Il y a un an mourait le grand médiéviste Jacques Le Goff. Le mensuel L'Histoire lui rend hommage, à travers un thème qu'il a été parmi les premiers à explorer en s'intéressant au rire : l'histoire des émotions.
Le Moyen Age a longtemps été presenté comme un temps où les sentiments s'expriment de manière outrancière : saints qui pleurent, princes qui s'emportent jusqu'au meutre, foules qui rient ou s'effraient démesurément. A travers sept émotions (la colère, les larmes, l'amour, la peur, la fureur, la honte, le rire), ondécouvre au contraire combien cette expressivité était codifiée. Et finalement très rationnelle.
Le millénaire médiéval a été un temps passionné, où les émotions n'étaient pas seulement vécues dans le secret des cœurs mais s'exhibaient dans la vie publique, avaient une pleine fonction sociale, politique, religieuse : les princes pleurent à l'évocation des malheurs de leur peuple, les moines gémissent de douleur pour les péchés des hommes, les foules des villes et des campagnes crient leur haine du seigneur tyrannique. Ces images sont associées à des scènes qui sont devenues les vignettes d'une culture commune : les larmes de piété de Saint Louis ; la fureur des reines mérovingiennes ; les éclats de rire de la Farce de maître Pathelin ; la honte des bourgeois de Calais....
Rire, pleurer, haïr au Moyen Age. Mensuel L'Histoire, mars 2015.