henri de sevigneOn parle toujours de Madame de Sévigné, mais point de Monsieur ! C'était un homme bien dans son temps, et comme tous les hommes de cette époque, prêt à en découdre avec le « premier venu », accomplissant quelques exploits à la guerre, et pourvu de quelques maîtresses... car il était de bon ton de tromper son épouse, il était d'ailleurs malséant de ne pas tromper sa femme ! Bref, il a vécu une vie « normale » au XVII è siècle, mais bien courte....

 

La jeunesse compliquée de Monsieur de Sévigné

Henri de Sévigné nait en 1623 au Château des Rochers en Basse-Bretagne à côté de Rennes, mais perd sa mère de suite. En 1629, son père le baron Charles ne s'occupant que de ses terres et de ses dévotions se remarie à trente ans ; le petit Henri à la mine déjà bien éveillée, reporte tout son amour et son estime sur sa grand-mère Marie de Sévigné tout en ayant une profonde admiration pour son parrain le Maréchal de Schomberg et son oncle le chevalier Renaud-René de Sévigné, chevalier de Malte.

Début janvier 1635, lorsque son père meurt, sa grand-mère obtient la tutelle du jeune garçon, alors que sa belle mère est mise à l'écart. Quelques mois plus tard, à la mort de Mme Sévigné mère, la belle mère se remarie elle aussi, avec le comte de Grandbois et engage un procès contre Henri au sujet du contrat de mariage avec son ex-mari défunt, procès repris plus tard par sa fille Renée et qui durera 60 ans.

Ses premiers pas dans le monde

En 1643, le jeune marquis est devenu un cavalier à la fière allure, parfumé au musc, très bien mis, mais avec un regard hautain, provoquant et railleur. En vue de son mariage, il est convié à une réception chez le cardinal de Retz où il rencontre Ménage, Chapelain, le comte et la comtesse de Fiesque ainsi que les seigneurs de Brissac et Frontailles ; on lui fait les louanges de Mlle de Rabutin-Chantal qui est intelligente, instruite (elle lit les classiques latins et français), qui danse le menuet et la sarabande, qui est bien riche ayant hérité de la fortune de sa mère née Coulanges et de son père mort au combat contre les Anglais à l'Ile de Ré.

Henri lui rend visite dans la belle maison construite par le grand père Rabutin, à l'angle de la Place Royale (place des Vosges). Il est conquis « elle a de beaux cheveux, un joli rire, la répartie prompte, l'humeur enjouée » ; elle est séduite par son goût de la facétie, sa bouffonnerie et sa gaité. Le marquis est pressé de se marier, il a de beaux domaines, mais également des dettes.

Un jeune homme impulsif

En mai 1644, les pourparlers et la conclusion du contrat sont en bonne voie. Mais Henri de Sévigné est un impulsif, quelque peu irréfléchi, légèrement inconscient, à la merci des moindres changements atmosphériques. La veille de la finalisation du contrat, le marquis se bat en duel, prend un coup d'épée et perd beaucoup de sang. Inconscient et délirant, il est alité chez son parrain le maréchal de Schomberg ; son ami Olivier Lefèvre d'Ormesson tout le contraire du marquis, vient aux nouvelles ; Marie, à son chevet, se souvient alors des conseils de sa grand-mère « épouses un mari pondéré » .

Un mois et demi plus tard, Henri est sauvé, l'air et l'odeur des fleurs l'attirent au dehors. En échange des épousailles, Marie lui demande de ne plus s'impliquer dans un duel et d'attendre un peu pour aller combattre, lui qui a tant envie d'une charge de lieutenant dans la compagnie des chevaux légers. Début juillet le contrat de mariage est signé ; fin juillet Henri de Sévigné insiste pour que la cérémonie ait lieu très rapidement avant qu'il ne parte rejoindre l'armée en Flandres ; l'abbé de Coulanges, grand ami de Marie et aidé par toute la famille essaye de le raisonner. Henri repousse à regret son départ aux armées. Le 4 août, le mariage est célébré à l'église Saint Gervais ; le voyage de noces a lieu en Bretagne au domaine des Rochers. La nouvelle marquise découvre la propriété et le parc, elle est enchantée.

De la vie mondaine à Paris ...

Sévigné château des RochersA l'automne 1645, le jeune couple retrouve Paris, les divers salons littéraires, les promenades au Cours-la-Reine, les grandes réceptions où ils croisent la Reine Mère et le roi ; ils sont conviés au mariage de Julie d'Angennes, fille de la marquise de Rambouillet ; ils assistent à des comédies italiennes, à l'arrivée de l'ambassade de Pologne ainsi qu'aux fêtes données ; le marquis de Sévigné courtise les jolies femmes des salons, la marquise est entourée de ses admirateurs Ménage, Chapelain, Corneille, Benserade, Voiture ; ils rencontrent le duc d'Enghien, le prince de Conti et leur sœur la duchesse de Longueville et sentent rapidement la tension entre le cardinal de Retz et Mazarin : ce sont les prémices de la Fronde...

A l'été 1646, en Bretagne, attendant tranquillement la naissance de leur premier enfant, le marquis reçoit une mauvaise nouvelle de Paris : le président Barillon, ami du duc de Beaufort et ennemi de Mazarin, vient d'être arrêté et conduit à Pignerol ! C'est le début de la Fronde. Le couple rentre rapidement dans la capitale, Marguerite Françoise un beau bébé de huit livres, nait le 10 octobre, ce sera la comtesse de Grignan. Occupée par son enfant, la marquise ne se rend pas vraiment compte du changement de comportement de son époux qui sort souvent et rentre très tard sans raisons.

En janvier 1647, le comte de Bussy, parent de la marquise, pris de pitié pour elle, lui avoue avoir croisé le marquis non loin de chez Ninon de Lenclos. Il est fou amoureux de Ninon qui fait une entorse à sa règle, lui accordant deux « quartiers » (six mois), il est si gai, si impulsif, si malicieux...Rappelons que Ninon changeait d'amant tous les trois mois ! Elle comprend enfin le comportement de son époux et pendant tout ce temps, va afficher un air détaché et gai, recevant ou sortant avec des amis ; au bal le comte de Lude la fait danser, Ménage devient son ami intime, elle fleurette avec Montmoron... Tout l'entourage du cardinal de Retz est au pied de la marquise : elle a tant d'esprit, mais reste fidèle à son mari...tout le monde a en bouche ces paroles « quel homme pour cette Femme »...jusqu'à ce que son mari devienne jaloux, lui ! Peu de temps avant l'été, il sort moins souvent, devient à nouveau plus affectueux désireux de plaire à sa femme, s'intéressant aux progrès de sa fille. Ils décident de séjourner dans leur domaine en Bretagne, jusqu'à la naissance du petit Charles de Sévigné en mars 1648. L'été se passe dans le calme jusqu'à l'arrivée du comte de Bussy qui raconte les évènements s'étant déroulés à Paris : les barricades d'août, les complots des anti Mazarin...

...à sa « nouvelle maîtresse » : la Fronde

Marquise de SévignéLa marquise se fait du souci, son époux est exalté par ces récits et rentre en vitesse à Paris pour rejoindre le clan de Retz complotant contre Mazarin. Il se sent revivre, a besoin d'action, il lui faut quelque chose de nouveau. La marquise comprenant, l'accompagne même aux réunions de Retz. Le 5 janvier 1649, les Sévigné, les d'Ormesson et d'autres amis se réunissent pour tirer les rois ; les discussions vont bon train sur le départ de Mazarin, et celui de la Cour. Toutes les occasions sont bonnes pour le marquis qui s'absente de nouveau régulièrement, sa nouvelle maitresse s'appelant La Fronde ! Il participe à la révolte des Princes, aux réunions de la duchesse de Longueville, se joint à l'expédition qui va soulever la Normandie contre le roi. Son épouse tente de le calmer et le faire rester à Paris, mais c'est impossible, il a donné sa parole de gentilhomme, il s'est « livré » à La Fronde, corps et âme ! Un jour de janvier, il part ; chagriné d'avoir laissé sa femme et ses enfants, il apprécie néanmoins les chevauchées, les cantonnements, les bivouacs, la vie de guerre, se souvenant des récits de son oncle le chevalier de Malte. Mais lorsque rien n'avance, il souhaite la paix pour rentrer chez lui, paix qui arrive en avril 1649.

De retour à Paris, le marquis reprend ses habitudes de « célibataire » ; lassé par l'amour conjugal, la marquise étant devenue mère plus que femme, il l'estime fort mais ne l'aime plus ; il entre et sort de la maison quand il veut, fait la connaissance de Charlotte de Gondran et dépense sans compter jusqu'à être criblé de dettes. Les parents de la marquise la pressent de demander une séparation de biens, elle refuse, elle aime son mari et lui accorde même les 50 000 écus qu'il lui demande ! Et lui, il aime « sa » Charlotte.

Le dernier duel de Monsieur de Sévigné

Un matin de janvier 1651, le marquis se lève, mais ne se souvient plus de sa soirée, ayant abusé de boissons en compagnie de Charlotte. Mais Charlotte est aussi courtisée par le chevalier d'Albret...et cela se termine à l'épée le 3 février 1651. Malheureusement, le marquis est nerveux, ne ferraille pas correctement et reçoit un coup mortel...Il avait 28 ans. La marquise alertée, revient d'urgence du domaine des Rochers en Bretagne. Son chagrin s'atténuera avec le temps. Ninon se souviendra longtemps du marquis... en 1671, elle ouvrira ses bras à un jeune guidon de la compagnie des gendarmes qui a pour nom Charles de Sévigné, le fils d'Henri.

Le comte de Bussy-Rabutin aura ces derniers mots : « Sévigné était un sot devant Dieu. Le marquis s'était tiré d'affaires devant les hommes ». Il aurait pu ajouter « et devant les femmes » !

Bibliographie

- Monsieur DE SEVIGNE, par Adrienne LAUTERE.

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