Le roi Arthur : entre histoire et légende

Histoire Universelle | Religions et mythologies

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Le roi Arthur et les chevaliers de la Table ronde sont les héros littéraires du cycle arthurien dont le succès a été immense dès le Moyen Âge. Le roi Arthur brasse quantité de mythes, dont le premier est lui-même. Roi-chevalier, défenseur de son royaume contre les Saxons, propriétaire de la légendaire Excalibur, protégé de l’enchanteur Merlin, il est aussi le fruit d’un adultère, un mari trompé, un ami trahi et un frère incestueux. Une figure héroïque et tragique, donc. Mais Arthur a-t-il existé ? Comment son mythe s’est-il développé et quelle a été sa postérité jusqu’à aujourd’hui ?

 

La légende du roi Arthur

Les débats sur la réalité historique de l’existence d’Arthur n’ont jamais vraiment cessé. Pour certains historiens, il était un général romain du IIe siècle. Mais pour la majorité, il aurait été un chef de guerre qui vécut dans le contexte de la guerre entre les Bretons et les Saxons, au tournant du VIe siècle. Contexte repris par les principales légendes arthuriennes. Si la figure d’Arthur n’apparaît vraiment qu’au XIIe siècle dans L’Histoire des rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth, il existe quelques indices dans des sources plus anciennes. Alors que le chroniqueur Gildas et Bède le Vénérable racontent les événements auxquels Arthur aurait participé, mais sans mentionner son nom, c’est Nennius, dans son Historia Brittonum (début IXe siècle), qui évoque un dux bellorum nommé Arthur, victorieux des Saxons à la bataille du Mont Badon.

Au Xe siècle, les Annales Cambriae font le récit de deux batailles auxquelles aurait participé Arthur, dont celle de Camlann (539), où il serait mort avec un certain Mordred. On peut ajouter à ces sources des légendes galloises du VIIe siècle, où l’on croise un Arthur parfois brave, parfois tyrannique, marié à une Guenièvre, et entouré de compagnons parmi lesquels Cai (ou Kaï, ou Keu). Dans ces légendes également, Arthur a bien arrêté les Saxons.

Au XIIe siècle, outre Geoffroy de Monmouth, qui est au service d’Henri II Plantagenêt, on peut citer Guillaume de Malmesbury et ses Faits des rois d’Angleterre (vers 1125), qui fait d’Arthur un roi courageux défenseur de la chrétienté face au paganisme. L’œuvre de Monmouth est ensuite prolongée par le Roman de Brut, du normand Wace. Si les chroniqueurs et les princes de l’époque ne remettent pas en question l’existence d’Arthur, et ce au moins jusqu’à Edouard IV, les œuvres dans lesquelles il est cité ne peuvent évidemment pas être considérées comme des preuves fiables de son existence. 

Ces chroniques sont des instruments politiques, en particulier sous les Plantagenêt, pour inscrire les rois anglais dans la lignée des Troyens de Brutus, fils d’Enée, dans le contexte de la rivalité avec les Capétiens (qui revendiquent aussi un héritage troyen). Le personnage d’Arthur, pourtant d’origine celtique, est intégré lui-même à cette tradition par Geoffroy de Monmouth et ses successeurs anglais et normands.

Une « biographie » 

Faire une biographie historique d’Arthur est donc impossible, mais en faire une biographie légendaire n’est pas pour autant facile tant le personnage a inspiré de chroniqueurs et de poètes. En réunissant les œuvres majeures de sa légende et du cycle arthurien, mais également de la Quête du Graal, nous pouvons tout de même essayer.

Arthur serait le fils du roi breton Uther Pendragon et de la femme de l’un de ses vassaux, Ygern (ou Ygraine). Un stratagème de Merlin l’enchanteur aurait permis à Uther de prendre l’apparence du duc de Cornouailles. Arthur naît à Tintagel et, en tant que fils illégitime, il est caché par Merlin qui le confie à un petit noble.

A sa majorité, alors que son père est mort depuis longtemps (tué au combat ? empoisonné en buvant à une source ?), Arthur est reconnu roi légitime des Bretons en parvenant à libérer l’épée Excalibur (ou Caliburnus) du roc dans lequel Uther l’avait plantée.

Certains barons contestent néanmoins sa légitimité, et le roi Arthur passe les premières années de son règne à les combattre. Il commence à s’entourer de chevaliers, parmi lesquels l’un des plus illustres de ce qui va devenir la Table Ronde, son neveu Gauvain. Allié de Léodagant, roi de Carmélide, Arthur va jusqu’à combattre en Gaule et, victorieux, il épouse Guenièvre, fille de Léodagant.

Commence une période de prospérité, jusqu’à ce que Lancelot du Lac, le meilleur chevalier du monde, arrive à la cour d’Arthur, à Camelot. Très vite ami proche du roi, le jeune homme s’éprend de la reine Guenièvre, avec laquelle débute une relation d’adultère annonciatrice de la décadence du royaume. Arthur lui-même succombe à l’adultère, séduit par l’enchanteresse Camille.

Les aventures de Lancelot permettent toutefois une réconciliation entre les deux amis (notamment quand le chevalier défait le félon Méléagant), qui se rendent en Gaule pour punir Claudas, usurpateur du père de Lancelot, qui surtout a fait prisonnière Guenièvre. Victorieux et la reine libérée, commence la Quête du Graal à laquelle cependant ne participent pas Lancelot et Arthur, bien trop impurs face à Gauvain, Perceval et autres Galaad…

La mort d'Arthur

Le drame n’est cependant jamais très loin à la cour d’Arthur. Et c’est encore la relation entre Guenièvre et Lancelot qui aggrave les choses ; le roi trahi est recueilli par sa demi-sœur la fée Morgane, qui vit dans la forêt de Brocéliande. Les versions divergent alors : ce serait elle, ou leur autre sœur Morgause, qui serait la mère du fils d’Arthur, Mordred. Quoiqu’il en soit, Arthur se rend bien coupable d’un inceste, et engendre celui qui va causer sa perte. De retour à Camelot, il doit défendre l’honneur de sa reine, accusée de tentative d’empoisonnement par Mador de la Porte. Un chevalier déguisé (en fait Lancelot) se fait le champion de Guenièvre, et l’honneur de cette dernière est sauf. Un temps seulement puisqu’elle retombe dans le pêché avec son preux chevalier…C’en est trop pour Arthur, qui condamne sa femme au bûcher ; mais elle est une nouvelle fois sauvée par Lancelot ! 

Le combat entre les deux amis se finit par la victoire de Lancelot, qui épargne le roi pour une énième réconciliation. Le meilleur chevalier du roi disparaît, et Arthur –qui a pardonné aussi à sa reine- décide alors de reprendre ses conquêtes en Gaule, et confie son royaume au fils de Morgane (ou Morgause donc), Mordred. Mauvaise idée : son neveu/fils prend goût au pouvoir, et surtout à Guenièvre, qu’il finit même par molester ! Arthur revient en Bretagne et affronte Mordred à la bataille de Camlann (ou de Salisbury) ; père et fils s’entretuent, et la plupart des chevaliers de la Table Ronde trépassent également !

Avant de mourir, le roi ordonne à l’un des survivants, Girflet, de jeter Excalibur dans un lac tout proche : une main féminine (celle de la Dame du Lac, qui a élevé Lancelot) récupère l’épée. Entretemps, Morgane a emporté le corps d’Arthur sur l’île d’Avalon.

La tombe du roi Arthur

Devenu héros populaire au Moyen Âge, Arthur est aussi, nous l’avons évoqué, un enjeu politique. L’exemple le plus fameux est sa récupération par le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, à la fin du XIIe siècle. Profitant de la popularité de la légende arthurienne, Henri II s’arrange avec les moines bénédictins de l’abbaye de Glastonbury pour que ces derniers y découvrent la tombe du roi Arthur ! Cette mise à jour opportune permet à la célèbre abbaye de s’affirmer face à Cantorbéry, et même de se déclarer lieu de la légendaire île d’Avalon.

Quant au roi d’Angleterre, il fait coup double : il tue définitivement Arthur, fierté des Gallois encore prompts à l’insoumission à son trône, et récupère sa légende à son propre profit en intégrant le roi des Bretons à l’histoire des rois d’Angleterre, se posant ainsi comme l’un des successeurs d’Arthur.

Les chevaliers de la Table ronde

La popularité d’Arthur dépasse rapidement l’Angleterre, surtout à partir de Chrétien de Troyes, qui fait du roi breton le centre (certes passif) de son œuvre, même si les personnages principaux de ses écrits sont plutôt Lancelot, Perceval, Yvain ou Gauvain. C’est donc assez logiquement qu’il est intégré au début du XIVe siècle parmi les Neuf Preux. Ce sont des personnages héroïques rassemblés par Jacques de Longuyon, un écrivain lorrain, dans son Roman d’Alexandre : Hector, Alexandre, César, Josué, David, Judas Macchabée, Arthur, Charlemagne, Godefroy de Bouillon.

Le roi légendaire apparaît ainsi parmi les Preux chrétiens, et se développe alors une riche iconographie durant le XIVe siècle, et les suivants. On peut citer les enluminures du Livre du Chevalier errant (Thomas de Saluces, 1395), les peintures murales du château de La Manta, dans le Piémont (dans les années 1415-1430), des tapisseries appartenant à Louis d’Anjou, Charles V et Philippe le Bon, ou encore des médaillons en émail au XVIe siècle. La présence d’Arthur au sein des Neuf Preux contribue presqu’autant à sa postérité que le succès des légendes arthuriennes et des œuvres de Chrétien de Troyes. 

La popularité d’Arthur s’étend bientôt à toute l’Europe médiévale, dépassant largement la France et l’Angleterre, pour atteindre autant la Norvège que l’Italie ou l’Allemagne. Popularité qui dure jusqu’à nos jours, principalement à travers l’œuvre de Chrétien de Troyes, mais plus encore de Thomas Malory et son Le Morte Darthur, dont John Boorman s’inspire largement dans son film Excalibur (1981), qui reste aujourd’hui encore la référence cinéma sur le sujet arthurien. 

Bibliographie

 

-          La légende du roi Arthur, de Martin Aurell. Tempus Perrin, 2018.

-          Le roi Arthur, d'Alban Gautier. PUF, 2018. 

-          Le cycle du Graal, de Jean Markale. Pygmalion, 2010.

 

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