Philippe le Bel familleTout le monde ou presque connaît, ou plutôt pense connaître, l'histoire des derniers rois capétiens, dont la saga a été rendue célèbre par le non moins célèbre roman de Maurice Druon et ses dérivés télévisuels. Cette oeuvre, si elle a eu le mérite de populariser cette période de l'histoire de France, a aussi figé dans le marbre des vérités qui n'en sont pas tout à fait, et des mensonges qui en sont souvent. L'historienne Alix Ducret fait une mise au point sur les personnages et faits marquants de cette époque.

Les rois maudits, des vérités...

Quatres rois capétiens, Philippe le Bel et ses trois fils - Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV - maudits à jamais par le grand maître de l’ordre du Temple Jacques de Molay, du haut de son bûcher. C'est la trame du roman de Druon, servi par un contexte historique dramatique, la fin brutale de l'ordre du Temple, et par des souverains et aristocrates hauts en couleur.

Un riche et puissant ordre religieux et militaire, un roi froid et calculateur qui essaye de remplir les coffres de l'État par tous les moyens, des belles-filles accusées d'adultère, des fils et petits-fils qui tombent comme des mouches, une tante et son neveu qui se déchirent pour un morceau d'Artois, tous les ingrédients sont réunis pour servir une œuvre romanesque magistrale qui a fini pour le plus grand nombre par se confondre avec l'histoire, la vrai.

... et des mensonges

Les rois maudits un tissu de mensonges ? La trame du roman de Druon repose sur une fable. Jacques de Molay, le fameux grand maître du Temple, serait mort en silence sur son bûcher. Point de malédiction, ça commence mal. Le fameux trésor des templiers, objet de la convoitise de Philippe le bel et cause de leur perte ? Très inexact. La fortune du temple aurait considérablement fondue à la fin des croisades pour maintenir un semblant de présence chrétienne en terre sainte, et ce qu'il en restait aurait été confié à l'ordre de l'Hôpital sur recommandation ... de Philippe le Bel, qui cherchait plus sûrement à se débarrasser de cet encombrant Etat dans l'Etat.

Les exemples d'autres libertés prises avec l'histoire sont nombreux, et les personnages de l'époque semblent bien plus subtils que ceux dépeints par Druon. Comme l'explique Alix Ducret dans son livre, Druon se base essentiellement sur les travaux et ouvrages des historiens du XIXe, dans un contexte post-révolutionnaire, républicain et anticlérical. L'histoire telle qu'elle est écrite au XIXe ressemble à un exercice de propagande politique visant à discréditer la monarchie précédente et l'Église.

Philippe le Bel “faux-monnayeur” et fossoyeur de l’Ordre du Temple ? Plutôt un souverain moderne, cherchant à sortir son royaume de la féodalité. La fameuse malédiction des Templiers ? Une invention sans fondement historique. L’assassinat de Marguerite de Bourgogne au Château Gaillard pour permettre un remariage de son roi de mari ? Elle serait opportunément morte de froid. La mort suspecte de Jean le Posthume, fils de Louis X ? C'est oublier l'importante mortalité infantile de l'époque qui n'épargne pas les cours royales. Les “orgies” de la Tour de Nesle, les pratiques magiques et les sorcières, le duel sanglant entre Robert d’Artois et sa controversée tante Mahaut ? il s'agit surtout de peindre un tableau noir de l'aristocratie de l'époque.

Pour aller plus loin

Les Rois Maudits, de Maurice Druon. Le livre de poche, 2022.

Les Rois maudits : l'enquête historique, de Éric Le Nabour. Perrin, 2005. 

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