doumergue_busteDéputé, Président du Sénat, Ministre, Président de la République, Gaston Doumergue est un personnage au destin incroyable, cumulant les hautes fonctions sans jamais rien demander ni faire pour les obtenir ! Il ne fut jamais un homme de parti et pourtant en 1924 la gauche et la droite étaient d’accord pour le nommer Président de la République ! Il fut même surnommé affectueusement « Gastounet » par ses pairs et par la Nation, grâce à sa courtoisie affable, son sourire légendaire et son « art et sa manière de faire ».

 

Doumergue, un protestant à l’école laïque

Gaston Doumergue est né à Aigues-Vives dans le Gard le 1er août 1863 d’un père paysan vigneron protestant. Envoyé à l’école communale contrairement aux usages des protestants de l’époque, il est très bon élève, souvent récompensé et inscrit au tableau d’honneur. En juillet 1881, le bachelier en lettres s’inscrivant en droit à Paris obtient un doctorat puis devient avocat au barreau de Nîmes en 1885, substitut en Indochine en 1890, enfin juge de paix à Alger en 1892.

Revenant dans le sud de la France, il pose sa candidature aux élections législatives de décembre 1893. C’est alors que le député gardois Emile Jamais meurt à cette date : on « cherche » Gaston Doumergue qui n’avait rien demandé et on l’élut député radical à Nîmes. Un an plus tard, il se rend compte du sérieux et de la dangerosité de l’exercice du pouvoir lorsqu’il assiste au banquet où le président Sadi Carnot est poignardé à Lyon, en juin 1894 !

Député, sénateur, ministre

Durant sa fonction de député du Gard de 1893 à 1910, il, travaille au sein de Commissions comme celle relative aux justices de paix en 1894, du budget en 1896, d'enquête sur l'affaire de Panama en 1897, assumant aussi le rôle de rapporteur de la Commission des colonies lors des débats budgétaires, s'opposant notamment à la suppression du privilège des bouilleurs de cru en 1900, demandant l'institution du repos hebdomadaire, inaugurant des écoles de la région gardoise en 1904, ainsi qu’une ligne de chemin de fer en 1909. Le Gard étant région tauromachique, Doumergue est seul contre la commission entière à tenir tête et faire triompher la loi autorisant les courses de taureaux avec mise à mort dans le Midi de la France.

gouvernement_doumergueSénateur du Gard de 1910 à 1924, vice président de l’Assemblée Nationale en 1905, il devient ministre des Colonies une première fois de 1902 à 1905 où il crée et réorganise notamment la trésorerie en Indochine. En tant que ministre du Commerce de l’Industrie et de l’Instruction Publique de 1906 à 1910, il s’oppose au traité de commerce avec la Russie et réussit à créer la direction de la marine marchande dont il deviendra d’ailleurs Président en 1920, fait adopter une loi sur la fréquentation scolaire et dénonce les procédés des adversaires de l'école laïque ; s’intéressant toujours aux colonies, il fait inscrire des crédits supplémentaires pour des opérations militaires au Maroc en 1912.

Nommé Président du Conseil à la veille de la Première Guerre mondiale par Raymond Poincaré en 1913, il défend la loi portant le service militaire à trois ans et soutient le projet d'impôt sur le revenu, dont il obtient le vote, non sans mal. Devenu ministre des Affaires Etrangères en 1914, puis à nouveau ministre des Colonies jusqu’en 1917, il entretient activement les négociations entre nations alliées afin de décider notamment l’Angleterre à accepter la coopération militaire au Congo et au Cameroun ; il s’occupe aussi de la sécurité de nos colonies et recrute des troupes indigènes ; il représente la France lors d’une grande conférence en Russie en négociant personnellement avec le tsar en vue d’un traité de paix, qui malheureusement n’aboutira pas pour cause de révolution d’octobre. Il achève sa carrière législative en étant élu Président du Sénat en février 1923.

Gaston Doumergue : Président de la République

Finalement, le 13 juin 1924, Gaston Doumergue est élu Président de la République. Treizième président en fonction, il prend des décisions comme celle de supprimer par souci d’économie les attelages royaux pour les déplacements, se contentant de cinq véhicules simples et d’une auto d’apparat ou encore d’assister à la finale de la coupe de France de football, décision qui perdure encore de nos jours.

Pendant ses sept années de mandat, Gaston Doumergue est un Président modèle, accomplissant ses tâches représentatives et protocolaires avec brio, comme lors de ses déplacements à Londres en 1927, à Bruxelles en 1929, en Algérie et au Maroc en 1930, en Tunisie en 1931. Désirant la paix religieuse, il entretient de bonnes relations avec les nonces, reçoit des légats et honore des cardinaux. Partisan d’une politique de fermeté vis-à-vis de l’Allemagne, il doit faire face à plusieurs crises comme en juillet 1926 : estimant que la France est au bord de la faillite, il appelle Poincaré aux finances, constitue un gouvernement « d’union nationale » ramenant la confiance et rétablissant la situation financière.

doumergue_lors_dune_remise_de_coupeCélibataire endurci, il est l’un des premiers Présidents de la République à se marier pendant son mandat : en effet, douze jours avant de quitter l’Elysée, le 1er juin 1931, à 68 ans il épouse discrètement sa compagne et amour d’enfance Jeanne Gaussal, enseignante de cinquante ans, ariégeoise et veuve. Mais à la sortie de la cérémonie, ils sont accueillis et applaudis par le personnel de l’Elysée … prévenu par l’ambassade d’Angleterre !

Fin de carrière

Ils se retirent près de Toulouse mais Gaston Doumergue est rappelé en février 1934 au poste de Président du Conseil, en pleine affaire Stavisky… Il forma alors un gouvernement d'union nationale pour surmonter la crise politique et financière qui menaçait de se transformer en crise de régime, et s'entoura notamment d'Édouard Herriot, d'André Tardieu, de Louis Barthou et du maréchal Pétain. Désireux de combattre la toute-puissance du Parlement qui paralysait toute initiative gouvernementale, il élabora un projet conférant au gouvernement le droit de dissoudre la Chambre des députés sans l'autorisation du Sénat, et donnant à l'exécutif des pouvoirs plus importants en matière financière. Abandonné par ses ministres radicaux qui l'accusaient de tentations autoritaires, il dut présenter sa démission dès novembre 1934.

« J'ai été amené à quitter le pouvoir ; je prie tous mes concitoyens de garder le calme qui est nécessaire pour résoudre les difficultés présentes au mieux des intérêts et de la sécurité de la patrie ... Les responsables de la politique qui aboutit aux émeutes de février et à la mort d'anciens combattants qui défilaient sans armes place de la Concorde ne veulent à aucun prix avoir à répondre de cette politique devant le peuple avant que se soit écoulé un long délai », tout en étant très acclamé le 11 novembre, lors des manifestations du seizième anniversaire de l’armistice où la foule criait « Vive Doumergue » !

Il termine sa vie à Tournefeuille, auprès de sa femme mais « Gastounet » comme l’appellent affectueusement les Gardois, s’éteint le 18 juin 1937 dans son village natal d’Aigues Vives, d’une crise cardiaque à l’âge de 74 ans. D’importantes funérailles sont organisées à Nîmes.

Pour aller plus loin

Gaston Doumergue : Sa vie et son destin, de Pierre Lafue. Plon, 1933.

La troisième République, de Pierre Miquel. Fayard, 1989.

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