Ce samedi 10 avril, le magazine « l’Histoire » organisait dans le cadre de ses « rendez-vous » une après-midi de débats sur la défaite de 1940, en collaboration avec l’Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de
Après une introduction où Maurice Vaïsse (1) rappela les grandes étapes de l’historiographie sur le sujet (parmi lesquels « L’étrange défaite » de Marc Bloch), chaque intervenant tenta de résumer brièvement son point de vue avant d’entrer un peu plus dans le vif du sujet. Si Claude Quétel insista sur le caractère inéluctable, selon lui, de cette défaite (avec des raisons remontant à 1918), les analyses des autres historiens, en particulier de Laurent Henninger(2), furent plus nuancées. Frédéric Guelton (3) pointa la responsabilité des chefs, et Stefan Martens évoqua la surprise des Allemands face à leur réussite.
Diplomatie et doctrine militaire
Parmi les causes de la défaite, les débatteurs abordèrent d’abord le problème de la doctrine militaire : selon Claude Quétel (4),
Il fut aussi question de la stratégie diplomatique : selon M. Martens, Hitler avait compris que
Forces en présence et conduite des opérations
Au sujet des forces en présence, le problème des chiffres et du nombre (d’hommes, de chars, d’avions,…) fut vite écarté par les débatteurs. En revanche, il y eut débat sur la qualité des matériels, en particulier des chars français, mais à l’exception de M. Quétel, tous s’accordèrent à louer la solidité et la fiabilité de ces derniers. En ce qui concerne les chars allemands, chacun sembla d’accord pour remettre en question le mythe du Panzer invincible, en particulier à ce moment de la guerre. Le problème pour
Le dernier sujet abordé fut celui de la conduite des opérations, et le débat se concentra surtout sur la stratégie allemande et sur une nouvelle historiographie (en particulier anglo-saxonne), qui remet en cause l’existence de la doctrine du Blitzkrieg (le terme lui-même fut inventé dans les années 50 par Guderian). Si les historiens insistèrent de nouveau sur les erreurs de Gamelin, ils remirent en cause aussi les idées reçues sur le génie des généraux allemands et sur la performance de leur chaine de commandement. Laurent Henninger déclara d’ailleurs que l’armée allemande était « zéro » sur le plan stratégique et opérationnel, moyenne sur le plan tactique, mais très bonne en « microtactique » et dans le professionnalisme de ses soldats. Selon eux (même si Claude Quétel nuança cette idée), la stratégie allemande fut pour beaucoup improvisée, insistant surtout sur le mouvement (grande faiblesse française), mais craignant beaucoup une contre-offensive alliée…qui ne vint jamais ! Le passage par les Ardennes semble avoir été décidé après de nombreux débats au sein de l’état-major allemand, et Frédéric Guelton évoqua une très intéressante anecdote : dès 1935, le général Prételat avait prévu une éventuelle attaque dans ce secteur, organisé une manœuvre d’exercice (qui fut exactement celle employée par les Allemands), mais avait finalement été écarté par la suite par Gamelin pour des problèmes d’ego (selon M. Guelton) !
Pour conclure, les avis furent relativement équilibrés parmi les intervenants pour expliquer les raisons de cette défaite, sur tous ces points : doctrine, mentalité, matériel, diplomatie, commandement, ce dernier faisant l’unanimité contre lui. Cependant, seul Claude Quétel sembla tenir à l’inéluctabilité de la défaite française, qu’il expliqua avant tout par une mentalité française trop archaïque et pacifiste, et l’incompétence des décideurs. Tous furent néanmoins d’accord pour saluer le courage et la volonté de combattre des soldats français, battant en brèche l’autre idée reçue d’une armée en déroute qui aurait refusé de combattre.
Pour Histoire-pour-tous, Rayan et Tofraziel.
A ne pas manquer : le numéro 352S de la revue « l’Histoire » (avril 2010) intitulé « Autopsie d’une défaite. France 1940 ».
Intervenants :
(1) Maurice Vaïsse (animateur du débat) : historien français, spécialiste des relations internationales et du renseignement militaire, membre de la commission des archives diplomatiques, il est membre du comité scientifique de revues comme « Relations internationales », et co-dirige la « Revue d’histoire diplomatique ». Il appartient également au conseil d’administration de l’association « Liberté pour l’histoire ». Il a dirigé l’ouvrage collectif « Mai-juin 1940. Défaite française, victoire allemande sous l’œil des historiens étrangers » (Autrement, 2000, réed. 2010).
(2) Laurent Henninger : chargé de mission au Centre d’études d’histoire de la défense (CEHD). Il organise les journées annuelles « Histoire militaire et sciences humaines », et anime un mastère « Guerre et société à l’époque moderne » à l’université Paris I Sorbonne. Il participe à la rubrique Histoire du magazine « Armée d’aujourd’hui », et a rédigé la postface de l’ouvrage dirigé par Maurice Vaïsse cité plus haut.
(3) Frédéric Guelton : colonel et historien, il est le chef du département de l’Armée de Terre au Service Historique de
(4) Claude Quétel : historien français, spécialiste de la psycho-histoire, il a été directeur scientifique du Mémorial de Caen. Il collabore à la revue « Historia » et vient de publier « L’impardonnable défaite » (Lattès, 2010).
(5) Stefan Martens : directeur adjoint de l’Institut historique allemand de Paris, il est spécialiste des relations franco-allemandes pendant