Dans son numéro double de l'été, le mensuel L'Histoire, qui a hérité pour l'occasion d'une nouvelle maquette, consacre un dossier de 111 pages à la « guerre du Pacifique ». Vue de l'Asie, la Seconde Guerre Mondiale a en effet duré 15 ans (de 1931 à 1945), et le duel Japon-USA n'en fut qu'un épisode...
Tout commence en 1931 lorsque les Japonais, depuis la Corée, attaquent la riche province de Mandchourie, qu'ils disputent aux Chinois et aux Soviétiques. L'État fantoche du Mandchou-kouo sera le point de départ d'une agression contre la Chine qui n'attend qu'un incident pour se déclencher, en 1937. Mais, à ces appétits en Chine du Nord, les Soviétiques mettent un coup d'arrêt brutal, en septembre 1939, à Nomohan. C'est alors que les Japonais déclenchent « l'option Sud ». En septembre 1940, ils occupent le Tonkin puis, en 1941, toute l'Indochine, médiocrement tenue par le très pétainiste amiral Decoux. Elle leur fournit la base nécessaire pour les conquêtes futures.
C'est dans cette logique d'élargissement des fronts qu'il faut comprendre l'attaque contre Pearl Harbor. Simultanément, le jour où ils bombardent la base navale américaine à Hawaï, les Japonais se lancent à l'assaut de la Malaisie, prennent pied en Thaïlande, attaquent Guam, Hongkong et les Philippines. Cette offensive concertée n'a qu'un faible rapport avec ce qu'il se passe en Europe. Elle obéit à sa propre logique : desserrer l'étreinte des Occidentaux sur l'Asie du Sud-Est et éventuellement sur la Chine. Cet empire colonial vite construit offre à Tokyo le riz, le pétrole, le fer et le caoutchouc, et lui assure la prééminence sur toute l'Asie du Sud-Est.
La prise de Singapour en février 1942 est une étape décisive. Churchill comprend bien vite que la perte du plus grand port de la région est une catastrophe à laquelle l'Empire britannique ne survivra pas longtemps. Ce à quoi les Japonais ne s'attendent pas, c'est au duel de géants qui va se jouer avec les États-Unis, dans le ciel, sur mer et dans la jungle. Les procès de Tokyo ouverts en 1946 révèlent l'ampleur des crimes de guerre japonais dont témoignent les cobayes humains de l'unité 731. Mais les nécessités de la guerre froide mettent un terme à l'examen des atrocités réciproques.
Les romans en ont perpétué le témoignage ; les travaux des historiens, aujourd'hui, prennent la mesure de cette guerre sans merci qui prit les allures d'une guerre raciale. Le 15 août 1945, jour où les Japonais entendirent pour la première fois la voix de leur empereur qui demandait l'arrêt des combats, marque pour eux la fin des combats, dix jours après Hiroshima. Mais la guerre n'était pas pour autant finie en Asie. Pour les Chinois, elle se terminerait en 1949, après la victoire des communistes de Mao Zedong. Dans les anciens empires coloniaux, elle devait durer plusieurs années encore, le temps que la souveraineté change de mains, sous le feu des guerres d'indépendance, dans une Asie en pleine reconfiguration, celle des puissances émergentes qui, soixante-dix ans plus tard, sont bien le nouveau cœur du monde.
1931-1945:Asie-Pacifique, l'autre Guerre Mondiale. Mensuel L'Histoire, juillet-août 2015. En kiosque et sur abonnement.