camelot-serie-dvdfrLa mode étant depuis quelques temps aux séries « historiques » comme les Tudor ou les Borgia, on se doutait que les légendes ne tarderaient pas à inspirer les scénaristes. Et quoi de mieux que le cycle arthurien, avec ses chevaliers, ses batailles, ses trahisons et ses drames ? Et un soupçon de magie en plus…Avec Camelot, on est cependant très loin de la série pour ados Merlin, et on se rapproche plus d’un Spartacus. Pour le meilleur ou pour le pire ?

  

L’intrigue et le casting de Camelot 

Le roi Uther règne aux côtés de sa reine Ygraine, mais il meurt empoisonné par sa fille Morgane. Des visions lui prédisant le chaos, le sorcier Merlin part chercher le fils caché d’Uther, Arthur, pour qu’il s’impose sur le trône. Le jeune homme s’oppose alors à sa demi-sœur, Morgane, alliée au félon Lot. Pour devenir roi, Arthur doit prouver sa valeur, et ainsi pouvoir regrouper autour de lui les plus grands chevaliers et surtout le peuple. 

Même si, on le voit, l’intrigue amène rapidement à quelques commentaires par rapport à la légende arthurienne, commençons par le casting de la série, car c’est l’un des premiers problèmes. 

Le positif d’abord. Malgré un regard noir parfois un peu trop appuyé, Eva Green campe une Morgane très charismatique, très belle et on peut dire, crédible. Magicienne plus païenne que chrétienne (malgré le soutien d’une nonne disons ambiguë), femme indépendante, elle nous convainc très facilement de prendre son parti, malgré ses crimes (un enfant et une femme, quand même). Pour les réussites du casting, il faut ensuite beaucoup plus chercher…Le temps de deux épisodes, James Purefoy s’amuse en méchant barbare, Lot, et on pense avec nostalgie au très bon Marc-Antoine qu’il a été (dans la série Rome). La belle Claire Forlani (qu’on a vue entre autres dans Rencontre avec Joe Black) est une Ygraine attachante, qui parvient un peu à tenir le choc face à Eva Green, malgré un abus de botox. Sans être exceptionnel, Philip Winchester est convaincant en chevalier cocu, et son destin tragique parvient à nous émouvoir, un peu. D’autres comédiens et comédiennes ne s’en sortent pas mal non plus, comme Sinead Cusack, en nonne machiavélique.camelot-ralph-fiennes

 Cela se gâte ensuite, et gravement. Car les deux pires acteurs jouent les deux personnages principaux ! Comment croire au destin d’Arthur s’il est « interprété » par un blondinet au regard vide, sans aucun charisme, même si les metteurs en scène essayent de l’aider en le couvrant de sang et de crasse dans les derniers épisodes ? Il n’est certes pas aidé par son personnage (on y reviendra), mais tout de même…Jamie Campbell Bower parvient à être plus mou et insupportable que Jonathan Rhys-Meyer en Henri VIII (Les Tudor), c’est dire !
 
Toutefois, il est battu à plate couture dans le ridicule par Joseph Fiennes, et on pleure pour Merlin. Le pire est, qu’à l’inverse du personnage d’Arthur, celui de Merlin est ici bien plus intéressant, se rapprochant un peu de celui du Excalibur de Boorman. Mais Fiennes, souffrant probablement d’un torticolis chronique, garde toujours la même attitude, voûté et le regard noir, un petit rictus essayant de souligner son ambiguïté. Seule la scène de la mort d’Ygraine est réussie avec lui…Enfin, la pauvre Guenièvre est à l’image du pathétique Arthur. Certes, Tamsin Egerton est jolie, mais sa blondeur éclatante, ses sourcils foncés et son visage de gamine nous font plutôt penser à une petite starlette de série pour ados type Hartley cœurs à vifs qu’à la reine du grand Arthur. Ce qui est assez logique, finalement, puisqu’elle n’est pas sa reine, mais la femme de Leontes ! 

L’adaptation de la légende arthurienne 

En effet, les créateurs de la série ont pris beaucoup de libertés avec la légende arthurienne classique. Adapter, faire une nouvelle version, pourquoi pas ? Après tout, le Excalibur de Boorman est une adaptation, où certains personnages sont fusionnés, des événements un brin modifiés. La série pour ados Merlin, qui n’est certes pas terrible, possède néanmoins quelques qualités, comme le dragon et l’idée d’évoquer la jeunesse des personnages. Mais Camelot va bien au-delà, et on se demande souvent pourquoi. Pire, la série parvient à rendre inintéressants certains des personnages les plus emblématiques du cycle arthurien. 

On l’a dit, Morgane est plutôt réussie. Mais en faire la demi-sœur d’Arthur par le père et non par la mère est-il vraiment une bonne idée, même si cela « justifie » sa revendication au trône ? 

Merlin, malgré son interprète, est plutôt pas mal pensé. Refusant d’utiliser ses pouvoirs (et quand il le fait, ça se passe mal), torturé et au passé sombre, il est aussi manipulateur. Lui manque la dérision du Merlin de Boorman tout de même. 

Malheureusement, Arthur n’est qu’un sale gosse capricieux et égocentrique, sans charisme, qui ne pense qu’à trahir son ami et chevalier Leontes en couchant avec sa femme Guenièvre. Les scénaristes, sans doute conscients d’avoir trop chargé la mule et fait d’Arthur tout sauf un roi, tentent de rattraper le coup dans les derniers épisodes en montrant un jeune homme courageux, prêt à se sacrifier. Mais on ne croit pas à ce soldat commando qui, à la manière de John Rambo ou d’Alan « Dutch » Schaefer (les amateurs comprendront), parvient à résister à force de pièges et de moulinets d’épée à l’attaque d’une bonne vingtaine d’assaillants, certes pas très fins…Il est difficile à avaler qu’à la fin de la saison on ne pense qu’une chose : que fait ce type sur le trône des Bretons ? Rendez nous Morgane ! Camelot_1

Guenièvre, on l’a dit, est une femme adultère capricieuse, mais on peut se dire qu’elle est à l’image de son futur époux…Gauvain est un chevalier courageux, et on pense un moment assez intéressant par rapport à ses interrogations (sur Dieu, etc). Mais il se transforme vite en une sorte de guerrier de jeu vidéo, avec les deux épées dans le dos et l’air patibulaire, ses états d’âmes étant vite oubliés. On est loin du chevalier modèle et courtois…

Leontes ressemble sur bien des points à Lancelot, voire à Galaad. On pense d’ailleurs un temps que son personnage remplace Lancelot, et que les scénaristes ont inversé la situation de la légende : il serait le mari cocu de Guenièvre, et Arthur l’amant. Mais il meurt dans le dernier épisode (en sauvant Arthur) et, outre le fait que ça libère la place pour Arthur dans le lit de Guenièvre, une allusion est faite lors de la construction de la Table Ronde : la place de Leontes restera vide tant qu’il n’y aura pas de chevalier digne de s’y asseoir. On peut penser que ce chevalier aurait été Lancelot, si la série avait continué… 

Passons sur les autres chevaliers pour nous intéresser à Viviane. Dans la légende arthurienne, c’est un personnage fondamental, la Dame du Lac. Dans la plupart des versions, c’est même celle qui a élevé Lancelot. La main qui jaillit du lac en brandissant Excalibur, c’est aussi elle. Enfin, elle corrompt Merlin. Ce n’est donc pas n’importe qui ! John Boorman avait réussi à respecter ce personnage, tout en le fusionnant avec Morgane, ce qui n’était pas gagné.

Mais la série Camelot le sacrifie totalement, de deux manières. D’abord par le politiquement correct. Si la Guenièvre de la série Merlin pouvait déjà poser question, que dire de la Viviane de Camelot ? Sans doute coincés par les quotas de la « diversité », les créateurs de la série ont fait de Viviane une Africaine, couverte de scarifications, cheveux très courts, et dont la famille aurait été amenée en Bretagne en tant qu’esclaves par les Romains. Pire, loin d’être une fée où quoi que ce soit, elle était une servante d’Uther et devient celle de Morgane ! Le tout sans réel impact sur l’intrigue. Néanmoins, les scénaristes ont réussi à faire encore plus fort avec Excalibur… 

Excalibur, la dame du Lac, fille de Caliburnus 

L’épée du roi Arthur est centrale dans la légende. Dans Camelot, beaucoup moins, et elle est même en deux exemplaires… 

Le premier est une grosse épée à deux mains, rouillée et pleine de mousse, qu’Arthur doit aller chercher au milieu d’une cascade pour prouver sa bravoure. Le second exemplaire a une origine bien plus complexe. En effet, il semblerait que l’épée rouillée ne suffise pas, et Merlin décide de faire confectionner une vraie épée de roi pour Arthur. Sur les conseils de Gauvain, il part trouver le forgeron Caliburnus, caché au fond des bois. Caliburnus est l’autre nom d’Excalibur dans la légende. Le forgeron accepte mais, quand l’épée est terminée, il exige de la remettre lui-même au roi. Merlin, en plein doute existentiel, le prend mal ; les deux hommes s’affrontent et, quand Caliburnus insulte ses parents, le sorcier le brûle et le tue. Arrive alors la fille du forgeron, qui s’appelle…Excalibur !

Voyant son père mort, elle prend l’épée et s’enfuit. Merlin, en colère, la poursuit jusqu’à…un lac. La jeune fille monte dans une barque, Merlin gèle le lac avec ses pouvoirs pour la rejoindre. Excalibur prend l’épée, et tombe à l’eau. Merlin se rend compte de ce qu’il a fait et essaye de la sauver, alors qu’elle se noie. A ce moment, la jeune fille fend la glace avec l’épée : c’est l’image du bras brandissant Excalibur que tout le monde connaît. Merlin prend l’épée, mais ne parvient pas à sauver Excalibur. De retour à Camelot, il raconte sa version des faits, qui est en fait la légende que nous connaissons (en gros), et décide d’appeler l’épée…Excalibur.

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Ce résumé permet de voir jusqu’où peuvent aller les scénaristes de Camelot pour faire original. Mais on se dit, à quoi bon ? 

Sexe et décadence à Camelot 

Enfin, la série tend clairement à se situer dans la lignée des Borgia et des Tudor, mais également de Spartacus. Pas sur la violence, mais sur le sexe. Certes, la légende arthurienne est pour part non négligeable une histoire de coucheries, mais cette nouvelle mode de mettre des scènes de sexe dans ce genre de série devient lassant, malgré la plastique des protagonistes, qui semblent tous sortis de salles de sport et de centres de beauté.

Ces scènes sont la plupart du temps filmées de la même façon (dans toutes ces séries), et surtout inutiles à l’intrigue, à quelques exceptions près. Cela finit par ne plus suffire pour susciter l’intérêt, quand le reste de la série est de mauvaise qualité. On ne fait pas Rome tous les jours… 

L’avis d’Histoire pour tous 

Sauvons quelques éléments de Camelot. Les décors d’abord, tous somptueux, comme la bonne idée du château de Camelot à ciel ouvert, couvert de végétation. Quelques scènes marquent : le loup face à Leontes, la mort d’Ygraine, et surtout la scène finale, qui rattraperait presque les trahisons de la série à la légende : Leontes à peine consumé, Guenièvre file dans le lit d’Arthur (scène de sexe, etc). Quand elle sort de la chambre, son visage change : c’est en fait Morgane, qui a pris les traits de Guenièvre pour enfanter un roi, avec son demi-frère. Mordred est en gestation… 

Malgré cela, Camelot est un ratage. Le casting est trop inégal, et les changements voulus par rapport à la légende sont très majoritairement des échecs, quand ils ne sont pas des trahisons. L’intrigue traine en longueur, et n’est en fait qu’une succession d’allers-retours entre Camelot et le château de Morgane, avec quelques décors annexes. On s’ennuie beaucoup. Il semblerait qu’on ne soit pas les seuls, puisque la série ne connaîtra pas de deuxième saison. Dommage qu’une telle matière ait été gâchée à ce point… 

 

- Camelot, série créée par Morgan O'Sullivan et Michael Hirst.

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