Toutankhamon : vie, mort et résurrection d'un pharaon

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Toutankhamon (dont le nom signifie « image vivante du dieu Amon ») était un pharaon du Nouvel Empire (1336-1327 av. J.-C.). Successeur d' Akhenaton, il monta sur le trône à l’âge de neuf ans. Sous son court règne, la paix s'installa en Égypte tandis que le culte d’Amon, abandonné par Akhenaton, était rétabli et que Thèbes, la ville sacrée d'Amon, redevenait la capitale de l'empire. C'est la découverte de sa tombe dans la Vallée des rois par Howard Carter en 1922 qui fera de lui l'un des plus célèbres des pharaons. Quasi intacte, cette tombe renfermait de magnifiques trésors que l'on peut admirer aujourd'hui au Musée égyptien du Caire.

 

Toutankhamon, un « enfant du soleil »

Lorsque Toutânkhamon accède au trône vers 1336 av. J.-C, l’Egypte est en proie aux troubles religieux déclenchés par la réforme instaurée par son père Amenhotep IV Akhenaton, qui visait à remplacer le culte des anciennes divinités au bénéfice d’un seul dieu : Aton, le disque solaire. Calfeutré dans sa nouvelle capitale située à Amarna, le pharaon « hérétique » vit coupé de son peuple, et a bien du mal à convaincre les égyptiens de se convertir à cette nouvelle religion solaire monothéiste. A la fin de son règne, Akhenaton se radicalise et les persécutions contre les prêtres et les représentations des anciens dieux se multiplient. N’ayant pas eu de fils de Néfertiti, il épousa sa sœur dont il eut  probablement Toutankhamon.

La fin du règne d’Akhenaton est marquée par une étrange épidémie qui endeuille la famille royale. Ce sont successivement trois filles d’Akhenaton, sa mère Tiyi puis son épouse Néfertiti qui décèdent en quelques années, puis le pharaon lui-même qui disparaît dans des circonstances encore obscures. Une des sœurs de Toutankhamon, Merytaton, éphémère épouse d’Akhenaton, exerce quelques années le pouvoir avant d’être brutalement emportée à son tour. L’époux de cette dernière, un possible prince hittite et qui aurait pris le nom de Smenkharê, est quand à lui éliminé, probablement par l’entourage royal, peu enthousiaste à l’idée de voir un étranger devenir pharaon.

Toutankhamon restaure l’ordre ancien

C’est donc sous de funestes augures et une situation intérieure précaire que celui qui se nomme encore Toutânkhaton accède finalement au trône du pays des deux terres. Etant donné le jeune âge du pharaon, ce sont ses deux principaux ministres (et successeurs) Aÿ et Horemheb, deux personnages déjà en fonction sous Akhenaton, qui exercent la réalité du pouvoir.  A cette époque, la cour et l’administration ont déjà déserté la nouvelle ville d’Akhenaton pour regagner Thèbes, l’ancienne capitale des pharaons et siège depuis le Moyen-Empire du dieu dynastique Amon. La religion d’Aton, intimement liée avec la personnalité de son précurseur, ne lui survécut pas.

Pour assoir la légitimité du jeune pharaon, son entourage s’empresse de le marier à une de ses sœurs rescapée, et proclame le retour à la religion polythéiste. Amon et son clergé sont rétablis dans leurs prérogatives, au grand soulagement de la population majoritairement hostile à la réforme atonienne. Toutânkhaton devient Toutânkhamon, et sa titulature multiplie les références à l’ancien culte (Celui qui porte les couronnes, qui réjouit les dieux, Image vivante d'Amon, Celui dont les lois sont parfaites, qui pacifie les Deux Terres et satisfait tous les dieux). L’ordre ancien est clairement rétabli et dans un souci d’apaisement, le nouveau souverain et son entourage font procéder à la restauration des monuments malmenés par Akhenaton.

L’héritier d’une dynastie affaiblie… génétiquement

Comme l’atteste un nombre inhabituel de cannes et une trousse de pharmacie découvertes dans sa tombe, la santé du jeune pharaon devait être chancelante. On le sait désormais grâce à une récente découverte scientifique, c’est une crise de paludisme combinée à une maladie des os, toutes deux d’origine génétique, qui ont emporté Toutankhamon à l’âge de dix huit ans, sans que le souverain n’ait vraisemblablement eu le temps d’exercer la réalité du pouvoir.

Cette même étude, qui a permis d’officialiser la parenté jusque là supposée de Toutankhamon, a confirmé le grave affaiblissement génétique de la lignée des Thoutmosides. Sous la XVIIIe dynastie, les mariages consanguins étaient devenus monnaie courante, et une forme de légitimation divine pour les pharaons. A force de liaisons incestueuses, le monarque avait hérité de toutes les tares génétiques accumulées par ses ancêtres. Une défaillance qui explique aussi sans doute qu’il n’ait pas eue de postérité (en témoigne les deux fœtus découverts dans sa tombe) et qui explique aussi peut-être la curieuse hécatombe qui a affecté la famille royale dès la fin du règne d’Akhenaton.

Le règne de Toutankhamon aurait pu être anecdotique s’il n’avait été le terme de la révolution religieuse instaurée par Akhenaton. Encore que, vu son jeune âge, on puisse avoir des doutes sur la part prise personnellement par Toutankhamon dans le chapitre qui a clos l’aventure monothéiste menée par son père. D’ailleurs, ses successeurs ont pris grand soin d’effacer toutes les représentations et mentions du père comme du fils, histoire d’être sûrs qu’il ne reste aucune trace du pharaon honni et de son fragile héritier. Une entreprise méticuleuse qui a réussi pendant plus de trois millénaires.

La découverte du tombeau de Toutankhamon

Après dix ans de recherches, l’archéologue britannique Howard Carter découvrit le caveau du pharaon Toutânkhamon le 4 novembre 1922, près de Louksor, dans la vallée des Rois. Par miracle, le tombeau avait échappé aux pilleurs, bien qu’ayant été brièvement visité peu après l’inhumation du jeune pharaon. C’est une découverte exceptionnelle et le grand public ne s’y trompe pas, se passionnant dès lors pour le jeune pharaon et le récit de la mise à jour de sa précieuse tombe, remplie de fabuleux chefs d'œuvre. 

Plus de deux mille objets sont extraits des quatre chambres, d’une valeur historique inestimable, et il faudra à Carter et son équipe de nombreux mois pour vider la tombe. Parmi le mobilier funéraire se trouvaient pêle-mêle des trônes, des lits, des étoffes, des bijoux, des vêtements, des armes, des sculptures, de la nourriture et des jarres de vin, des jouets… Tout ce qui avait accompagné la brève vie du pharaon et ce dont il avait besoin pour accomplir son dernier voyage vers l’éternité. Il faut noter que des recherches récentes laissent supposer que la majeure partie du trésor proviendrait du recyclage de celui de sa soeur Mérytaton, qui aurait régné quelques années avant Toutânkhamon.

Le sarcophage jusque là inviolé du pharaon vaut à lui seul son pesant d’or, c’est le cas de le dire ! Les deux premiers cercueils emboîtés et qui protègent le pharaon sont en bois doré, richement ornés de pierre précieuses. Le troisième et dernier cercueil est en or massif, qui une fois ouvert dévoile enfin la momie de Toutânkhamon dont la tête est parée du célèbre masque mortuaire de Toutânkhamon, la plus prestigieuse pièce du musée du Caire. Sur la dépouille, qui a déjà bien souffert des affres du temps, a été déposé un bouquet de fleur étonnamment bien conservé, émouvant et probable ultime témoignage d’affection de sa veuve.

Le mystère de la mort de Toutankhamon

A propos de momie, celle du jeune pharon a fait l’objet de nombreuses spéculations et … autopsies. La mort prématurée de Toutankhamon est longtemps restée un mystère non élucidé. Les nombreuses fractures constatées sur son squelette ont longtemps alimenté la possibilité d’une mort non naturelle, les égyptologues regardant à nouveau d’un œil soupçonneux en direction d’un instigateur potentiel, le fameux Aÿ, successeur de Toutankhamon. L’hypothèse du meurtre a cependant été écartée en 2005 par des études au scanner.

En fait la momie a été la victime … de Carter et de son équipe, qui a l’époque de la découverte ont du la chauffer à plus de 500° à l’aide de lampes a pétrole pour la dégager de son cercueil, endommageant ainsi gravement le squelette.

Une demeure d'éternité usurpée ?

Cette tombe n’est probablement pas celle que le jeune roi s’était destiné. D’une taille et d’un plan inhabituels pour un souverain de la XVIIIe dynastie, elle ressemble plus à celle d’un personnage important, en l’occurrence probablement celle que s’était fait construire Aÿ, successeur de Toutankhamon et à l’époque son principal ministre. Un personnage représenté d’ailleurs sur les peintures murales de la chambre funéraire, présidant à la cérémonie de l'ouverture de la bouche. du pharaon défunt  Il est fort possible qu’Aÿ, devenu pharaon à un âge avancé et disposant de peu de temps pour faire construire son propre caveau, ait fait recycler à la hâte sa tombe originelle de notable pour y faire inhumer Toutankhamon, subtilisant au passage son tombeau, construit non loin de celui d’Amenhotep III, le grand père du jeune roi dépouillé.

Ce personnage sans scrupules ne s’est d’ailleurs pas contenté d’un échange de demeures d’éternité. On le soupçonne fortement d’avoir déménagé le contenu des tombes de la famille royale précédente, pour garnir celle de Toutankhamon. C’est ainsi que des éléments du mobilier entassé à la va vite dans la tombe découverte par Carter n’étaient pas originellement destinés au jeune roi. Ainsi le célèbre et magnifique trône, vestige de l’époque amarnienne, était plus surement celui d’Akhenaton. De même l’un des sarcophages qui renfermait la momie de Toutankhamon semble avoir été réalisé … pour une reine. On estime que plus de 80% du contenu de la tombe du jeune roi ne lui était pas destiné.

Depuis la découverte de sa tombe en 1922, une partie du mystère Toutankhamon a été dévoilé. Mais le jeune homme au masque d’or et au fin sourire n’a pas fini de nous surprendre. Et il a l’éternité devant lui pour nous raconter son histoire. Une histoire qui fascine toujours autant le grand public qui se presse dans les expositions et au msée du caire pour admirer le trésor de Toutânkhamon.

Bibliographie

- Toutankhamon de Christiane Desroches Noblecourt. 2004.

La fabuleuse découverte de la tombe de Toutankhamon, d'Howard Carter. Libretto, 2019

Dans l'intimité de Toutankhamon - Ce que révèlent les objets de son trésor, de Florence Quentin. Editions First, 2019.

 

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