Diane de PoitiersDiane de Poitiers (1499-1566), favorite du roi Henri II de France, s'imposa à la cour royale aux dépens de la reine Catherine de Médicis, et s’entoura d’une cour brillante. Femme indépendante, elle a su préserver la jeunesse de son corps et de son esprit. Elle n’oublia jamais ses principes « soyez toujours en port honorable, en manière froide et assurée, humble regard, basse parole, constante et ferme, toujours en un propos, sans fléchir, modération en toute chose ». Elle a également réussi à transformer Henri, en faisant de ce jeune homme gauche et maladroit un troubadour, un poète, un cavalier et un monarque. Après la mort dramatique du roi, elle se retire à Anet, où elle meurt le 22 avril 1566.

Diane de Poitiers, une dame de la Renaissance

Fille de Jean de Poitiers, Diane, prénommée ainsi en hommage à la déesse de la chasse, est née le 31 décembre 1499, dans le château de famille en Dauphiné. Elle héritera plus tard de son grand père le château de Saint-Vallier, le titre de Comtesse de Valentinois et l’emblème des Poitiers. Le jour de sa naissance, une vieille femme vint prédire que l’étoile de l’enfant l’élèverait plus haut qu’une reine.

A l’âge de six ans, elle partait à la chasse avec son père, avait son propre faucon et devint une cavalière émérite. A la mort de sa mère, elle rejoint la cour d’Anne de Beaujeu et Louis XII, y apprend le latin, le grec, le théâtre, la danse, la philosophie, la logique de Platon et surtout le mépris des intrigues, la dignité du rang à tenir, la noblesse du goût, l’art de la conversation, bref tout ce qui faisait une vraie Dame. Demoiselle d’honneur de la reine Anne, puis celle de la future reine Claude épouse de François 1er, elle assiste au couronnement du roi en 1515.

Diane chasseresse xvieLe 29 mars 1515, elle est mariée à Louis de Brézé grand sénéchal de Normandie, chasseur émérite, riche, puissant, très bien titré. Diane, la silhouette élancée, le port aristocratique, blonde au front haut, la peau blanche et pâle, les yeux gris bleu, le nez droit, une petite bouche aux lèvres pleines, atteint ainsi un rang royal juste inférieur à celui de princesse : le 3è rang du royaume.

Leur domicile est Anet, demeure sinistre et en ruine. Lors du passage du roi à Rouen, Louis de Brézé lui remet les clés de la ville et l’accueille chez lui. La Cour s’aperçoit vite que la Grande Sénéchale de Normandie prend très au sérieux son mariage et ne se laisse pas conquérir par les courtisans, à tel point que François 1er annote un portrait de Diane « belle à voir, honnête à hanter » en 1520.

Après avoir mis au monde en 1518 une petite Françoise, son père Jehan, pris malgré lui dans le complot fomenté par Charles Quint et Charles de Bourbon, est arrêté en septembre 1523, conduit à Loches, destitué de tous ses biens, condamné à mort, puis gracié de justesse en février 1524 pour un emprisonnement à vie. La rumeur court : Diane serait la maîtresse du Roi ! Non seulement le roi dément, mais à la mort de son épouse, il confie la garde de ses enfants à Diane en juillet 1524 : un grand honneur.

Lors de l’échange de François Ier captif de l'empereur Charles Quint contre ses enfants, Diane soutient le dauphin François huit ans et Henri six ans par ses paroles réconfortantes. Le roi, de retour à Rouen, profite de l’hospitalité des Brézé à Anet et conquit par la droiture, l’intelligence et la culture de Diane, il lui offre une nouvelle place à la cour : dame d’honneur de sa mère Louise de Savoie.

La rencontre avec le dauphin Henri

Au début de l’été 1530, les enfants royaux reviennent. Le jeune prince Henri, déçu par son père, se tourne vers les deux seules personnes qui lui ont témoigné de l’affection : Diane et Anne de Montmorency. Les enfants passent l’automne à Anet auprès de Diane et de Louis de Brézé, puis rentrent à Saint Germain. Lors des tournois en l’honneur de la nouvelle reine Eléonore de Habsbourg, sœur de Charles Quint, le jeune Henri choisit sa dame: Diane. Pour l’élection de « la belle parmi les belles », la reine Eléonore, la maîtresse du roi Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers sont en compétition. Comme la maîtresse du roi et Diane sont à égalité, Anne de Pisseleu vexée, n’aura qu’un objectif dans sa vie : anéantir Diane.

En juillet 1531, Louis de Brézé s’éteint. De cette date, après dix-sept ans de vie commune heureuse, Diane ne porte plus que du noir avec quelques touches de blanc. A ses armoiries, elle rajoute le symbole d’une veuve : une torche tournée vers le bas et sa devise est « celui qui m’enflamme à le pouvoir de m’éteindre ».

Se retirant à Anet, suite à la disparition de la régente Louise de Savoie, Diane s’occupe d’elle. Elle pratique une hygiène de vie stricte, se lave à l’eau claire, prend par tout temps un bain d’eau glacée, un bouillon le matin, 3 heures de cheval à vive allure, une petite collation à 11h. Pas de cosmétiques, pas de soleil, une peau toujours blanche, vêtue de soie, elle attache à ses épaules des rangs de perles se croisant sur un corsage de velours noir pourvu d’un profond décolleté, le bout des manches en fine mousseline, pierres précieuses à sa taille, Diane règle les affaires de ses domaines, accorde des audiences, dîne à 18h et se couche.

Diane de Poitiers, favorite d'Henri II

Rappelée à la cour en automne 1533, Diane proche parente de Catherine de Médicis future épouse d'Henri est choisie pour la guider et lui expliquer les rituels et les coutumes françaises. Réceptions grandioses, bals masqués, banquets sans fin pour ce mariage princier…Diane est vêtue de noir et blanc, porte des plumes de mêmes couleurs… Henri porte les mêmes plumes blanches et noires à son chapeau ! Il fait son devoir d’époux et retourne aussitôt auprès de sa Dame. Depuis l’âge de six ans et jusqu’à sa mort à quarante-deux ans, Henri vouera à Diane de Poitiers une véritable adoration.

Appréciée du roi, très souvent invitée à la chasse, Diane doit faire face à l’agressivité et la haine de la maîtresse royale qui lance des calomnies et des rumeurs d’appartenance à la sorcellerie. On assiste à la formation de deux camps : celui de la maîtresse du roi et celui de Diane. A ce moment là, Henri prend ouvertement sa défense, devant la cour entière et réitère son serment de dévotion à Diane. Diane, de son côté, soutient le roi et Henri lors de « l’Affaire des Placards », organisée par les Réformés contre les Catholiques.

Henri devenu dauphin (François venant de mourir) s’affirme, fait part à ses amis de ses opinions, de ses sentiments. Diane sait user de son intelligence et de son charme et n’ignore pas les moyens de parvenir à ses fins. Ils deviennent amants en fin d’année 1536 ou début 1537, certainement au château d’Ecouen, résidence favorite d’Anne de Montmorency. Au matin de leur première nuit, Diane écrit un petit poème (dont voici un passage) et l’envoie à Henri :

« Voici vraiment qu’Amour, un beau matin,

S’en vint m’offrir fleurettes très gentilles…

Car, voyez-vous, fleurettes si gentilles

Etaient garçon, frais, dispos et jeunet.

Henri_II_Roi_de_FranceHenri rayonne de bonheur grâce à la présence constante de Diane à ses côtés. Diane découvre avec lui le plaisir que procure un amant adolescent, elle lui transmet toutes ses connaissances acquises au côté de Louis de Brézé. Elle ne cherche pas l’amour d’Henri, mais elle fait tout ce qu’il est en son pouvoir pour ne pas le laisser s’éteindre, elle le retient par la puissance de son esprit et par son intelligence, jusqu’à devenir marraine en 1538, de la petite Diane d’Angoulême (fille d’Henri et Filippa Duci).

Elle sera mariée au fils d’Anne de Montmorency, Françoise (1ère fille de Diane) mariée à Robert IV de la Marck, et la 2è fille de Diane à un Guise. Mais les Guise s’imposent trop : Catherine de Médicis n’ayant toujours pas d’enfant, ils proposent une nouvelle épouse pour Henri II, jeune, belle qui risque de ravir la place de Diane dans le cœur d’Henri.

La future reine et la maîtresse « se serrent les coudes » : l’une implore le roi, l’autre s’occupe du dauphin. Diane prend Catherine à part, lui parle avec douceur, lui explique l’art de faire l’amour. Certains soirs, elle envoie Henri chez son épouse. Finalement, le miracle se produit : Catherine met au monde son premier petit garçon en janvier 1544. Henri, tellement content, offre une somme d’argent pour remercier Diane d’avoir aider la dauphine.

Une fois de plus, la maîtresse avait su se rendre utile…Mais les intrigues vont bon train à la cour, les maîtresses royales se haïssent, François 1er bannit Diane de la cour, profitant qu’Henri soit parti à la guerre. De retour de campagne, il se précipite à Anet.

Le roi, fatigué en février 1545, rappelle Diane à la cour, elle reprend sa position auprès d’Henri et a en charge l’éducation de deux des petits enfants du roi. Elle sent que les choses vont évoluer très vite à la mort de François 1er en mars 1547 et se rapproche des Guises. Anne de Montmorency est nommé à la tête du Conseil privé. Henri réclame les joyaux du trésor royal et les offre à Diane, elle reçoit en plus la clé de la chambre forte ainsi que l’autorisation d’y puiser à volonté. Henri s’empare de la maison d’Anne de Pisseleu et en fait cadeau à Diane. Cette dernière prend plaisir à recevoir tous ces honneurs, mais n’en perd pas la tête pour autant.

Reine ou maîtresse royale ?

Diane s’intéresse de près au gouvernement, au fonctionnement des finances du royaume. Elle pousse Henri à créer des lois somptuaires (limitation des dépenses) concernant les distractions, le faste de la cour, elle l’incite à réduire le nombre de courtisans, et à instaurer de nouvelles mesures sociales (chaque quartier de Paris devrait constituer un fonds social pour les pauvres, les hôpitaux devraient accueillir les malades et les infirmes). Pour la remercier et lui prouver son amour, Henri lui offre le plus beau joyau de la Loire : le château de Chenonceau, qui deviendra encore plus magnifique après les transformations opérées.

Le jour du sacre d’Henri II en juillet 1547, le costume du roi fait scandale : les broderies rappellent les attributs de Diane (carquois, arcs, flèches, croissants de lune, double D accroché au H), la lettre C de la reine n’apparait nulle part ! Lors de la naissance du 3è enfant de Catherine, Diane décide de la gouvernante, de l’alimentation des enfants, de leur éducation. Seule la parole de Diane compte. Pour les fêtes à Lyon en septembre 1548, tout est de couleur noire et blanche, des uniformes des soldats à l’harnachement des chevaux.

Au cours de ces cérémonies, Diane accède à la plus haute dignité des personnes non nées princesses : duchesse de Valentinois. En mai 1549, le spectacle donné à Paris est encore pire que le précédent : toutes les lettres sont « nouées H et D », tout est blanc et noir. Henri ne fait confiance qu’à Diane, elle signe des lettres officielles « HenriDiane », participe au Conseil privé, mais n’est pas à l’abri des malveillances et doit se battre contre la rumeur : elle serait à l’origine de la persécution des hérétiques. Henri II est là pour elle.

anet entreAnet, un château pour le roi et sa favorite

Ils passent des semaines à Anet, des heures à cheval de bon matin ainsi qu’à la chasse et de magnifiques banquets clôturent les soirées. Henri fait faire des portraits de sa favorite : de cette époque date la tradition des portraits au bain. Anet est un paradis : Henri s’y est remis de son emprisonnement en Espagne, les enfants royaux y séjournaient de bon cœur, le roi aime à passer de longs moments dans la bibliothèque (tous les livres étaient reliés de maroquin rouge orné du chiffre du roi et de sa dame, un des collections les plus prestigieuses de la Renaissance).

Henri fait d’Anet le siège de son gouvernement, en y écrivant le courrier et en accordant les audiences.

Diane est très appréciée de son entourage. La petite Marie Stuart lui est confiée à son arrivée en France. Elle emporte dans « ses bagages » sa gouvernante : lady Fleming qui a une aventure avec Henri II…Diane est alitée pour cause de chute de cheval. Il fait tout pour cacher cette liaison, mais la maîtresse royale peut compter sur ses amies ! Lady Fleming est renvoyée en Ecosse.

Diane est extrêmement fâchée d’apprendre qu’Anne de Montmorency est impliqué dans cette histoire : en fait, il veut écarter Diane du pouvoir. Les enfants de Catherine et d’Henri vont réconcilier le connétable et la maîtresse du roi.

Pendant les années de guerre 1552 à 1557, la reine et la maîtresse royale doivent se côtoyer, malgré les nombreux différents : « Diane se rendit un jour dans les appartements de Catherine, celle-ci lisait. Intéressée Diane lui demande ce qu’elle lisait : « je lis les histoires de ce royaume, et j’y trouve que, de temps en temps à toute époque, les putains ont dirigé les affaires des rois ».

L’insulte fait le tour du royaume. Diane se venge en faisant constater par Montmorency que parmi les enfants du roi, seule Diane de France ressemblait au roi…ce commentaire se répand dans toutes les cours du pays !

Les dernières années de Diane

Après la trêve avec l’Espagne, les fêtes recommencent, lors de mariages en 1558 et juillet 1559, avec tournois et joutes. Et c’est le fameux accident du roi, mortellement bléssé lors d'une joute. Diane se précipite auprès de lui, mais la reine lui interdit définitivement le passage. C’est la première fois que Diane de Poitiers se sent totalement impuissante…elle a peur de voir mourir le roi de France, mais surtout peur de subir la vengeance de la reine. Sans Henri, elle ne dispose plus d’aucune autorité.

Diane de Poitiers regagne sa maison et attend les nouvelles. N’étant pas conviée aux funérailles, elle se contente de regarder le cortège de l’une de ses fenêtres. L’effigie du roi ne porte pas le blanc et noir, pas de croissants de lune, le chiffre HD n’apparait pas sur le harnais du cheval du roi. Elle est priée de regagner le château d'Anet et la reine Catherine de Médicis lui offre le château de Chaumont sur Loire en échange de Chenonceau : l’acte de cession est signé en avril 1560.

En pénétrant dans Chaumont sur Loire, ancienne propriété de la reine, Diane est horrifiée par toutes les traces de nécromancie et d’alchimie, laissées par Catherine : des caractères grecs, égyptiens et hébreux ornaient un autel sur lequel trônait un crâne, des fioles de poudre et des bocaux de saumure contenant des membres d’animaux, des ouvrages étranges, des parchemins et des restes d’animaux. Elle fait tout brûler, ferme Chaumont et le lègue à sa fille Françoise.

anet_statue_diane_chasseresseElle rejoint Anet où il lui reste tous les souvenirs d’Henri. A l’aube de ses 60 ans, elle est encore une belle femme, jouissant d’une bonne condition physique, malgré un accident de cheval qui lui fractura la jambe, elle vient d’avoir soixante quatre ans.

Brantôme écrivait : « je vis cette dame, six mois avant qu’elle mourût, si belle encore, que je ne sache cœur de rocher qui ne s’en fut ému, encore qu’auparavant elle s’était rompu une jambe sur le pavé d’Orléans, allant et se tenant à cheval aussi dextrement comme elle avait fait jamais ; mais le cheval tomba et glissa sous elle ; et, pour telle rupture et maux et douleurs qu’elle endura, il eût semblé que sa belle face s’en fût changée ; mais rien moins que cela, car sa beauté, sa grâce, sa majesté, sa belle apparence, étaient toutes pareilles qu’elle avait toujours eu ».

La mort de Diane de Poitiers

A l'âge de 66 ans et après une brève et grave maladie (peut-être une intoxication alimentaire), Diane de Poitiers s'éteint le 26 avril 1566 dans son château d’Anet. Elle avait auparavant réparti son immense fortune entre ses deux filles Françoise et Louise de Brezé et assuré des legs à un certain nombre de couvents. Lors de ses funérailles, une centaine de pauvres des villages vêtus de blanc accompagnent le cortège, en chantant « priez Dieu pour Diane de Poitiers ».

Elle est enterrée dans la chapelle funéraire qu’elle avait fait construire près du château. Les révolutionnaires français, en 1795, ont ouvert le tombeau et ont coupé ses cheveux pour en faire des mèches-souvenirs, puis plus tard un propriétaire a vendu le château pierre par pierre.

Bibliographie

- Diane de Poitiers de Michel de Decker. Pygmalion, 2004.

- Diane de Poitiers, de Didier Le Fur. Tempus, 2022.

Le château d'Anet, l'amour de Diane de Poitiers et d'Henri II, de Daniel Leloup. Belin, 2001.

.