aliLa mort du Prophète Mahomet en 632 laisse le tout jeune Islam dans un certain désarroi ; en effet, le guide et chef de guerre de la communauté n’a pas désigné officiellement de successeur ! Son gendre et cousin, ‘Ali, est l’un des candidats possibles : né vers 600, il est l’un des premiers à avoir suivi Mahomet, dont il épouse la fille Fatima en 622 ; sa légitimité peut alors paraître incontestable. Pourtant, le système de tribus et divers compromis politiques l’amènent à accepter d’être devancé par le plus âgé et plus consensuel ‘Abu Bakr.

 

La rivalité avec Mu’awiya 

Si ‘Abu Bakr meurt dès 634, ce n’est pas ‘Ali qui lui succède mais ‘Umar, l’un des grands conquérants de l’histoire de l’Islam. Cela ne l’empêche pas d’être assassiné en 644, et c’est cette fois ‘Uthman qui devient calife. Les tensions ne font que s’exacerber entre les différents héritiers du Prophète, famille des Quraychites contre premiers Compagnons (que ce soit les ‘Ansar ou les muhâjirûn), ou encore avec l’apparition des qûrra’ (les futurs kharijites, des « guerriers récitants »). Ce sont d’ailleurs ces derniers qui poussent la foule en colère à tuer ‘Uthman, jugé pour favoritisme envers sa famille et pas assez rigoriste en religion : c’est le début de la fitna (guerre civile en Islam). Les qûrra' soutiennent alors l’élection de ‘Ali comme calife (c’est le quatrième des califes rashidûn, les « bien guidés » selon la tradition sunnite).

Celui-ci doit toutefois affronter une première rébellion menée par ‘Aisha, dernière épouse du Prophète, qu’il parvient à mater à la bataille du Chameau (656). Mais s’élève ensuite contre lui Mu’awiya, issu de la famille de ‘Uthman, qui le bat à la bataille de Siffîn et lui succèdera comme calife (c’est le premier Omeyyade). ‘Ali se retrouve alors en grande difficulté… 

Les kharijites et l’assassinat d'Ali

Le cousin de Mahomet est menacé par ceux-là même qui l’ont mené au pouvoir : les qûrra’. Ces derniers veulent continuer le combat, alors que ‘Ali (mais aussi Mu’awiya) veulent cesser de faire couler le sang des musulmans. Les qûrra’ acceptent finalement la défaite (car Dieu l’a décidé), mais refusent le « jugement des Hommes » (ils suivent la doctrine de la muhakkima). Quand ‘Ali décide, lui, de suivre l’arbitrage (qui le met en minorité, pour la paix) les qûrra’ le lâchent et deviennent les kharijites (les « sortants ») : leur seule référence est le Coran, et ils ne reconnaissent comme califes que ‘Abu Bakr et ‘Umar. ‘Ali décide de les annihiler à la bataille de Nahrawân (658), mais il ne fait qu’augmenter leur haine envers lui… 

ali zaydEn 660, suite aux atermoiements et aux différentes contestations des arbitrages, Mu’awiya s’autoproclame calife et relance le conflit. Mais, alors qu’il décide finalement la mobilisation générale contre ce coup de force, ‘Ali est assassiné le 24 janvier 661 (رمضان الأحد), probablement par un kharijite. 

L’héritage 

L’avènement des Omeyyades réunit un temps la communauté de l’Islam, l’umma. Mais la personne du gendre du Prophète reste encore très présente dans l’esprit des musulmans par la suite. Il est d’abord considéré comme un maître de la rhétorique arabe mais, surtout, sa descendance et son nom vont amener à l’émergence d’une sorte de « schisme » au sein de l’Islam avec l’apparition des chiites. Ces derniers ont de multiples branches, mais tous se réclament de l’héritage de ‘Ali, premier successeur légitime de Mahomet, et de ses fils (en particulier Hussein) ; ils s’opposent aux sunnites (de sunna, la Tradition) au départ Omeyyades, puis Abbassides.

Cette fracture donnera d’autres conflits, et même la naissance de grandes dynasties comme les Fatimides (qui se proclameront califes contre les Sunnites). Des tensions encore très présentes de nos jours, en particulier en Irak et en Iran (le plus grand pays chiite)…

 Bibliographie 

- H. DJAIT, La Grande Discorde : religion et politique dans l’Islam des origines, Gallimard, 2007. 

- H. KENNEDY, The Prophet and the age of the caliphates, Longman, 1986. 

- C. CAHEN, L’Islam : des origines au début de l’Empire ottoman, Pluriel Hachette, 1968.

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