Entre de Mademoiselle de Montpensier OrlansUne foule de personnages des plus divers, ont animé à leur façon la Fronde de 1648 à 1653. Les parlementaires ont participé par devoir, les Grands ont agi pour leurs intérêts et ceux de leurs proches, la Reine a subi, enfin les Dames dont l’ascension fut importante au XVIe siècle, étaient obsédées par l’intrigue à tel point que « pour un regard elles changeaient de camp, pour un baiser elles menaient les soldats à la bataille, tout en voulant se réconcilier avec la reine » ! Revenons sur ces grands personnages.

 

Les Parlementaires

Le président Pierre Broussel, 73 ans lors de ces évènements, est l’un des plus anciens conseillers au parlement. Humaniste, très populaire, ne vivant pas dans le luxe – le dénonçant d’ailleurs - est un homme écouté et apprécié du peuple, qui déclarait un jour « il est des occasions où la meilleure manière de servir un prince est de lui désobéir ».

Mathieu Molé, plus jeune de dix années, de très noble famille sous Henri IV, intelligent, sage, ferme, intègre, est prêt à défendre d’abord l’autorité royale, puis le peuple. Pendant la Fronde, il a un rôle de conciliateur que ce soit après l’arrestation de Broussel, lors de la paix de Rueil ou encore pendant les affrontements entre partisans de Condé et de Gondi.

Omer Talon, avocat général au parlement, soutient la reine Anne d’Autriche lorsqu’elle devient régente du royaume, mais n’apprécie pas la politique du ministre Mazarin. Il adhère donc au mouvement de révolte et fait d’ailleurs une remontrance à la reine en janvier 1648 « pour entretenir le luxe de Paris, le peuple est obligé de se nourrir de pain et d’avoine. Madame, rendez vous compte de la misère du peuple », propos qui mettent le feu aux poudres.

Le couple Mazarin-Anne d’Autriche

Voulant se rapprocher de son ministre, la reine déménage du Louvre pour rejoindre le Palais Royal non loin de la demeure de Mazarin ; ce déménagement est très mal interprété par le peuple et la rumeur circule à vive allure : il y a une liaison supposée entre les deux, mais non prouvée. Elle veut être près de Mazarin qui est un bon ministre : courageux, accomplissant son devoir pour la royauté, ayant réussi à neutraliser « la Cabale des Importants » composée de Gaston d’Orléans, des princes de Condé, de la famille Vendôme, Turenne, La Rochefoucauld et Gondi ; il est entrain de mettre fin à la guerre de Trente Ans, par le traité de Westphalie, la France récupérant les Trois Evêchés (Metz, Toul et Verdun), l’empereur renonçant à l’Alsace, la religion réformée reconnue légalement au même titre que la religion catholique, l’amitié naissant entre la France et l’Allemagne.

Les Grands et nobles du royaume

Gaston d’Orléans, oncle du jeune roi, participe à toutes les cabales du temps de Louis XIII et Richelieu, continue sous Mazarin et Anne d’Autriche. Même en 1647 lorsque Louis Dieudonné est malade, Gaston se rapproche des mécontents, leur promet des charges et surtout de se débarrasser de Mazarin. Toujours à changer d’avis, à pousser au complot, puis à faire marche arrière, ne prenant surtout pas de grandes décisions pour ne mécontenter personne, il finit sa vie à Bois, dans l’oubli.

Louis_II_Grand_CondeLa famille Condé est encore dirigée par le père Henri II de Bourbon-Condé, ayant amassé une fortune considérable, mais gardant un gros ressentiment contre Henri IV qui l’avait obligé à épouser Charlotte de Montmorency et à agir en époux complaisant, afin qu’elle devienne la maitresse du roi, a conspiré contre Louis XIII, et maintenant poussait la reine à favoriser son fils le Grand Condé, pour les batailles gagnées.

Louis II de Bourbon-Condé « le Grand Condé », 27 ans au moment des faits, au service du royaume, soutenait la reine face à sa propre famille. Ce grand militaire, muni d’un esprit de chef, possédant une énorme bravoure au combat, sachant entrainer ses soldats, ne sait pourtant pas vivre à la Cour, ne saluant personne, encore moins la reine et le petit roi : un vrai manque de savoir vivre. Imbu de son rang et de sa personne, il ne sait vers qui se tourner, se laisse « mener par le bout du nez » que ce soit par sa mère, sa sœur ou par sa maîtresse, mais surtout exige beaucoup sans aucun tact, ni stratégie. Se mêlant à la Fronde, il va tout perdre. Quand ses intérêts sont en jeu, il aide les Bordelais contre le roi, finit par rejoindre les armées d’Espagne pour combattre la France. Un procès est entamé le décrétant « ennemi pour haute trahison, convaincu de crimes de lèse-majesté et félonie », déchu du nom de Bourbon et condamné à mort en mars 1653. Le roi connaissant sa valeur, attendra 8 ans avant de lui confier un nouveau commandement. Assagi, il passe la fin de sa vie à Chantilly dans son domaine, bien entouré de musiciens, et s’adonne à la lecture et la religion.

Armand de Bourbon, prince de Conti, son jeune frère de 20 ans est courageux, mais pas téméraire. Se mettant à genou devant sa sœur, la suivant partout, il exécutait tous ses désirs et toutes ses volontés. Se laissant manipuler par Gondi, il rejoint le Grand Condé et est emprisonné avec lui. A la fin de la Fronde, il est obligé à séjourner tranquillement dans ses terres, loin de Paris. Il épouse une des nièces de Mazarin, Anne Marie Martinozzi, qui est douce, pieuse et raisonnée, ce qui lui fit beaucoup de bien. Admis à la Cour vers 1654, il prend successivement plusieurs commandements d’armée et devient gouverneur du Languedoc en 1660, puis termine sa vie à Pézenas dans la piété, la foi et les pénitences.

henri_de_turenneHenri de la Tour d’Auvergne, vicomte de Turenne, 37 ans, était bien chétif lorsqu’il était enfant. Même s’il est allé dormir à l’âge de 10 ans sur l’affût d’un canon posté sur les remparts de Sedan, il n’était pas prédisposé aux campagnes militaires. Pourtant, il devient colonel sous Louis XIII, maréchal de camp, lieutenant général avant ses 30 ans, excellent chef de guerre, honnête ; il est très différent du Grand Condé : celui-ci fonce sans cesse, Turenne est patient et prépare ses batailles dans les détails. Après avoir été aux combats ensembles, ces deux grands hommes de guerre deviennent rivaux, même s’ils participent tous les deux à la Fronde. Pourquoi donc Turenne se retourne contre son roi ? Il demande la principauté de Sedan pour son frère le duc de Bouillon, mais le roi refuse. Bouillon l’attire au parti de la révolte en même temps que Turenne est séduit par la duchesse de Longueville. Avec un sursaut de loyauté, il se rend compte de son erreur et de son entêtement et se tourne humblement vers le roi pour le soutenir lors de la dernière bataille de Paris. Grâce à lui, Louis XIV gagne des batailles, ne prenant jamais de décision militaire sans le consulter. Mais en 1675, Turenne prend un mauvais boulet, Louis XIV lui décerne les honneurs de la sépulture royale à Saint Denis.

François de La Rochefoucauld, prince de Marcillac, 35 ans, complotait déjà avec la duchesse de Chevreuse contre Richelieu, recommence contre Mazarin, sans motif précis mais manipuler par les femmes, dont la duchesse de Longueville, sœur du Grand Condé. Par amour pour elle, il se lance dans la Fronde. Heureux d’être en vie après le combat du faubourg Saint Antoine, il renonce à une vie d’intrigues, fait une retraite chez la duchesse de Montbazon devenant son amant, même si en même temps Beaufort l’était aussi tout en admirant Mme de Longueville. Il se retire de toute conspiration, fréquente les salons et « sa maison était devenue le rendez vous de ce qu’il y a de plus distingué à la cour et à la ville par la politesse, les talents et l’esprit » comme le souligneront Mme de Sévigné et la comtesse de La Fayette. Là, il rédige ses « Réflexions ou sentences et maximes morales », parues en 1665.

Dans la famille Vendôme, dont le père César fut le demi-frère de Louis XIII, nous retrouvons François duc de Beaufort, 32 ans, fils de César. Il fait une cour assidue à la reine avant de prendre pour maîtresse Mme de Montbazon. Chef d’un parti d’opposition « les Importants menée par des gens qui avaient la mine de penser creux », il tente par trois fois d’assassiner Mazarin qui l’arrête et le met à Vincennes. Un magistral acte politique qui fait taire le peuple pendant quelques années : en effet, Beaufort est très apprécié du peuple, ayant fait entrer le roi dans Paris en début d’année 1643. Au début de la Fronde, il réussit à s’évader de Vincennes, rentre victorieux dans Paris et sera surnommé « le roi des Halles ». Tergiversant de toutes parts, s’attachant à tout le monde, il est exilé à la fin de la Fronde, mais revient en grâce et tout au roi, servira comme amiral avant d’aller battre les pirates en Méditerranée. Il finira malheureusement sa vie dans le combat au secours de Candie en 1669.

Paul de Gondi, futur cardinal de Retz, 35 ans, homme de loi, parlementaire et ecclésiastique, est la cheville ouvrière de la Fronde. Coadjuteur (adjoint de son oncle l’archevêque de Paris), c’est certainement le plus intelligent de la bande : il parle au peuple, écoute sa misère et par la même occasion, dénigre Mazarin, devenant rapidement l’idole des Parisiens. Ambitieux, exalté, doué pour la révolte, il aime l’intrigue. Depuis le début, il haïssait Mazarin pour une faute de langage et pour sa proximité avec la reine à en devenir jaloux. Il n’a jamais eu de réel projet dans cette révolte, il aspire seulement à la gloire, rejoignant une fois Gaston d’Orléans ou le Grand Condé, se soumettant à la reine pour obtenir le chapeau de cardinal …qu’il reçoit en 1652. Arrêté en décembre, il est conduit à Vincennes : c’est le dernier frondeur à être arrêté, la Fronde est terminée ! Mis dans une prison de Nantes d’où il s’évade, il erre dans plusieurs pays, revient en France, échange son archevêché pour l’abbaye de Saint Denis et termine dans la piété, mais jamais revenu en grâce auprès du roi.

Charles IV duc de Lorraine, beau-frère de Gaston d’Orléans, 44 ans, amis des opposants de Richelieu, ancien amant de la duchesse de Chevreuse, se mettant au service des uns et des autres, recevant des fonds de l’Espagne pour secourir Condé et jurant à la reine de rentrer en France pour la servir ! En 1652, lors du siège de Paris, il vient proposer son armée à celui qui lui offrirait le plus ! Mécontente, l’Espagne le fait arrêter et l’emprisonne à Tolède.

Les Dames

Anne Marie Louise d’Orléans, surnommée la Grande Mademoiselle, fille de Gaston, 21 ans, riche à souhait, hautaine, elle mène la grande vie et ne veut épouser qu’un très bon parti, comme le roi. A Orléans, elle interdit à l’armée royale d’entrer ; au faubourg Saint Antoine, elle fait tirer le canon sur le roi. Le roi la prie de retourner sur ses terres pendant trois ans. Cherchant divers partis pour se marier, elle réussit à 43 ans, avec l’accord du roi à épouser Lauzun, en échange d’une partie de sa fortune personnelle.

duchesse_de_longuevilleAnne Geneviève de Bourbon, duchesse de Longueville, sœur ainée du Grand Condé, mariée au vieux duc de Longueville, cultivée, sensible, elle parcourait les salons et eut plusieurs amants dont Coligny (mort pour elle dans son duel avec Guise), le maréchal d’Albret, le duc de Nemours. Vers 1647, elle laisse tomber son dévolu sur Marcillac (futur duc de La Rochefoucauld). Associé à Gondi, manipulant son frère Conti, elle a connu toutes les expéditions dangereuses, s’est risquée dans les émeutes, a trahi jusqu’à se présenter au peuple, comme otage à l’hôtel de ville de Paris en janvier 1650 pour prouver la sincérité de son époux passé à la fronde. Peu après elle y accouchait. A Bordeaux, un peu avant, accompagnée de sa mère, elle soutient la révolte contre les bourgeois de la ville. Disgraciée, elle s’amende après la Fronde, se retire à Moulins au couvent des filles de Sainte Marie, devient dévote après sa rencontre avec la duchesse de Montmorency sa tante (la veuve du duc décapité par Richelieu en 1632).

Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, 48 ans, est une comploteuse née. Après avoir été plusieurs fois exilée sous Louis XIII, elle revient en grâce lors du début de la régence ; dès son arrivée, elle se met en travers du couple Mazarin-Anne d’Autriche, se rapprochant de Gaston d’Orléans, renouant avec les Guise (puisque son second mari est lorrain). Elle reconstitue un parti des mécontents avec tous les princes évincés par la reine et manœuvrera pour supprimer Mazarin jusqu’à recevoir des fonds de l’Espagne. Après l’arrestation de Beaufort en 1643, Marie qui n’est plus si jeune (41 ans) et considérée comme complice, est à nouveau exilée en Touraine, mais avec 200 000 livres en compensation. Elle part en Angleterre en 1646, puis en Belgique, en continuant de comploter avec l’Espagne. De retour en France, ne pouvant plus tenir haut l’épée, mais toujours l’intrigue dans l’âme, elle fait une tentative d’alliance avec Gondi (en lui proposant sa fille) contre le Grand Condé. La reine veille…et au retour de Mazarin en 1652, la duchesse de Chevreuse se soumet, aidant même le ministre dans certaines négociations.

Anne de Gonzague de Clèves, 33 ans, la plus belle, la plus intelligente, a épousé le troisième fils du duc de Guise. Après avoir conspiré contre Richelieu, son mari s’enfuit en Belgique, elle le rejoint en habit d’homme et découvre qu’il s’est remarié ! Elle s’en retourne en France, reprenant son nom de jeune fille. Elle fut de toutes les révoltes, de toutes les négociations, essayant de ramener les Condés à la cour et inversement. Non disgraciée, mais tenue à distance, elle obtient la charge de surintendante de la Maison de la Reine en 1660. 

La Fronde s’est terminée aussi bizarrement qu’elle a débuté. Finalement elle a peut être échoué à cause de ces dames, mais sans elles, la Fronde n’aurait pas connu cette ampleur car constamment elles « ravivaient » la flamme de la révolte, déjouant tout le temps les plans de Mazarin. 

 

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