Les débuts de Claude Nicolas Ledoux
Ledoux est né en 1736 en Champagne. D’abord élève au Collège de Beauvais à Paris, Il suit ensuite des études d’architecture dans l’école de Jacques François Blondel. En contact avec des membres de l’Académie Royale d’Architecture, il est appelé pour aménager un appartement dans l’hôtel particulier du baron Crozat de Thiers, place Vendôme. Inspiré par Trouard revenant de Rome, ses bâtiments auront une esthétique antique, avec beaucoup de colonnes. En 1764, il bâtit un hôtel particulier dans le style palladien, assez colossal, pour la présidente Hocquart à la chaussée d’Antin. Trois ans plus tard, on lui confie la restructuration de l’hôtel d’Uzès rue Montmartre, dont on peut avoir un aperçu des boiseries du salon de compagnie au musée Carnavalet.
Tout en étant nommé architecte ingénieur des Eaux et Forêts en 1764, il continue à se documenter et fait un voyage en Angleterre entre 1769 et 1771 où il se familiarise avec le palladianisme (architecture vénitienne) et les serliennes (trois baies vitrées dont la centrale est chapeautée par un arc). De nombreux bâtiments réalisés par Ledoux sont dans ce même style palladien, ornés d’un péristyle, comme le pavillon de Mme du Barry à Louveciennes, inauguré en septembre 1771.
Gravissant les échelons, et surtout parce que la noblesse commence à manquer d’argent, ainsi que sous la protection de Mme du Barry, il accède au poste de commissaire aux Salines de l’Est, puis est nommé inspecteur des Salines de Lorraine et Franche Comté, enfin il entre à l’Académie Royale d’Architecture en 1773 devenant ainsi architecte du roi et architecte de la Ferme Générale où il put réaliser un grenier à sel à Compiègne.
Son rêve : la ville de Chaux
La Saline est le cœur d’une cité idéale, dessinée en cercle autour de l’usine. Sur la ligne droite, les bâtiments administratifs sont au centre avec le pavillon du directeur et la chapelle, ainsi les ouvriers restaient dans leur « petite ville » même pour l’office. Face à la Maison du Directeur, se trouve le bâtiment des gardes. De chaque côté, en arc de cercle, la maréchalerie, la gabelle, la tonnellerie, la forge, le commis et les habitations des ouvriers nommées les berniers. Chaque ouvrier disposait d’un petit jardin potager.
Dans cette cité idéale, tout le monde devait être vu : le directeur par les employés ; les employés par le directeur.
Dans son projet qui se veut moderne, il n’a pas intégré de prison. Il pensait que l’environnement naturel-végétal ou minéral doit permettre à l’homme responsable de ses actes de méditer sur leur conséquence, de se repentir et de s’amender seul. Il utilisait en cela le principe de Rousseau « l’homme est perfectible, capable de se perfectionner de par ses propres expériences, de par ses propres sensations ».
Ledoux à la Ferme Générale
Parmi ses réalisations, il s’occupait d’hôtels particuliers, d’opéras, de prison. Mais toujours des bâtiments nécessaires à la vie sociale tels le marché couvert, les bains publics, la maison de gymnastique, des universités, des hospices, maison de convalescence, de tolérance, le panarethéon ou temple de la vertu, le pacifère ou temple de la paix.
Tout fut stoppé pendant la Révolution, alors que les premiers coups de pioche étaient donnés. L’octroi fut supprimé en mai 1791, et les édifices devenus inutiles. Il subsiste malgré tout ceux de La Villette, de la place Denfert-Rochereau, le pavillon Monceau et celui de la place des Nations.
Sous la Terreur, il est emprisonné à la prison de la Force pendant dix huit mois, « sentant trop le riche ». Une fois libéré, il n’a plus de projets architecturaux et entreprend alors la rédaction de son ouvrage « l’architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation » accompagné de dessins qu’il avait esquissés en 1773, mais constamment retouchés et modifiés en fonction de l’évolution de son style d’architecture. L’ouvrage est édité deux ans avant sa mort en 1806. Cet ouvrage portait sur les réflexions de l’architecte afin d’obtenir des bâtiments toujours dans l’optique d’une société harmonieuse.
Un conception utilitariste de l’architecture
Soixante maquettes sont exposées, retraçant les projets de cet architecte. Certains ont vu le jour, mais détruits par le temps et les hommes, d’autres ne sont restés qu’à l’état de projet. On peut découvrir des théâtres, des hôtels particuliers, une prison…). Certains relèvent de l’utopie tels la ville de Chaux, une maison de plaisir, des édifices industriels.
Le château de Bénouville est l’édifice majeur réalisé par Ledoux entre 1769 et 1778. Construit pour le marquis de Livry, situé près de Caen, les deux façades comportent des colonnes ioniques enserrant les travées sur trois niveaux. Côté jardin, les bas reliefs sont agrémentés de trophées guerriers. A l’intérieur, le majestueux et colossal escalier central dessert les deux premiers niveaux avec de larges couloirs.
L’hôtel Guimard bâti entre 1770 et 1772 fut offert par le maréchal de Soubise à Mademoiselle Guimard, première danseuse de l’Opéra. Situé dans le quartier de la Chaussée d’Antin, c’est une sorte de cube asymétrique, avec jardin d’hiver au centre. Ledoux avait même imaginé d’installer un théâtre privé au dessus de ce jardin central et avait fait appel à des artistes renommés pour la décoration comme Fragonard. Cet hôtel d’un grand raffinement le fit vraiment connaître.
Toujours dans les bâtiments publics, il s’attacha à la réalisation du palais de justice et de la prison d’Aix en Provence. Les travaux commencèrent en 1786 atteignant à peine la hauteur du rez-de-chaussée mais tout fut interrompu lors de la Révolution française.
Un monument est édifié en mémoire de Ledoux sur l’aire du Jura lorsqu’on emprunte l’A39 : la porte de Bourneville ou le Pavillon des Cercles. L’atelier des Cercles ou atelier des Tonneliers, imaginé par Ledoux, représente deux tonneaux entrelacés, le cerclage étant métallique pour enserrer les tonneaux de sel. Dans sa ville idéale, l’atelier devait être placé au centre des quatre routes. La fabrication au rez de chaussée et l’habitation des ouvriers à l’étage.
Pour aller plus loin
- L'architecture considérée sous le rapport de l'art, des moeurs et de la législation: Écrits et propos sur l'art, de Nicolas Ledoux. Hermann, 2014.
- Le musée de maquettes Claude-Nicolas Ledoux : Saline royale d'Arc-et-Senans, de Dominique Massounie. Hartpon, 2017.
- Le château de Bénouville : Une oeuvre de Claude-Nicolas Ledoux, de Dominique Pain. Cahiers du Temps, 2007.