ces Mémoires ne devaient originellement paraitre que cinquante ans après la mort de l'auteur, mais il en fut autrement, car pour subvenir à des problèmes financiers Chateaubriand céda les droits d'exploitation à une société qui exigea que le livre soit publié dès le décès de l'auteur. En un sens ces Mémoires se rapprochent de ceux de Saint-Simon, ou des Confessions de Rousseau : Chateaubriand y évoque sa vie personnelle, mais également les grands événements historiques dont il fut le contemporain : Révolution, République, Empire, Restauration... Il fait œuvre d'historien tout en dévoilant son Moi et sa mélancolie.

Bibliographie

- BERCHET Jean-Claude, Chateaubriand : biographie, Editions Gallimard, 2012.

- Chateaubriand, biographie de Ghislain de Diesbach. Perrin, 2018.

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