eglise saint sepulcreConstruite au IVe siècle par la volonté de l'empereur Constantin et de sa mère Hélène, l'église du Saint-Sépulcre est l'un des lieux les plus sacrés du christianisme. Elle se situe sur l'emplacement de la grotte où aurait été déposé le corps de Jésus de Nazareth. Patiemment entretenu et agrandi par les successeurs de Constantin, devenus après la chute de Rome les empereurs byzantins, visité par des milliers de pèlerins, le Saint-Sépulcre entre avec le VIIe siècle dans une période plus troublée. Dès lors, son histoire est étroitement liée au contexte agité de la région, et plus particulièrement celui de la ville qui le recueille, Jérusalem.

 

L'histoire mouvementée du Saint-Sépulcre

L'église du Saint-Sépulcre est un édifice construit sous Constantin Ier le Grand au IVe siècle et rebâti par les croisés à la fin du XIe siècle. Il renferme la crypte Sainte-Hélène, dans laquelle la mère de Constantin aurait trouvé la croix du Christ. L'église, consacrée en 1149, se dresse sur le site présumé du Calvaire, lieu de la crucifixion de Jésus-Christ. Après le renouveau de Justinien au VIe siècle, l'Empire byzantin est en crise. Le jeune souverain perse, Chosroès II, saisit l'occasion, sentant l'empire affaibli par une guerre civile. Les armées perses parviennent à franchir l'Euphrate en 610, au moment même où Héraclius prend le pouvoir à Constantinople.

chapelle crucifixion saint sepulcreLe nouveau basileus transfère des troupes des Balkans vers l'Orient, mais cela ne suffit pas à stopper l'avancée des Perses. Une à une, les villes de Syrie et de Palestine tombent, mais c'est la chute de Jérusalem en 614 qui marque le plus les esprits, à plus d'un titre. Les conséquences sont plus psychologiques que militaires en raison de l'importance symbolique de la Ville sainte pour les chrétiens, notamment à cause de la présence du Saint-Sépulcre. La source principale qui nous rapporte le drame vécu par les chrétiens est un moine témoin des événements, Stratègios.

On sait ainsi que la ville, après l'échec des négociations, est enlevée après vingt jours de siège, au prix d'un grand massacre. Les survivants, parmi lesquels le patriarche Zacharie, sont emmenés en Mésopotamie. Plus grave encore, sur ordre de Chosroès II, les églises de Jérusalem sont brûlées et détruites, et particulièrement une bonne partie du Saint-Sépulcre. Dans le même élan, les Perses emmènent les précieuses reliques qui s'y trouvaient, dont la Vraie Croix, placée dans le Trésor Royal de Chosroès II. Cette catastrophe est très mal vécue et certains y voient déjà la chute de l'empire chrétien.

Toutefois, la perte de Jérusalem par les Byzantins est de courte durée. L'empereur Héraclius reprend le combat au début des années 620, profitant à son tour des divisions au sein de l'empire perse pour prendre l'ascendant. En 628, Chosroès II est renversé, et Héraclius négocie avec un général rebelle, pour que les Perses se retirent des provinces orientales byzantines, parmi lesquelles la Palestine. Mieux, le basileus parvient à récupérer la relique de la Vraie Croix, et il revient lui-même la déposer à Jérusalem, au Saint-Sépulcre, lors d'une procession triomphale, le 21 mars 630.

La conquête de Jérusalem par les Arabes

Durant l'occupation perse, entre 616 et 626, l'abbé de Saint-Théodore, Modeste, dirige les premiers travaux de reconstruction du Saint-Sépulcre, qui s'accélèrent avec la reconquête de Jérusalem par Héraclius. Mais déjà, comme cela sera le cas durant toute la période, l'état des finances est un frein pour la reconstruction, qui concerne essentiellement la Rotonde. En effet, la priorité est la défense des frontières face à un nouvel ennemi, plus menaçant que les Perses : les Arabes.

La conquête arabe, après la péninsule dont les successeurs de Muhammad sont issus, se dirige vers la Palestine et l'Egypte, ainsi que l'empire perse. Les guerres ont affaibli ce dernier, tout comme son ennemi byzantin. Les succès arabes en sont grandement facilités. Cette fois, Héraclius ne connaît pas la même réussite, et il doit se replier à Antioche, laissant Jérusalem à la merci des nouveaux conquérants. La ville tombe pacifiquement, grâce à la négociation conduite par le patriarche Sophrone. Le calife Omar y entre triomphalement en février 638, ouvrant alors une nouvelle période dans l'histoire de Jérusalem et du Saint-Sépulcre.

Le Saint-Sépulcre « oublié » ?

Fidèle à sa méthode durant ses premières conquêtes, le calife ordonne qu'on respecte les églises, même si certaines sont transformées en mosquées. Le Saint-Sépulcre n'est donc pas profané, contrairement à ce qui s'est passé durant la conquête par les Perses. Le calife s'y rend lui-même, priant devant la basilique du Martyrion, et le lieu devient également un lieu de prière pour les musulmans. Les pèlerins chrétiens peuvent toujours eux aussi s'y rendre. Parmi eux, un certain Arculfe, évêque franc, qui accomplit son pèlerinage à Jérusalem à partir de 670. On lui doit « le plan d'Arculfe », témoignage indispensable de l'état de l'église du Saint-Sépulcre au début de la période islamique, dans les années 680. On apprend ainsi qu'une bonne partie des bâtiments de l'époque constantinienne a résisté aux destructions causées par les Perses, et que les travaux de Modeste ont essentiellement concerné la Rotonde.

Le début de la période islamique voit Jérusalem prendre de l'importance au sein de la religion musulmane. Elle en devient la troisième ville sainte, après Médine et La Mecque. Dans la deuxième moitié du VIIe siècle et au début du VIIIe siècle, deux grands lieux de culte musulmans sont construits à Jérusalem, la mosquée Al-Aqsa et le Dôme du Rocher, qui deviennent les principaux centres religieux, au détriment des lieux saints juifs ou chrétiens, comme le Saint-Sépulcre.

Pour les chrétiens d'Occident, et dans une moindre mesure ceux d'Orient, et notamment les Byzantins, Jérusalem est alors une ville perdue, et son importance devient plus spirituelle, avec l'image de la Jérusalem céleste. Il y a certes encore des pèlerinages vers la Terre sainte et le Saint-Sépulcre, comme celui de Willibald, évêque d'Eichstätt, en 720-722. Mais Jérusalem est supplantée dans le cœur des pèlerins par Rome et Constantinople. Au VIIIe siècle, la ville devient même moins importante pour les musulmans, en raison du déplacement du centre de gravité du pouvoir califal de Damas vers Bagdad, suite à la victoire des Abbassides sur la dynastie omeyyade en 750.

saint sepulcre planIl faut attendre la fin de ce siècle pour que Jérusalem semble redevenir importante pour les chrétiens d'Occident quand, dans le contexte de leurs fructueuses ambassades, le calife Harûn al-Rashid aurait offert à Charlemagne la clef du Saint-Sépulcre et l'étendard de Jérusalem. Ce n'est qu'une parenthèse. Jérusalem subit par ailleurs des catastrophes naturelles, dont des tremblements de terre durant le VIIIe siècle, et en 810 le Saint-Sépulcre lui-même est touché. Alors que les pèlerinages vers la Ville sainte semblent reprendre, une émeute en 966 provoque l'incendie d'une partie du lieu.

Les destructions du XIe siècle

Comme lors de la période byzantine et perse, la situation de Jérusalem est dépendante du contexte politique. A la fin du Xe siècle, la dynastie fatimide, après s'être emparé du pouvoir en Egypte, prend Jérusalem aux Abbassides. Après une période de tolérance, les chrétiens sont frappés par un traumatisme plus grand encore que les destructions perses du VIIe siècle. En effet, le calife fatimide Al-Hakim (996-1021) ordonne la destruction totale de l'église du Saint-Sépulcre !

Selon le chroniqueur Yahia, les destructions auraient commencé le mardi, cinq jours avant la fin du mois de Safar, en 400 de l'Hégire, c'est-à-dire le 18 octobre 1009. A partir de ce moment, le monument du IVe siècle disparaît, tout comme les restaurations de Modeste. Il faut attendre 1020 pour qu'Al-Hakim permette, moyennant finances, quelques reconstructions. Mais c'est surtout avec ses successeurs que la situation s'améliore, alors que les pèlerins sont de plus en plus nombreux.

Le temps des reconstructions de l'église du Saint-Sépulcre

En Occident, les destructions d'Al-Hakim ont choqué au moment même où le pèlerinage pour Jérusalem redevient primordial pour les chrétiens, comme le montre celui de Robert le Magnifique, père de Guillaume le Conquérant, en 1035. En 1065, on assiste à un pèlerinage d'environ 7000 hommes venus de Germanie ; et en 1070, les marchands d'Amalfi fondent dans la Ville sainte un hôpital dédié à saint Jean l'Aumônier.

saint sepulcreEntretemps, le fils et successeur d'Al-Hakim a négocié avec les Byzantins pour qu'ils puissent reconstruire le Saint-Sépulcre. Les travaux commencent véritablement suite au traité entre l'empereur Michel IV et le calife Al-Mustansir, dans les années 1030. Malheureusement, une fois de plus, les finances ne permettent pas de redonner au Saint-Sépulcre son lustre d'antan, malgré les efforts consentis par l'empereur Constantin IX Monomaque, qui achève les travaux de la Rotonde en 1048.Jérusalem subit une nouvelle fois les tensions politiques, quand elle tombe aux mains des Turcs Seldjoukides en 1071. Un an avant l'arrivée des croisés, en 1098, la Ville sainte est reprise par les Fatimides. 

Les guerres, les catastrophes naturelles, les changements de pouvoir dans la Ville sainte, provoquent une succession de destructions et de difficiles reconstructions, jusqu'à ce que le Saint-Sépulcre devienne l'un des enjeux principaux de la Première croisade, lancée en 1095 par le pape Urbain II. Certes non profanée, l'église du Saint-Sépulcre n'en est pas moins dans un mauvais état quand les croisés la découvrent suite à la prise de Jérusalem en 1099.

L'église est rebâti par les croisés et consacrée en 1149. Après la chute du royaume de Jérusalem (1187), l'édifice bénéficie de la protection de Saladin qui interdit toute profanation et autorise la poursuite des pélérinages. Des moines catholiques et orthodoxes sont chargés de l'entretien de l'église durant le Moyen Age. Son dôme sera réparé au XVIIIe siècle puis de nouveau après l'incendie survenu en 1810. Depuis le milieu du XIXe siècle, des travaux de reconstructions et de réparation sont régulièrement menés, comme les rénovations et les réhabilitations effectuées de 2016 à 2017.

Bibliographie

- Jérusalem et le Saint-Sépulcre, de Alfred Monbrun. BNF, 2012.

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