Generation WarGeneration War (titre original Unsere Mütter, unsere Väter pour Nos mères, nos pères) est un nouveau téléfilm consacré à la Seconde Guerre mondiale, sa particularité étant d'aborder la période du côté allemand à travers un groupe de cinq jeunes amis ayant 20 ans en 1941. Un prisme original et déroutant, qui ne laisse pas indifférent.

 

Cinq jeunes Allemands dans le Reich millénaire

Les héros de la série sont cinq jeunes allemands, des amis à l'origine et au parcours hétéroclite, qui vont vivre de façons différentes les heures de gloire et les misères du IIIème Reich. Cinq destins qui évoluent de façons parallèles, se croisent régulièrement (de façon parfois quelque peu improbable il est vrai...), mais tendent à s'éloigner progressivement au fil des choix personnels et des évolutions psychologiques engendrées par le climat anxiogène des années 1940.

Le lieutenant Wilhelm Winter est un vétéran de la campagne de Pologne, officier reconnu par ses hommes, apprécié par son père... Envoyé sur le front russe, cet homme de guerre se trouve confronté aux horreurs d'une guerre totale, une guerre idéologique, qui bouscule ses convictions. Entre endurcissement et doute à l'heure des défaites, le personnage évolue et se renferme.

Friedhelm Winter est le cadet de Wilhelm, il entre en 1941 comme simple soldat dans l'unité de son frère. Friedhelm est méprisé par son père, c'est un intellectuel qui peine à s'intégrer dans le milieu militaire où il est l'objet de multiples brimades. Toutefois, la confrontation au front russe, à la douleur, au malheur, à l'omniprésence de la mort, induit un véritablement changement de comportement, Friedhelm acceptant l'absurdité de sa vie et de cette guerre avec une froideur de plus en plus malsaine.

Charlotte est une jeune femme pleine de vie, imprégnée de la propagande patriotique du Reich, qui s'engage comme infirmière pour servir son pays. Elle se retrouve elle aussi sur le front russe, derrière l'unité de Friedhelm et Wilhelm (envers qui elle entretient une passion secrète). Confronté à la réalité de la guerre, aux cadavres, aux blessés, aux mutilés, à la politique antisémite, déçue dans ses amours, Charlotte tend à se renfermer.

Viktor Goldstein est un tailleur juif, soumis à une politique antisémite de plus en plus pressante. Il ressent rapidement que la seule issue est la fuite et cherche à quitter l'Allemagne.

Greta Müller est la petite amie de Viktor, c'est une chanteuse talentueuse qui va tisser des liens très étroits avec un officier de la SS, en partie pour faciliter la sortie du pays pour Viktor, mais aussi et surtout pour lancer sa propre carrière. Sa tournée à l'Est pour les troupes du front russe est l'occasion de confronter l'écart entre l'ambiance berlinoise et la réalité de la situation militaire du Reich, mais aussi de confronter l'écart entre sa propre évolution et celle de ses amis réellement confrontés à la guerre.

 Generation War 2L'occasion d'aborder les thèmes clefs de la période

La série est l'occasion d'aborder de multiples thèmes clefs, notamment l'embrigadement politique des jeunes allemands, mais aussi la multiplicité des positionnements : entre ceux qui servent contraints et forcés, ceux qui servent avec patriotisme pour le Reich, et ceux qui ont bien intériorisé la doctrine nazie. On retrouve également la question de l'engrenage de la violence sur le front russe, qui pousse certains à devenir inhumains, en dehors de toute idéologie préalable, dans une ambiance de survie et d'absurde. Sont également évoqués la politique antisémite, la Shoah, la répression au sein même du Reich, l'encadrement strict de la population, l'utilisation des travailleurs des pays occupés, l'organisation de réseaux de résistance... Il est aussi question du maintient de la vie culturelle pendant la guerre et des écarts entre les réalités du conflit (échecs en Russie, ouverture d'un second front par les Alliés...) et les représentations qui sont entretenue au sein de la population et des recrues : l'imminente Victoire finale du Reich millénaire guidée par le Führer !

Cette guerre vu depuis l'Allemagne, à travers des personnages placés en différents points de la société, casse nos propres représentations, habitués que nous sommes à ne voir dans l'Allemands qu'un ennemi type, un plastron, s'opposant à l'avancée des troupes de la Libération. Ces trois épisodes tendent à briser cette représentation manichéenne pour éclairer en partie la complexité et la multiplicité des situations qui fait que les Allemands ont plus ou moins, sous la contrainte ou non, participé au projet hitlérien, sans qu'aucune généralisation ne soit réellement possible. Cette démarche est particulièrement intéressante, et témoigne d'une mémoire de la Seconde Guerre qui tend à se refroidir, à se reposer, permettant de s'intéresser un peu plus sereinement à celui d'en face, à ses motivations, à sa perception. Il est même très certainement possible, voir sûrement souhaitable, d'utiliser en cours quelques extraits pour déconstruire auprès des élèves une vision encore plus déformée que chez les adultes par les jeux vidéo où l'Allemand n'est qu'une cible, systématiquement assimilée au nazi et à l'ennemi par excellence, déshumanisé. 

Qualité de la productionGenerarion War 3

Pour ne pas gâcher le plaisir, « Unsere Mütter, unsere Väter » se fait aussi remarquer par la qualité de la reconstitution. Côté allemand, comme côté russe, les uniformes, armement, matériel et éléments de décors sont réalistes et certainement le fruit d'un travail de recherche préalable poussé. Ce souci de réalisme historique, qui n'est pas toujours la norme sur le petit écran, permet une réelle immersion dans l'Histoire et le contexte, même pour le connaisseur.

Réceptions

Les trois épisodes furent l'objet d'une très vive polémique en Pologne car les Polonais sont présentés comme farouchement antisémites, autant que les nazis eux-mêmes.

En Allemagne le téléfilm fut l'objet d'un succès certain lors de sa diffusion, le dernier épisode réunissant 7,6 millions de téléspectateurs dans sa patrie d'origine, soit une part d'audience de 24%.

En France, malgré des reproches justifiés quant au titre « Generation War » (titre bateau et inapproprié et utilisation de l'anglais aberrante et inutile), le téléfilm fut aussi très bien accueilli et reçu en 2013 le prix de la meilleure fiction européenne au Festival de la fiction TV de La Rochelle. 

Generation War en Blu-ray et DVD.

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