dumnorixÀ l’époque gauloise, les éduens étaient un peuple celte qui occupait la région de l'actuelle Bourgogne avec pour capitale Bibracte, sur le mont Beuvray. L’évocation de « nos ancêtres les Gaulois » déclenche de nos jours à coup sûr une polémique, et l’enseignement de leur histoire (et par leur biais, de la nôtre) est souvent caricaturé. Pourtant, nous savons aujourd’hui que les Gaulois étaient pluriels, tant dans leurs structures que dans leurs rapports avec Rome, mais aussi entre eux, et que cette pluralité est peut-être aussi l’une des richesses de nos « racines ». Les Eduens étaient l’un de ces peuples, singulier en de nombreux points, et en particulier dans ses relations avec Rome.

 

Les Eduens, celtes « frères » de Rome

On sait que les Gaulois font partie du peuple celte qui est originaire d’Europe centrale et de l’Est, et qui s’est installé dans la future Gaule aux environs du VIè siècle avant JC. On ne sait que peu de choses sur eux jusqu’au IIè siècle av JC, quand se développe la « civilisation des oppida » (singulier oppidum) : les Eduens en sont un bon exemple, et s’installent alors dans ce que César dans « La Guerre des Gaules » appelle des cités, pour devenir avant tout une puissance économique et commerciale. Si les oppida sont des places fortifiées, ce sont d'abord de grands centres économiques et culturels, bien desservis par des voies de communications adaptées, et toujours placés près de gisements de matières premières. Pour exemple, les oppida de Bibracte (135 ha) ou Alésia (97 ha) montrent l’importance de ces lieux, loin de l’image de barbares désorganisés que l’on a d’habitude d'avoir au sujet des Gaulois.

carte gaule avant conqueteL’histoire entre les Eduens et Rome commence aux alentours de 120 av JC, quand les Romains battent l’Arverne Bituit, et mettent ainsi fin à la domination arverne sur les peuples de la future Gaule. Ce sont les Eduens qui en profitent le plus, et qui se rapprochent très vite de Rome par des accords commerciaux et militaires. Si nous ne connaissons pas tous les détails de cette alliance, nous savons par les auteurs latins (comme Tacite) qu’elle est très forte ; en effet, les Eduens sont appelés « fratres consanguineique populi romani », titre dont seuls les Troyens (c’est-à-dire le peuple d’Enée, fondateur de Rome) bénéficiaient auparavant !

Les relations entre les Eduens et Rome sont donc très fortes, en particulier au niveau économique, et c’est tout l’intérêt de la République d’avoir des alliés qui bénéficient d’une telle place stratégique. Il n’est donc pas étonnant que, lorsque les Eduens appellent Rome au secours en 58 av JC face à la menace helvète, un certain Jules César se déplace pour les aider...

Bibracte et la Guerre des Gaules

César est alors gouverneur de la Gaule cisalpine, et profite de cette aide apportée aux Eduens pour s’installer : la conquête ne dit pas son nom, mais elle a commencé ! Du côté éduen, on est divisé face à l’attitude à adopter : César rencontre les trois principaux leaders basés à Bibracte la capitale. Liscos est le magistrat suprême éduen, et s’oppose à Dumnorix qu’il accuse de vouloir trahir Rome ; celui-ci est un noble important, riche et possédant une cavalerie personnelle, il rêve également d’une « nation éduenne » plus indépendante de Rome...

Enfin, Divitiac est le frère de Dumnorix : il est « le plus respecté des Eduens », membre du collège des druides, et c’est lui qui était allé personnellement à Rome demander de l’aide au Sénat lors des menaces séquanes et arvernes (en vain). Il remet ça en s’adressant directement à César pour que cette fois il repousse les Germains d’Arioviste ; c’est un succès, mais les Eduens deviennent encore plus tributaires des légions de César, à qui ils doivent soutien et ravitaillement. Le mécontentement gronde, et Dumnorix en profite en refusant d’accompagner César en Bretagne en 54 av JC ! Cette fois le proconsul est moins patient, et le chef gaulois est rattrapé et exécuté...La légende dit qu’il crie pour sa liberté et celle de sa cité avant d’être tué. Parallèlement, Divitiac « disparaît » !

eduens-denier-litavicos-z500037La révolte gronde dans toute la Gaule à cause de la présence romaine qui dure : c’est l’heure du soulèvement avec Vercingétorix l’Arverne ! Mais les Eduens se retrouvent coincés entre la « solidarité gauloise », toute relative pour des peuples qui n’ont cessé de se faire la guerre, et ses intérêts qui sont logiquement tournés vers Rome. Ils décident donc de ne pas s’engager, tout en faisant en sorte de ne pas aider les Romains...César ne l’entend pas de cette oreille et fait pression sur les Eduens en jouant sur leurs divisions : il appuie Convictolitavis qui installe Litaviccos à la tête de l’armée éduenne chargée de soutenir les légions.

Mais sur la route de Gergovie, Litaviccos se retourne contre les Romains, pille le convoi de ravitaillement et s’enfuit ! César parvient à rattraper ses troupes, et le chef gaulois rejoint seul Gergovie... Mais repoussé de Gergovie, César doit encore faire face à une rébellion éduenne alors qu’il comptait se retrancher à Bibracte ! Elle est menée par Eporédorix. A ce moment, les Eduens ont enfin choisi leur camp : celui des Gaulois. Une assemblée est convoquée à Bibracte, et Vercingétorix est élu chef des Gaules, près de la pierre de la Wivre.

On sait peu de choses sur la participation éduenne à la suite de la Guerre des Gaules. César ne s’attaque pas à Bibracte, pourtant le centre de la rébellion, et bat finalement Vercingétorix à Alésia. Mais le futur dictateur connaît à présent la versatilité des Eduens, et décide de s’installer à Bibracte même, avec ses troupes ; c’est là qu’il rédige ses « Commentaires » pendant l’hiver 52 av JC...

De Bibracte à Autun : la romanisation des Eduens

On l’a vu, Bibracte était un oppidum, « capitale » des Eduens et grand centre économique et culturel. On remarque l’importance de ses fortifications par la reconstitution du « murus gallicus » de la porte du Rebout, et les fouilles ont montré que la ville était organisée par quartiers, sur une superficie de 135 ha. Le travail des métaux semblait en outre être une spécialité de Bibracte, comme le prouve la présence de nombreux ateliers de forgerons et de bronziers, mais aussi de mines dans les alentours de l’oppidum. L’énigme de Bibracte, c’est le fameux bassin : il est fait de matériaux d’origine méditerranéenne, et on ne connaît pas sa fonction. Il a été construit sur le principe géométrique de Pythagore, et on ne sait pas s’il avait une utilité cultuelle, s’il désignait le centre la ville, etc.

Quoiqu’il en soit, et malgré l’importance de Bibracte pour les Eduens, elle commence à perdre de son influence à la fin de la République, et semble être désertée petit à petit. Cela n’est pas dû à la répression romaine, car César a vite pardonné et a besoin du soutien éduen...C’est peut-être la période de paix qui suit les guerres civiles qui pousse Rome à déplacer la capitale des Eduens d’un point stratégique mais quand même relativement difficile d’accès, vers un lieu plus aisé dans la plaine : c’est la création d’Augustodunum (Autun), que l’on situe aux alentours de 16-13 av JC.

Au contraire de Bibracte, Autun est une vraie « ville romaine », dans sa construction et ses institutions. Elle devient elle aussi très vite un centre économique et culturel très important, les Eduens ayant retrouvé leur statut privilégié auprès de Rome. Ainsi, la ville sert de vitrine et de point de départ à la romanisation de l’immense région dont elle est la capitale. Pourtant, l’histoire d’Autun par la suite n’est pas toujours de tout repos : Tibère (14-37 ap JC) lui supprime une partie de ses avantages et provoque une révolte vite écrasée ; Claude (41-54) en revanche, propose au Sénat romain d’accueillir en son sein des Gaulois, et les Eduens sont les premiers parmi eux...Lors des troubles suite à la mort de Néron (en 68), les Eduens prennent le parti de Galba, puis celui de Vitellius. Et là, pendant deux siècles quasiment, Autun et les Eduens disparaissent des sources !

On les retrouve logiquement lors des événements conduisant à la création de l’empire gaulois : Rome est en pleine crise, assaillie par les barbares (Autun est pillée par les Alamans en 259), et un certain Postume profite de l’affaiblissement de l’empereur Gallien pour se proclamer empereur et régner sur la Gaule ! Il est finalement tué par ses troupes alors qu’il refuse de piller Mayence en 268, et Victorinus lui succède. Les Eduens, toujours attachés à Rome, profitent du chaos en Gaule pour demander l’aide du nouvel empereur, Claude II ; mais celui-ci refuse ou ne peut venir (il combat les Goths), et Autun se retrouve seule face au courroux de Victorinus ! Celui-ci l’assiège durant sept mois en 269, puis la pille et la rase quasiment.

La fin de l’empire gaulois en 271 marque enfin le rapprochement entre les Eduens et Rome : dans le panégyrique écrit par Eumène en 298, on voit que Rome a aidé Autun à se reconstruire, en particulier avec Constance Chlore, considéré comme « l’ami des Gaules ». Constantin, son fils, s’y rend en 311 et accepte aussi d’aider la capitale des Eduens. Durant le IVè siècle, Autun semble retrouver un peu de son lustre d’antan, mais ne parvient pas vraiment à avancer. De plus, Constantin se désintéresse des Gaules et préfère se tourner vers l’Orient (fondation de Constantinople en 330). La fin de l’Antiquité est obscure pour la ville et les Eduens ; tout juste sait-on qu’Autun est à nouveau sur la route des invasions barbares dès la fin du IVè siècle... 

Elle ne reprendra une certaine importance qu’au Moyen Age, en devenant un lieu de pèlerinage sous l’influence clunisienne, après avoir tout de même encore subi des maltraitances par les Arabes (en 725) et les Normands (en 888). Mais ceci est une autre histoire...

Bibliographie non exhaustive 

-        Histoire des Gaules, de Christine Delaplace et Jérôme France. Armand Colin, 2020.

-         C. Goudineau, César et la Gaule, Paris, 1990. 

-         Autun, Augustodonum. Capitale des Eduens, Autun, 1985. 

-         Bibracte, ville gauloise, Guides archéologiques de France, 1987. 

.