Nicaea_iconPremier empereur chrétien, l'empereur Constantin réunit en 325 le premier concile oecuménique à Nicée, avec pour but d'établir l'unité de l'Eglise, en orient comme en occident. Ce concile va établir le dogme de la consubstantialité du Christ au Père, fixer la date de la célébration de Pâques et confèrer le patriarcat à l'évêque d'Alexandrie. C'est un évènement majeur du règne de Constantin Ier parce qu'il fixe certains points clefs du dogme chrétien, qui devient infaillible. C'est également un épisode complexe que nous allons essayer d'expliciter.

Le contexte du concile de Nicée

Le christianisme est une religion en progression au début du IVe siècle mais qui pourtant est loin d'être la première de l'Empire. L'antique religion traditionnelle, bien que de moins en moins pratiquée de manière effective, a été remplacée par une multitude d'autres religions, souvent d'origine orientale, comme le culte de Mithra, le dieu solaire, d'Isis en provenance d'Égypte, ou même de Sérapis. Le monde romain a alors besoin d'une conscience religieuse différente, plus englobante et proche des fidèles, apportant également des réponses d'ordre spirituel, notamment sur la question de l'âme.

L'empereur Dioclétien (284-305) avait proclamé de nouveau le lien indéfectible de Rome avec ses anciens dieux, faisant de lui et de ses collègues (il avait fondé le gouvernement à quatre ; la Tétrarchie) des descendants de Jupiter et d'Hercule, et persécuté les chrétiens qui ne voulaient pas participer au culte devenu « national ». L'antagonisme devenait problématique car les chrétiens ne pouvaient pas, théologiquement parlant, s'acquitter d'une tâche liturgique d'une autre religion, perçue comme une idolâtrie.

Le christianisme est une religion monothéiste, prônant une vérité unique ne pouvant accepter l'existence d'une autre forme de piété. Lorsque Constantin, après certains prodiges (une révélation en rêve du symbole du Christ avant la bataille du Pont Milvius contre Maxence selon Lactance, la source la plus directe) aurait noué une sympathie de plus en plus affichée pour le christianisme. C'est cette inclination personnelle qui est à la source du triomphe du christianisme au cours du IVe siècle. Mais avant toute chose, le personnage possède des convictions très marquées sur le plan religieux.

En effet, dans la ligné de son père, Constance Chlore, et de l'empereur Aurélien, il révère le soleil. Dogmatiquement proche du christianisme, comme beaucoup des religions de cette époque, ce culte est assez représentatif des croyances peuplant l'Empire romain à cette époque. Le fourmillement cultuel agitait également la foi chrétienne, où les interprétations diverses des textes amenaient à des conflits. 

Convocation du concile œcuménique 

Afin de pacifier le culte chrétien et sous les conseils de Saint Hosius de Cordoue, Constantin décida de réunir en 325 un concile oecuménique à Nicée. La volonté impériale était avant tout d'établir une ligne directrice commune, une uniformisation de la société romaine qui se définissait de plus en plus comme un tout unique, distinct de l'extérieur ; la Romania. Cette conception de l'Empire, qui agrégeait donc Rome elle-même, partait du principe d'une union sacrale de la société derrière son souverain. Constantin, intéressé par le christianisme, sans qu'il en admis vraiment les spécificités du point de vue de la pensée unique, souhaitait donner au christianisme une ligne directrice et tirer au clair, par la discussion, les problèmes relatifs aux divergences de points de vue.

Le point le plus fondamental de la question reste l'hérésie arienne, du nom du prêtre Arius. Cette doctrine chrétienne partait du postulat que le Christ, Jésus, ne pouvait en aucun cas être l'égal du Père et du Saint Esprit, du fait de sa chair mortelle et de sa naissance ; il était donc conçu par le Père, donc postérieur. Les orthodoxes regardaient son analyse des textes comme une erreur et ne pouvaient s'accorder qu'autour d'une stricte équité entre les trois substances de Dieu. Cette controverse s'inscrit remarquablement dans un siècle où les débats théologiques passionnent les habitants aisés de l'Empire. Lors de son rassemblement le 19 juin 325, le concile de Nicée proposait donc de traiter de la divergence arienne, mais aussi de la date de la fête de Pâque.

empereur constantinSelon saint Athanase, il rassembla 318 évêques mais le pape Sylvestre, du fait de son âge, ne put venir y assister. Arius y fut également convié, son cas devant être abordé en détail. Justement, les discussions s'ouvrirent sur ce point essentiel. Les débats passionnés opposèrent bientôt les partisans et les ennemis d'Arius. Parmi les premiers, Eusèbe de Nicomédie qui avec Arius affrontaient en particulier Alexandre d'Alexandrie et Hosius de Cordoue (un des rares Occidentaux présent et dont le rôle est pourtant fondamental).Constantin nous est décrit comme un spectateur attentif, tentant d'équilibrer les points de vues, voulant, dans son office de chef d'État, préserver l'homonoia ; la concorde, la fraternité.

Néanmoins la majorité des prélats présents décida de réprouver Arius après deux mois de débats passionnés. L'assemblée proclama alors l'homoousios, c'est à dire le fait que la personne divine est, dans ses trois natures, strictement de même substance ; le Fils consubstantiel au Père, il existe de toute éternité. Il est dit alors, sous l'impulsion d'Hosius, « Dieu de Dieu, Lumière de Lumière, engendré, non créé, de même substance que le Père ». Cette condamnation de la pensée arianiste peut être considérée comme une adaptation du christianisme à Rome et à sa volonté unificatrice, l'Orient laissant de manière traditionnelle une plus large part aux interprétations divergentes. En outre, le concile statua sur la question de la date de Pâques, qui à cette occasion est fixée en suivant le calendrier julien, donc le dimanche suivant la Pâques juive. Il s'achève en apothéose, lors de la fête des vicennalia, sanctionnant les vingt années du règne de Constantin Ier. 

Les conséquences du concile de Nicée 

Mais les suites du concile amène à un assouplissement de ses décisions en ce qui concerne la pensée d'Arius. En effet, la notion d'homoousios avait été acceptée de manière quelque peu forcée, sans que beaucoup de prélats ne soient véritablement d'accord avec cette vision, principalement parce qu'elle n'apparaissait pas dans les Écritures. Arius est ainsi rétablit dans ses fonctions dès 327, alors que dans le même temps ses contradicteurs les plus farouches sont destitués comme Athanase d'Alexandrie. D'ailleurs il faut noter que l'empereur lui-même est baptisé par Eusèbe de Nicomédie, un arien, en 337. L'expansion de l'arianisme ne fut donc en rien remise en question par le concile.

Theodose IerConstance II, un des fils de Constantin, qui régna sur l'Orient romain entre 337 et 360 (et tout l'Empire entre 353 et 360) était un arien convaincu. Il faudra attendre le règne de l'empereur Théodose 1er pour que l'Eglise catholique et apostolique telle que définie par le concile de Nicée l'emporte définitivement sur l'arianisme. Un édit impérial de 380 déclare que : « Tous les peuples doivent se rallier à la foi transmise aux Romains par l’apôtre Pierre, celle que reconnaissent le pontife Damase et Pierre, l'évêque d'Alexandrie, c’est-à-dire la Sainte Trinité du Père, du Fils et du Saint-Esprit », et le Concile de Constantinople en 381 condamne une seconde fois l'arianisme.

Ulfila, l'évangélisateur des Goths qui traduisit la Bible en langue gothique était un arien. Cet événement possède une portée gigantesque ; les Wisigoths, par exemple, des ariens donc, après s'être installés sur un très vaste territoire, entre la Loire et Gibraltar, perdirent la domination entre Loire et Pyrénées face à Clovis, parce que ce roi Franc catholique possédait de très bonnes relations avec les évêques de cette région, majoritairement nicéens (donc catholiques), ce qui facilita sa conquête.

Bibliographie

Le Concile de Nicée, de Mgr Justin Fèvre. Editions Saint-Sébastien, 2016.

Pouvoir et religions, de l'avènement de Septime Sévère au concile de Nicée, de Jean-Pierre Martin. Sedes, 1998.

- L'empire chrétien, 325-395 de André Piganiol. PUF, 1973.

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