Carthago Delenda est ! Ces trois mots de Caton l'Ancien sonnent comme une mise à mort qui conduit presque à une disparition de l'histoire. Pourtant de nombreux chercheurs redécouvrent la cité depuis quelques décennies. Depuis la publication de l'ouvrage fondamental de Serge Lancel paru en 1992, le thème semble avoir suscité moins d'ouvrages majeurs bien qu'on puisse noter la publication de l'excellent Carthage et le monde punique d'Hédi Dridi, dans la collection des Guides Belles Lettres des Civilisations. Khaled Melliti publie cette année un nouvel ouvrage consacré à ce sujet intitulé Carthage : histoire d'une métropole méditerranéenne publié aux éditions Perrin et propose une lecture davantage politique de la cité complétant ainsi les deux livres précédemment cités.recommande

Un ouvrage de synthèse issu d'une thèse

Khaled Melliti est l'auteur d'une thèse remarquée sur la place de l'hellénisme dans l'histoire de Carthage qui est à l'origine de l'ouvrage qui nous intéresse. Dans l'introduction, l'auteur présente la fondation de Carthage et du mythe qui entoure cet évènement. Bien que l'histoire de Didon soit d'origine sémitique, des éléments sont typiquement grecs. D'un point de vue plus historique, la fondation de la ville est dès le début une cité complète avec toutes les structures sociales, politiques et religieuses et pas un simple établissement. L'implantation géographique est conforme à celles des autres fondations phéniciennes et s'inscrit dans le cadre de l'expansion commerciale phénicienne en permettant le contrôle des voies maritimes occidentales. Dès le milieu du Vie siècle sous l'impulsion de Malchus, Carthage se lance dans une politique d'expansion en Afrique et en Méditerranée (Sicile et Sardaigne) contre les menaces grecques croissantes (Alalia et Massalia en particulier) avec l'aide et l'alliance étrusque très étroite. Les puniques raffermissent le contrôle sur les cités phéniciennes occidentales. La défaite en Sardaigne marque la fin du pouvoir de Malchus et l'avènement d'une nouvelle dynastie dans le dernier tiers du VIe siècle : les Magonides. Ces derniers reprennent les grands principes géopolitiques tracés précédemment avec plus ou moins de succès. L'auteur relativise considérablement la défaite d'Himère en Sicile (480 avant notre ère) dont l'écho a été amplifié par la propagande syracusaine et montre que cette bataille n'a pas été fatale pour Carthage. Cette propagande a aussi des effets sur la vision que nous avons des conflits postérieurs sur l'île : loin d'être une guerre de civilisation (renforcé par l'hellénocentrisme et la division du monde par les Grecs entre la civilisation grecque et les barbares), les rivalités en Sicile sont issues des intérêts géopolitiques de chaque cité et les alliances sont guidées par leurs intérêts politiques propres. Après Himère, le stratège magonide vaincu Hamilcar ben Giscon poursuit une existence difficile. Un statuquo s'impose sur la Sicile et permet la conservation des intérêts carthaginois sur l'île. La cité punique ne délaisse pas l'Orient et Tyr pour autant. Les échanges commerciaux sont très importants et contribuent à la prospérité des deux cités et Carthage reste fidèle politiquement et en matière religieuse à la cité-mère mais aussi en matière culturelle. La fin de l'introduction aborde les conditions de la domination maritime et les expéditions des côtes Atlantique de l'Afrique. Cette longue et complète introduction dont nous avons retracé les grands traits est stimulante et permet d'aborder l'ouvrage et la thèse de l'auteur dans d'excellentes conditions.

La confrontation avec les Grecs et la redéfinition de Carthage

La première partie de l'ouvrage est consacré à l'affirmation de Carthage en méditerranée centrale au IVe siècle. Le premier chapitre s'intéresse à la création de l'État africain (la chôra) avec son expansion, son administration mais aussi les territoires et les peuples sous influence ou domination punique. Cet arrière-pays est une condition nécessaire au maintien de la thalassocratie punique (en particulier au niveau des ressources économiques et militaires). L'auteur développe ensuite l'importance de la Sicile pour les Carthaginois : point stratégique et débouché commercial clé, elle est au centre des préoccupations tout au long du Ve et du IVe siècle. C'est d'ailleurs dans l'île que sont apparus les premiers monnayages puniques. Les conflits sont par conséquent nombreux mais n'opposent pas deux civilisations opposées mais Syracuse et ses alliés à la cité de Didon et ses alliés (souvent à leur demande d'ailleurs). Un épisode en particulier est important pour l'histoire de la cité phénicienne : le stratège magonide Hannibal ben Gisco en rasant Himère en 408 et en recevant le triomphe lave l'honneur familial entamé quelques décennies plus tôt avec la défaite d'Himère. L'auteur montre une reprise en main punique plus ample de la Sicile occidentale promue par les Magonides mais permise par des facteurs extérieurs comme la rivalité entre les cités grecques et la situation politique de Syracuse. En effet, le tyran Denys de Syracuse et son fils mettent en place une propagande antipunique pour fédérer les Grecs contre les barbares avec un relatif succès pour justifier sa politique impérialiste qui menace l'indépendance des cités siciliennes. Cet expansionnisme est aussi lié à la faiblesse politique interne de la nouvelle dynastie : l'épouvantail carthaginois offre des opportunités politiques et les conflits malgré les risques et les revers consolident le pouvoir. Dans le chapitre 3, l'influence grecque sur les productions puniques est traitée en particulier dans les arts mineurs, l'architecture privée et les décorations intérieures. L'auteur montre les apports réels mais qui ne doivent pas conduire à la conclusion d'une hellénisation complète de la cité. Les gouts esthétiques locaux et phéniciens restent mais peuvent être adaptés à la mode méditerranéenne comme par le passé. Les techniques nouvelles peuvent être utilisées mais le savoir-faire et la production punique demeurent. Le chapitre suivant traite des conséquences politiques des évolutions récentes. La montée en puissance de quelques personnes et l'échec de la tentative de prise du pouvoir raté par Hannon le grand, général victorieux en Sicile, ont renforcé l'oligarchie punique tandis que le contrôle et la « provincialisation » de la Sicile se sont accélérés. Les institutions puniques sont également abordées dans ce chapitre. La première partie de l'ouvrage se termine avec la défaite du Crimisos et la paix de 338 qui ne balaie pas la domination carthaginoise sur la partie occidentale de la Sicile.

La deuxième partie traite des adaptations et de la politique de Carthage dans le nouveau monde hellénistique où Rome semble éloigné et peu important. L'auteur retranscrit très bien l'ambiance de ces premières années où l'ombre d'Alexandre le Grand plane dans de nombreux projets de souverains grecs. Agathocle fut une menace directe pour Carthage et poussa l'audace jusqu'à débarquer sur le sol africain ouvrant ainsi une brèche que d'autres allaient emprunter à nouveau. Le second ambitieux traité est Pyrrhos qui suscita des craintes mais fut davantage maitrisé par la cité punique. Cette nouvelle donne géopolitique conduit la cité à d'importantes réformes militaires qui conduisent à une professionnalisation plus importante passant par l'emploi de mercenaires et de conseillers étrangers pour la modernisation de l'armée. La cité tâche de neutraliser dans le même temps le pouvoir des généraux pour éviter de nouveaux coups d'État. La cité construit également un nouveau port et une enceinte de grande envergure pour faire face aux nouveaux dangers. La cité s'agrandit selon des modalités proches des villes hellénistiques (plan hippodamien, monumentalisation des temples et des voies de communication, etc.). L'intégration à la koinè hellénistique fait l'objet d'une nouvelle partie avec un premier chapitre qui développe la sensibilité accrue au monde grec. Des élites parlent grec, adoptent des noms ou des surnoms grecs. La culture grecque (littéraire et scientifique) se diffuse et le goût grec se développe mais dans le cadre des us et coutumes puniques (il ne faut pas voir une hellénisation des Carthaginois). Après les vives tensions qui ont émaillé les décennies et les siècles précédents, on assiste à une pacification des rapports entre Grecs et Puniques qui est accompagnée de rapports politiques étroits dans le contexte de la crainte de la montée en puissance romaine. Carthage apparait comme moins menaçante pour les cités grecques car elle a montré qu'elle n'avait pas d'ambitions expansionnistes (même pour Syracuse !). Les échanges économiques s'intensifient et les Puniques se donnent les moyens pour réussir leurs ambitions commerciales. Outre les aménagements portuaires, l'adoption de la monnaie et en particulier celles en bronze est révélatrice de la volonté d'intégrer la koinè commerciale grecque. Le troc persiste pour autant pour certaines transactions. Le cadre juridique permis par des traités facilite également les échanges : on peut parler d'un véritable cadre juridique international des affaires. L'auteur mentionne la place particulière d'Ibiza pour le commerce dont l'importance ne fait que croitre. La production de monnaies en bronze à la fin du IV et au début du IIIe siècle puis les monnayages en argent peu avant l'arrivée des Barcides dans la seconde moitié du IIIe siècle en atteste. L'autonomie dans la production monétaire n'est tolérée que dans les zones de contact avec les Grecs. Le monnayage en or apparu dans la moitié du IVe siècle reste un monopole carthaginois à l'intérieur de son commonwealth.

Le défi romain à relever : la première guerre punique

La confrontation avec Rome jusqu'à la destruction de Carthage occupe toute la fin de l'ouvrage. Intitulée la « Guerre de Sicile et des îles », la première guerre punique (264-241) déclenchée par les Romains est traitée dans cette quatrième partie. La fin de l'épopée de Pyrrhos et la chute de Tarente bouleversent la situation géopolitique. Déclenchée par les Romains, la guerre voit s'affronter des armées avec leurs points forts et leurs points faibles pour le contrôle du détroit de Messine. La famille des Claudii originaire de Capoue a milité notamment en faveur de la guerre. Loin d'être une puissance navale, Rome dispose depuis l'union fédérale avec Capoue des ressources et des chantiers navals pour mener à bien ses ambitions. À ce sujet l'auteur revient sur le mythe des « corbeaux » qui n'expliquent pas les réussites romaines mais attribue ces succès à l'habileté des Grecs du sud. Cette légende permettait à la propagande latine de transformer des victoires navales en victoires terrestres. Rome était en mesure de construire une flotte tout à fait satisfaisante grâce à Capoue mais aussi Tarente comme l'épreuve du feu allait le montrer. Les Romains prennent l'avantage avec les chutes de Messine et d'Agrigente conduisant à la défection de Ségeste du camp punique. En dépit de ces succès, Rome comprend que l'issue de la guerre se jouera sur les mers et accentue ses efforts en ce sens : bien que limitée militairement, la première victoire navale de leur histoire à Mylae (260) marque le succès de cette stratégie. Galvanisés par ce succès, les Romains s'emparent de la Sardaigne et la Corse en 259 et de Lipari en 258. La défaite navale d'Ecnome (256) et le débarquement en Afrique vont mettre Carthage à rude épreuve. Outre les destructions sur le sol africain, les alliés libyques et numides font défection. Les Puniques doivent restaurer une situation critique sur plusieurs fronts. La victoire de Tunis en 255 renverse partiellement la situation et permet aux Carthaginois de reprendre du terrain. Les opérations militaires durant la dernière phase de la guerre vont se concentrer en Sicile occidentale. Cette guerre permet l'ascension du jeune Amilcar Ben Hannibal surnommé Barca « la foudre ». La victoire sur les pentes du mont Éryx permet l'assimilation à Héraclès Milqart. Les Romains tentent une dernière offensive navale pour renverser la situation avant de mettre fin au conflit : la bataille des îles Aegates voit une partie de la flotte punique hors d'état de nuire. Ceci conjugué aux volontés d'une partie de l'aristocratie punique de stopper la guerre pour des raisons économiques et commerciales conduit la cité à accepter de signer la paix en 241 et la perte de la Sicile.

La guerre d'Afrique (241-237), est la conséquence immédiate de la démobilisation des mercenaires invaincus de la guerre précédente. Les négociations entre Carthage et les soldats échouant, un certain nombre de leaders avec leurs troupes et en particulier des libyens initie une révolte qui se diffusera aux campagnes africaines. Après les premiers échecs et difficultés, Amilcar Barca parvient à redresser la situation mais le conflit traine. Dans le même temps, la Sardaigne se soulève avec l'aide des mercenaires qui demande la protection de Rome. L'Urbs dans un premier temps méfiant répond au final favorablement à la requête et viole le traité de paix de Lutatius de 241. Cette perte est très mal perçue à Carthage et contribue à renforcer le pouvoir des Barcides. Elle ouvre une autre page de l'histoire punique en compensant la perte des îles par la conquête d'une partie de la péninsule ibérique : l'expédition contre les Numides le long des côtes d'Afrique du Nord est un moyen pour Carthage de sécuriser les lignes vers le nouvel horizon occidental. La conquête de l'Espagne est relativement rapide, dirigée par les Barcides et appuyée par le Sénat. La fondation de Carthago Nova (Carthagène) est une étape importante dans la constitution de ce nouvel espace. Après la conquête d'Amilcar Barca et la gestion de son beau-fils Asdrubal le Beau, Hannibal prend la relève et décide malgré un traité précédemment signé avec Rome d'attaquer Sagonte alliée des Romains et déclenche ainsi la seconde guerre punique. L'auteur aborde avant de développer l'histoire du conflit les réformes politiques et militaires menées par le général et visibles dans sa manière de gérer le conflit. L'auteur revient sur le culte de la personnalité mis en œuvre par Hannibal qui lui permettait d'avoir une autorité charismatique sur des troupes bigarrées sur le modèle des chefs de guerre hellénistiques mais aussi pour des raisons politiques impérialistes. Il gère les affaires de manière relativement autonome mais ceci dans le cadre des institutions puniques. Ceci a été permis par l'étendue de l'échec et du désastre consécutif à la première guerre. Cette autonomie lui permet de fonder une cité, de battre monnaie pour le bien de sa politique. Le sénat ne s'est désolidarisé d'Hannibal qu'avec les premiers revers de la seconde guerre punique montrant qu'il acceptait le conflit à rebours de traditions politiques anciennes basées sur la primatie de la paix pour maintenir les activités commerciales. Les institutions puniques se militarisent. La première guerre punique a contraint Carthage à privilégier un généralat fort : désormais, grâce à la proposition de l'assemblée populaire, les armées ont leur mot dans le choix de leur chef. Ici se matérialisent les soutiens les plus importants des Barcides que sont le peuple et l'armée. La succession au généralat n'est pas seulement et simplement héréditaire mais basée sur le mérite et la compétence reconnus par les soldats. Tout ceci est nécessaire pour avoir et former une base arrière solide ainsi que mener une politique viable sur plusieurs années. Hannibal réussit à se doter d'un commandement militaire performant souvent composé de proches et de troupes aguerries et formées pour faire des manœuvres en ordre malgré les barrières linguistiques dues à l'hétérogénéité du recrutement.

Les ultimes sursauts : de l'épopée d'Hannibal à la chute finale de la ville

La seconde guerre punique est un moment clé de l'histoire ancienne. Les nombreux évènements, les rebondissements et l'ampleur géographique du conflit ont nécessité un traitement conséquent qui représente environ le quart de l'ouvrage (110 pages). Il ne nous a pas semblé nécessaire de traiter en détail dans cette recension du conflit car le résultat serait nécessairement incomplet et décevant. L'auteur a découpé cette sixième partie en dix chapitres géographiques et chronologiques. Ces chapitres scandent le conflit et à la seule lecture du titre l'on peut comprendre ce qui se joue : la clarté et le sens de la synthèse de l'auteur font de la lecture de ces pages un moment agréable. Les motivations, les stratégies et les tactiques des uns et des autres sont très clairement développées. L'ouvrage contient le schéma de la bataille de Cannes pour aider le lecteur à comprendre les actions menées. La stratégie d'Hannibal de la bataille de Sagonte jusqu'à la bataille de Zama en 202 devient très logique et pertinente. L'auteur rappelle que les derniers mois de la guerre (de l'envoi de l'ambassade punique à la bataille de Zama en 202 avant notre ère) sont assez mal connus. Khaled Melliti rend hommage à l'instar de l'historien Polybe aux qualités du frère d'Hannibal Asdrubal Barca. Ce dernier a eu une carrière moins éclatante que son illustre frère mais n'a pas démérité avec des armées moins bien pourvues et a réussi à se sortir de situations très délicates. La thèse de l'ouvrage n'est pas mise de côté : de nombreux épisodes permettent de l'appuyer. Ainsi, Hannibal apparait comme le défenseur des Grecs dans le sud de l'Italie et en Sicile ou encore l'alliance de Carthage avec la Macédoine est analysée comme l'aboutissement de la politique punique d'intégration dans la sphère hellénistique.

Après la guerre, la vie politique reprend à Carthage et Hannibal reste quelque temps à la tête de la cité avant de devoir s'exiler suite à certaines réformes rejetées par le sénat mais aussi à la volonté des Romains de mettre fin au problème posé par l'illustre général. Le barcide va passer les dernières années de sa vie en Orient auprès de souverains hellénistiques et en particulier du roi séleucide Antiochos III. Son échec à mobiliser ses protecteurs illustre les paradoxes, les ambiguïtés et les problèmes de l'entrée de la cité punique dans la koinè hellénistique : bien qu'admiré (ce qui suscite la crainte des souverains locaux) et considéré comme un véritable libérateur des Grecs, Hannibal se révèle impuissant et ne peut mettre en place une véritable alliance hellénistique et antiromaine. Carthage n'était plus une puissance crédible et peut-être était-il déjà trop tard pour mener à bien les objectifs d'un tel projet. Carthage s'intègre de plus en plus dans la sphère romaine et demeure une puissance commerciale considérable avec une richesse inquiétante pour les Romains. La construction du port militaire après la guerre et malgré les interdictions du traité de paix pourrait révéler la mission de sécurisation des lignes maritimes déléguée à Carthage par l'Urbs permettant ainsi le maintien du monopole commercial punique. Les grands desseins urbanistiques entamés aux siècles précédents se poursuivent et la ville continue son essor adoptant encore un certain nombre de modèles artistiques hellénistiques tout en gardant des spécificités. Le traité de paix conduit à un relâchement de la tutelle carthaginoise sur les cités dominées : Utique s'émancipe partiellement et développe son propre monnayage. Carthage doit affronter également un nouvel ennemi en la personne de l'ancien allié numide Massinissa. Bien que les Romains lui demandent de ne pas inquiéter Carthage (pour éviter un front punico-hellénistique), celui prend l'initiative après la bataille de Pydna en 168 de conquérir des territoires puniques. Rome n'intervient pas. Le Sénat dominé jusqu'alors par le parti proromain perd de son poids et les sénateurs interventionnistes poussent à la guerre contre les Numides. Le conflit ouvert, les Romains déclarent la guerre. Carthage tente de tout mettre en œuvre pour éviter l'affrontement mais la ténacité d'un certain nombre et en particulier du fameux Caton l'Ancien qui déclamait régulièrement « Carthago delenda est » (Carthage doit être détruite). La ville est détruite en 146 avant notre ère. Brulant pendant dix jours, elle fut un symbole de la fausseté de la fides romana dans le monde méditerranéen. Les Puniques doivent se disperser mais leur culture perdurera jusqu'à l'Antiquité tardive. Leur langue sera supplantée par une autre langue proche sémitique : l'arabe.

Notre avis

Cet ouvrage est à la fois une synthèse à la fois dense et claire mais aussi une démonstration réussie de l'hellénisation tout en restant fidèle à ses traditions de la cité punique. L'auteur fournit tout au long de la démonstration les éléments et les étaye, les analyse de manière convaincante. La conclusion résume la thèse de l'ouvrage et montre qu'au final l'échec politique punique de l'utilisation de la carte hellénistique pour la domination de la Méditerranée occidentale complétée par d'autres initiatives (la révolution militaire barcide en particulier) ont été à l'origine de l'empire gréco-latin romain. Carthage n'a pas profité de ses initiatives et de son ingéniosité. Khaled Melliti retranscrit formidablement le contexte dans lequel évolue Carthage : la cité est ancrée dans un monde complexe et en mutation dominé par les Grecs et l'hellénisme. Bien que très accessible dans son ensemble, certains passages se révèleront un peu arides pour l'amateur éclairé en particulier ceux qui traitent des découvertes archéologiques. On regrettera l'absence de figures illustrant les propos de l'auteur notamment lorsque ce dernier parle de céramiques ou d'objets avec un style caractéristique. Nous concédons qu'étant donné le nombre d'éléments évoqués, cela aurait été difficilement réalisable. En revanche, nous saluons la présence d'un index des noms propres et d'une bibliographie organisée en fin d'ouvrage en plus des notes de bas de page. Les annexes proposent la traduction de traités signés avec Rome avant la seconde guerre punique, la traduction du serment d'Hannibal et un tableau indiquant la présence de céramique punique en Grande-Grèce et en Sicile aux IVe et IIIe siècles. Au final, Carthage : histoire d'une métropole méditerranéenne est appelé à devenir un indispensable en histoire ancienne que ce soit dans le domaine des études puniques mais aussi de l'hellénisation des « barbares ».

Carthage : histoire d'une métropole méditerranéenne, de Khaled Melliti. Perrin, 2016.

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