accouchementL'enfance semble être absente des représentations du Moyen Age. Et pourtant. L'iconographie médiévale est riche en enseignements. Il suffit presque d'ouvrir un manuscrit médiéval dans n'importe quelle région, de regarder attentivement une fresque ou encore de contempler des sculptures pour se rendre compte que l'enfant est partout. Simple spectateur, on le retrouve également au centre de nombreuses compositions. Les auteurs de l'époque médiévale en sont conscients. Contrairement à ce qu'écrivait Philippe Ariès, le Moyen Âge est une époque où l'enfant est au centre des attentions.

L'enfant au Moyen Age

L'enfant trouve ainsi sa place dans les nombreuses divisions qui concernent les « âges de la vie ». A travers les écrits de Philippe de Novare (Les quatre âges de l'homme, 1260) ou de Gilles de Rome (Le livre du gouvernement des Princes, 1280), on peut distinguer quelques grandes étapes que l'on retrouve dans l'iconographie, à savoir : la petite enfance, elle-même divisée entre l'nfantia et le dentum plantatura ; cette étape passée, on entre dans l'enfance (7-14 ans), puis dans l'adolescence.

Au-delà de la correspondance entre les âges réels et ceux définis par les traités, ce qui nous a davantage retenu ici concerne les différentes étapes de la vie auxquelles sont confrontées les enfants. En effet, pour l'époque médiévale, il semble davantage cohérent d'appréhender les images en fonction du message qu'elles veulent délivrer plutôt qu'en tentant à tout prix d'attribuer un âge à tel ou tel personnage. Autrement dit, telle scène donne à voir l'acte d'apprentissage à la marche, telle autre celle du jeu ou encore celle de l'apprentissage à un métier.

Au-delà de ces différentes scènes qui constituent autant d'étapes, de rites de passage parfois, nous avons également tenté de montrer que l'enfant évolue en fonction de son milieu. En effet, il existe de multiples façons « d'être un enfant au Moyen Âge ». C'est cette diversité que nous avons tenté de mettre en évidence. De même, les images médiévales permettent de reconstituer une partie de l'environnement matériel et social de l'enfant comme nous le verrons. Enfin, à travers les trois « enfances extraordinaires », il semble évident de dire que l'enfant, en tant que tel, a toute sa place dans la culture, à la fois chrétienne mais aussi profane, du Moyen Âge.

Au final, c'est une enfance tantôt rieuse, tantôt macabre, à la campagne ou bien au château, jouant à la toupie ou encore derrière l'établi du maître, que nous avons tenté de retranscrire ici. A travers l'iconographie, il est possible de distinguer les différentes étapes qui constituent la vie des enfants. A la fois basées sur des observations savantes tout en véhiculant des stéréotypes, ces images sont nombreuses et éclairent sur les pratiques et les réalités de la condition de l'enfant. Ainsi, naître, apprendre et mourir font partie des réalités du temps.

Naître

foetu maleAu Moyen Âge, la pire des choses pour une femme est d'être stérile. Dans le cadre du la Viergeson rôle est de donner le plus d'enfants possible, alors vus comme des dons de Dieu. Dans le système de procréation, les hommes jouent tout de même un rôle puisque des traités les encouragent à boire du jus de chardon pour donner une descendance mâle. La mère est sensée être de « plus belle couleur et de plus legier mouvement » si elle porte un fils.

Pour garantir un bon accouchement, on pouvait solliciter la Vierge en lui apportant un cierge, de préférence le jour de la Chandeleur. Une fois consumé à l'église, on pouvait le rapporter chez soi et de le garder sur soi. En effet, depuis le XIIIe, le culte marial prend un essor particulier en Occident. Celle-ci est alors associée à la fois à la pureté et à la fécondité. Incarnation de la maternité, elle est la protectrice naturelle de toutes les mères.

youpalaLes traités de médecine se préoccupent également des femmes enceintes. Certains enlumineurs n'hésitent pas à représenter des utérus dans lesquels le fœtus est figuré dans de mauvaises positions. Fait intéressant, les premières enluminures donnent à voir des fœtus « asexués ». Des mains postérieures y ajoutent parfois des parties génitales masculines. Un bon enfant est avant tout un mâle !

L'accouchement se déroule généralement en compagnie de sages-femmes qui aident à extraire le nouveau-né. Le père est généralement absent de la scène, parfois même exclu de la maison. Dès qu'il nait, le nouveau-né doit pousser un cri, signe de vie. Par la suite, on le frictionne avec des pétales de rose et du sel, vérifie ses réflexes... Ensuite, une toilette à l'eau tiède peut commencer. Quoi qu'il en soit, les enluminures montrent bien que le nourrisson était attendu, puis accueilli avec les plus grands soins.

Apprendre

Après la naissance, l'enfant est baptisé le plus rapidement possible, parfois au sein même de la maison. Cependant, le baptême religieux demeure obligatoire. Il se déroule peu de temps après l'accouchement, en présence du parrain et de la marraine. Ce premier grand rite marque l'intégration de nouveau-né dans la communauté chrétienne. Son apprentissage peut alors commencer.

L'une des premières grandes étapes dans sa vie va être d'apprendre à marcher. Ici aussi, l'iconographie ne manque pas de détails. L'enfant à quatre pattes est en revanche rarement figuré, jugé trop proche de la condition animale, de la bête. Le passage à la station debout se manifeste alors par l'utilisation d'un trotteur ou d'un youpala qui, à travers les enluminures, peuvent prendre diverses formes. On remarque toujours la présence de roulettes, signe d'une certaine mobilité, non sans dangers d'ailleurs. L'apprentissage de la parole vient en général peu de temps après.

ecoleAutre grand moment, celui de la « scolarisation ». Ici aussi, les enluminures sont le reflet de la réalité et figurent les diverses formes d'éducation alors en vigueur. A partir de l'âge de sept ans, l'enfant est confié à un tiers pour assurer son éducation. Dans le groupe aristocratique on parle de fosterage. La pratique de l'oblation, autorisée jusqu'au XVe, consiste à confier l'enfant à un monastère afin qu'il y reçoive une éducation religieuse. A partir du règne de Charlemagne, les écoles urbaines se développent.

Un maître assure des leçons face à ses élèves. L'idée bien répandue au Moyen Âge que l'école est une échelle qui mène au sommet de la connaissance trouve de nombreux échos dans l'iconographie. En passant le seuil de l'école, l'enfant entrera dans la petite école où il apprendra à lire à l'aide des tablettes abécédaires. En grandissant, l'enfant grimpe d'étage en étage, sous le regard de grands maîtres comme Pierre Lombard. Au final, l'enfance est bien l'âge des apprentissages, bien représentés dans l'iconographie. 

mortLa maladie et la mort

La mortalité infantile est, durant tout le Moyen Âge, très élevée. Pour le bas Moyen Âge, on estime que près d'un enfant sur trois meurt avant d'avoir atteint les cinq ans. La mort guette à chaque instant. Face aux maladies, on s'aperçoit que des parents peuvent tout abandonner pour se rendre en pèlerinage afin d'obtenir une guérison. De nombreuses images et histoires mettent en scène ces miracles. On connaît par exemple le cas d'une petite fillette de six ans, handicapée depuis l'âge de quatre ans, qui retrouve ses facultés en se rendant sur la tombe de Saint-Louis.

taches agricoles

Au-delà de la maladie ou des infirmités, la mort peut être provoquée par de nombreuses causes. En premier lieu, on craint par-dessus tout l'accident domestique. Les incendies par exemple – et plus généralement le feu - en ville comme à la campagne, causent de lourds dégâts. Les bêtes sauvages sont également redoutées. Malheureusement, les mères bienveillantes ou les remèdes médicaux ne suffisent pas toujours. L'iconographie en témoigne ici aussi.

Quoi qu'il en soit, face à la mort, les réactions des parents et en particulier des mères montrent à quel point l'enfance était valorisée. Tout était alors mis en œuvre afin de la protéger.


L'enfant et son milieu

L'enfant des villes n'est pas celui de la campagne ni même celui du château. A chaque lieu, différentes manières de le représenter. A la fois acteur et spectateur, à cheval ou perché dans un arbre, l'iconographie ne manque pas de bien distinguer les catégories sociales en fonction de lieux définis. Le petit paysan est aux champs pendant que l'apprenti s'affaire dans l'atelier, alors même que le jeune noble apprend à maîtriser sa monture.

A la campagne

Etonnement, les enfants du monde paysan sont davantage présents au sein des miniatures que dans les textes littéraires. Dans cette société avant tout rurale –ne l'oublions pas ! - toute la richesse du paysan consiste en ses enfants. Il faut donc s'en occuper de près afin qu'ils puissent rapidement aider aux travaux agricoles. Par exemple, les garçons participent aux labours aux alentours de dix ans.

mort noyadeDe cette jeunesse campagnarde, nous avons un témoin du XIIIe siècle en la personne du franciscain Thomas Docking d'Oxford. Ainsi, selon lui, l'enfant des campagnes « court tantôt dans les champs, tantôt dans le jardin, tantôt dans le verger, tantôt dans la vigne. Il a ses moment favoris dans l'année : au printemps, il suit les laboureurs et les semeurs, en été et en automne il accompagne ceux qui cueillent les grappes (...) Il s'amuse à grappiller les raisins pas mûrs (...) déniche les nids d'oiseaux (...) ramène à la maison les moutons et les volailles en sautant joyeusement ». L'iconographie se plait à mettre en scène ces enfants qui s'affairent joyeusement aux menues tâches agricoles et jouent entre deux activités physiques.

 Mais la vie rurale est aussi dangereuse. Outre les grands foyers ouverts des cheminées, les animaux sauvages ou même domestique à l'image de la truie de Falaise[i], les infrastructures agricoles sont propices aux accidents parfois mortels. Plusieurs récits tragiques mentionnent la mort par noyade dans les biefs des moulins à eau. Ainsi, l'iconographie laisse entrevoir un monde rural où les enfants participent pleinement aux travaux agricoles tout en étant fortement liés à leur famille.

apprentiA la ville

La ville du Moyen Age est le lieu d'une activité intense et foisonnante. En général, c'est après l'âge de douze ans que les enfants entrent au service d'un artisan. Cependant, des contrats d'apprentissage montrent des enfants de huit ans aux côtés d'un maître qui leur enseigne les rudiments de leur futur métier, dans le prolongement des arts mécaniques déjà appris. Dans les marges de certains manuscrits, des enfants cuisiniers, menuisiers ou forgerons s'affairent à des tâches difficiles et ingrates.

terrain jeuLa ville est aussi l'endroit où le malheur des temps se fait peut-être davantage ressentir. L'épisode de la peste de 1348 contribue à l'appauvrissement du monde urbain. Les enfants souffrent d'épidémies, de malnutrition et même de famine. Dans ce contexte, la mendicité se développe. Accompagné d'un enfant, le mendiant aura alors plus de chance d'attirer la pitié des nobles qui pratiquent la charité en distribuant l'aumône.

Mais la ville peut également se transformer en vaste terrain de jeu à ciel ouvert. Laissés libres, les enfants et jeunes adolescents guettent les poissons le long des ruisseaux avant d'y plonger à leur tour pour s'ébattre dans l'eau. Aussitôt fait, ils foncent tout droit vers la place d'à côté afin d'y admirer le spectacle du montreur d'ours. Investie par les enfants, le temps d'un jeu, la ville médiévale prend alors des airs de joyeuse farandole. Au final, l'iconographie reflète à la fois les difficultés et dangers auxquels sont confrontés les enfants, tout comme le caractère ludique ou amusant de ces joyeuses bandes enfantines qui investissent les lieux.

Au château

C'est dans le château médiéval qu'est dispensée l'éducation chevaleresque et courtoise. Passé huit ans, les garçons sont séparés de leur famille pour rejoindre la cour d'un seigneur d'un rang supérieur à celui de leur père. Ils accèdent alors à un autre univers, celui des cavalcades, des écuries, des magasins d'armes, des chasses, des embuscades et des ébats virils. Des enfants illustres tel le roi de Naples Louis II d'Anjou, sont représentés dans des postures royales proportionnelles à leur taille. Ainsi, s'il monte un palefroi devant les portes de Paris, le jeune roi dispose d'une monture à sa taille.

C'est aussi au château que les jeunes nobles se forment à la chasse. Cette pratique aristocratique est enseignée à partir de 7 ans, même si l'âge de 12 ans semble plus convenable. Dans les milieux les plus aisés, on semble ménager l'enfant enfin de ne pas entraver son développement. Comme on peut le voir, les enfants sont chargés en général de brosser les chiens ou de préparer des filets tout en observant leurs ainés.

Toujours au château, les jeunes pages reçoivent une éducation auprès d'un grand seigneur afin de servir avec honneur. La vie du jeune page de Louis XII n'est pas si rigide. On le voit ici et là s'amuser avec un petit singe, très en vogue dans les cours du XIVe. Le château est aussi un lieu de plaisir où l'enfant à sa place. L'enseignement qui y est dispensé vise à acquérir le savoir nécessaire au pouvoir au près d'un pédagogue comme nous le voyons ici. Au final, l'univers du château n'est pas étranger aux enfants. Au contraire, ils sont intégrés aux activités aristocratiques afin d'acquérir les codes et les capacités pour maintenir leur rang.

Le quotidien de l'enfant au Moyen Age

Parmi les nombreuses images où sont figurés des enfants, nombre d'entre-elles laissent entrevoir leur quotidien. Parfois au centre de l'image et donc de l'attention, d'autre fois dans les marges, la place de l'enfant au sein de ces représentations est toujours riche d'informations qui coïncident la plupart du temps aux sources textuelles contemporaines. Ainsi, durant l'enfance, se vêtir, jouer et manger sont fréquemment mis en scène dans l'iconographie.

Le vêtement

emmaillotage Selon la spécialiste de l'enfance au Moyen Âge Danièle Alexandre-Bidon, « tout dans l'habit de l'enfant est utile mais aussi codifié ». L'enjeu est de toujours bien protéger l'enfant, depuis le « mantel » formé par le placenta jusqu'au berceau protecteur. Deux types d'habits sont indentifiables au cours de l'enfance. La petite enfance, connait « les drapeaux » ou langes. L'habit peut différer d'un endroit à l'autre (mantellino à boutons en Italie) mais se rejoint en plusieurs points. En Italie, on remarque des maillots à bandes spiralées (=momie) tandis qu'ailleurs les bandes semblent plus lâches. Le trousseau du nouveau–né est simple. On l'enveloppe d'abord dans un tissu de lin à même la peau à son tour recouvert par un tissu plus épais. Le but de cet emmaillotage est de s'assurer de la bonne formation du corps alors jugé malléable. Au final, l'habit du nouveau-né doit à la fois être confortable et protecteur.

Le passage du maillot à la robe devait être progressif. Avant qu'il ne marche, on libère d'abord les bras de l'enfant dans un demi-maillot. La robe, ou cotte, intervient avant l'âge de la marche, vers un an, afin de laisser le temps à l'enfant d'apprivoiser ses membres. Dès qu'il tient debout à l'aide d'un trotteur on peut lui passer une longue robe qui descend jusqu'aux pieds. Entre deux et sept ans, la robe se raccourcie afin que l'enfant puisse jouer et bouger plus amplement. De sept à quatorze ans les habits s'ajustent à la taille. Le port d'une ceinture de cuir et de bottes signale en générale le passage à une étape supérieure.

La couleur des vêtements n'est pas laissée au hasard. Le rouge et le vert sont particulièrement prisés. Le rouge est censé protéger des hémorragies, de la peste et surtout de la rougeole. Pour Raymond Lulle « veoir color vermeille enforcist corage d'ome » (Doctrine d'enfant). D'ailleurs, les enfants de l'aristocratie portent autour de leur cou un bout de corail rouge qui possède une valeur apotropaïque. Le vert est davantage associé à l'idée de jeunesse et aux fêtes du mois de mai.

Le jeu

Le jeu est présent dans tous les milieux. Son but est à la fois de participer à la fortification de l'enfant, à son éducation et à sa socialisation. Ainsi, le phénomène de l'enfant seul face à ses jouets n'est pas une caractéristique médiévale. On joue avant tout en société. Beaucoup de jouets sont produits artisanalement. Nombre d'entre eux ont à voir avec le domaine commercial à l'image du moulinet, de la dînette, des petits bateaux de commerce ou encore de la charrue miniature. D'autres, bien entendu, avec la guerre et la culture chevaleresque.

On distingue plusieurs formes d'amusement qui évoluent en fonction de l'âge. Dans un premier temps, l'enfant apprend à jouer avec son corps à l'image de l'enfant Jésus qui joue avec son pied ou des petits putti qui découvrent leur intimité. Le jeu devient vite collectif et parfois franchement scatologique. Dans une série d'enluminures représentants des jeux enfantins, on peut apercevoir des petits garçons et des petites filles qui s'amusent à uriner dans un pot. D'autres utilisent des objets qui viennent imiter la nature comme la balle imite le fruit ou le sifflet l'oiseau. Les jeux d'extérieur s'adaptent à leur environnement (marelle, billes, palais...). L'autre grand jeu est celui du cheval-bâton. Affrontés, deux jeunes garçons imitent leurs ainés qui joutent véritablement.

jeu sca

Tous ces jeux devaient se faire sous l'étroite surveillance d'une nourrice ou des parents. Quoi qu'il en soit, leur fonction est avant tout de favoriser l'intégration des enfants dans la société tout en les formants de manière ludique à leurs activités futures.

corne allaitementL'alimentation

Comme pour le vêtement ou le jeu, l'alimentation au Moyen Age évolue en fonction de l'âge et du milieu. Pour les enlumineurs, Marie est celle qui représente le mieux la mère qui nourrit son enfant. Le lait maternel possède une forte valeur symbolique, porteur de pureté. C'est à travers lui que les qualités de la mère et plus généralement du lignage sont transmises. Dans les mentalités et d'après plusieurs traités, le sang des règles est censé se transformer en lait « dans les mamelles de la femme » (Roman de la Rose).

A côté de la mère ou de la nourrice, le père joue également un rôle dans l'alimentation de l'enfant. A l'image de Joseph, le père est chargé de la préparation d'une bouillie à base de farine afin de fortifier le corps de l'enfant. A cette pâte de farine que l'on appelle le papin, il est bon de rajouter du pain miellé, de lait de chèvre – jugé être le plus proche du lait maternel – et un peu de vin.

Toute une vaisselle lui est consacrée. Outre les jarres spéciales qui servent de biberons, des cornes de terre cuite sont également utilisées dans le cadre de l'allaitement. A travers cette corne, outre le lait, on peut également donner un peu de vin, ce qui peut surprendre aujourd'hui. Cependant, on le fait chauffer auparavant afin d'en extraire le tanin réputé soigner les diarrhées infantiles.

Le sevrage de l'enfant intervient progressivement. L'allaitement et la prise de la bouillie sont pratiqués en suivant. Vers deux ans, l'enfant peut manger normalement. Désormais, il peut gouter aux aliments bouillis, aux œufs, aux pommes cuites, au vin ou aux volailles. Bientôt, il pourra même participer aux banquets et réceptions.

Dans l'iconographie et la littérature, le quignon de pain est souvent associé à l'image de l'enfance. Un proverbe du XVe siècle dit même « à l'enfant, le pain au poing, le pet au cul ».

vierge enfantEnfances extraordinaires

L'Enfant Jésus

Tout au long du Moyen Âge, la représentation de la Nativité évolue. Peu à peu, au bas Moyen Âge la scène se déroule dans une étable où viennent s'ajouter le bœuf et l'âne pourtant absent des Evangiles.

Après avoir été prévenus par un ange, les bergers et leurs bêtes se rassemblent autour de la Sainte Famille pour célébrer la venue du Seigneur. En suivant, les mages viennent apporter des cadeaux à l'enfant Jésus. Leur nombre évolue au fil du temps dans l'iconographie. Pour Jacques de Voragine, Melchior aux cheveux blancs est assimilé à l'or et à la royauté, Gaspar à la couleur rouge offre l'encens d'Asie, Balthazar au visage noir apporte la myrrhe qui rappelait au Fils qu'il devait mourir. De la même manière, il existe également différentes manières de représenter la Vierge à l'enfant.

La présentation de Jésus au temple répond à un passage de l'Ancien Testament indiquant que « tout mâle premier né sera consacré au Seigneur » [Ex 13:2,11-13]. C'est le vieillard Symeon qui reçoit l'enfant Jésus. Âgé de douze ans, Jésus est retrouvé au Temple en train de converser avec les docteurs. De retour auprès de sa mère, il lui dit « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » [Luc, II, 40-50].

Ainsi, tous les épisodes de la vie de l'enfant Jésus sont représentés dans l'iconographie médiévale.

merlin demonMerlin, mi-homme mi- démon

Merlin est le fils d'une princesse engrossée pendant son sommeil par un démon incube. La puissance sexuelle du démon est suggérée dans certaines enluminures par un charivari d'autres démons. Merlin est, par nature, à moitié diabolique.

Fils d'un diable qui a trompé une femme vertueuse, Merlin connaît le passé et l'avenir. Il se révèle différent dès sa naissance : étonnant nouveau-né couvert de poils, il vit reclus dans une tour avec deux servantes et sa mère qui attendra deux ans le procès en sorcellerie qui peut la conduire au bûcher.

Entre-temps, on a descendu l'enfant dans un panier pour le faire baptiser en présence d'une foule curieuse qui va l'accompagner tout au long du périple. Le déroulement visuel de la procession baptismale permet d'insister sur l'intégration du fils du diable dans la communauté chrétienne et ainsi de dissiper les soupçons qui pèsent sur lui.

Tout près de là, dans un espace délimité par un muret, deux hommes s'affairent à la préparation du bûcher. Ces préparatifs pèsent comme une menace et semblent indiquer que le verdict est connu d'avance.

 Mais c'est sans compter les extraordinaires talents que Merlin va déployer lors du procès qui se tient en haut sous la tente. Merlin, maintenant âgé de deux ans, porte une robe orange et lève le bras pour défendre sa mère. Orateur et juriste hors pair, il argumente devant le procureur et les trois juges qu'il accuse à son tour, révélant leurs secrets et dénonçant leur partialité. Il parvient ainsi à faire reconnaître l'innocence de sa mère.

C'est lui qui assure l'intermédiaire entre le groupe des femmes et les hommes de loi, tout comme il symbolisait plus jeune l'échange entre le haut de la tour coupée du monde et le parvis de l'église sur lequel le baptême est célébré en extérieur et en public.

Le jeu des couleurs est également intéressant. La teinte orange de la robe de Merlin, de même couleur que la tente de la justice, souligne une caractéristique essentielle du personnage : homme public, homme de la parole, Merlin sauve sa mère par son éloquence et fait valoir une justice supérieure. Au contraire, le jaune des hommes qui préparent le bûcher symbolise le désordre à l'époque médiévale.

dame lac lancelotLancelot, le meilleur chevalier du monde

Lancelot est le fils du roi Ban de Bénoïc vassal d'Arthur, et de la reine Hélène. Il passe sa petite enfance entouré de ses cousins, fils de Bohort de Gaunes. Mais un jour, le terrible Claudas va assaillir sa famille, qui doit alors fuir. A la vue du château qui brûle, Ban de Bénoïc, son bon père, meurt de chagrin à l'idée de ce qui va advenir à sa famille.

En fuite, alors qu'elle vient tout juste de trouver un endroit où se reposer, la reine Hélène voit arriver la fée Viviane qui s'approche dangereusement du berceau de Lancelot. Celle-ci parvient à voler le jeune enfant et fonce alors vers un Lac où elle saute pieds joints.

lancelotC'est alors qu'à partir de ses trois ans « La demoiselle [du Lac] l'enseigna et lui bailla un maître qui lui apprit comment il devait combattre et se contenir en guise de gentilhomme." Dès lors, Lancelot n'est plus tout à fait comme ses semblables. A un moment de son éducation, il se dispute avec son précepteur. Fâché, le maître bat son lévrier. En réaction, le jeune et sanguin chevalier fracasse son arc sur le crâne du mauvais maître. La Dame du Lac intervient et donne raison à Lancelot qui, désormais, n'a plus besoin de personne et sait juger du meilleur et du plus noble comportement.

Après quelques exploits, Lancelot se rend à la cour du roi Arthur afin de recevoir son adoubement, rite de passage qui signe l'entrée dans une étape supérieure. C'en est fini de l'enfance, place à la jeunesse, aux tournois et aux prouesses chevaleresques.

Bibliographie

- ALEXANDRE-BIDON Danièle et CLOSSON Monique, L'enfant à l'ombre des Cathédrales, Presses Universitaires de Lyon et CNRS, 1985

- LETT Didier, L'Enfant des miracles. Enfance et société au Moyen Âge (XIIe-XIIIe siècle), Paris, Aubier, 1997

- LETT Didier, Famille et parenté dans l'Occident médiéval (Ve-XVe siècles), Paris, Hachette (Carré Histoire), 2000

- RICHE Pierre et ALEXANDRE-BIDON Danièle, L'enfance au Moyen Âge, Pluriel, 2013.

.