La révolte spartakiste en Allemagne (1918-1919)

Histoire Universelle | Le XXe siècle

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Le spartakisme (en allemand Spartakusbund, « ligue Spartakus ») était un groupe de socialistes révolutionnaires et ancêtre du Parti communiste allemand formé en 1916 par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg.  Son but était de provoquer une insurrection pour tenter de mettre en place la révolution sur le modèle bolchevique. En janvier 1919, dans une Allemagne au bord du chaos au lendemain de la défaite, le mouvement spartakiste est écrasé dans le sang à Berlin et ses leaders excécutés. C'est un des derniers épisodes de la révolution allemande de 1918-1919.

 

Les origines de la ligue spartakiste

À l’origine, ce groupe, dominé par des intellectuels appartient au Parti social-démocrate (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD). Mais dès le début de la Première Guerre mondiale, ce groupe s'oppose à la majorité des sociaux-démocrates, leur reprochant d'accepter la politique impérialiste du gouvernement du IIe Reich et affirme que soutenir la guerre est une trahison du socialisme. Très engagés dans l'internationalisme pacifiste, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht tentent dès l'automne 1914, de rassembler les militants socialistes opposés au vote des crédits de guerre. Fustigeant le bellicisme des sociaux-démocrates, ils sont également en butte à la répression des autorités : Rosa Luxemburg passe un an en prison, de février 1915 à février 1916, pour un discours prononcé en septembre 1913.

Cependant, dès avril 1915, les membres du groupe organisent la lutte antimilitariste, en préconisant une action commune des ouvriers des pays en guerre pour mettre fin au combat et renverser le système capitaliste (publication par Liebknecht de Die Internationale immédiatement interdite). Le Groupe de l’Internationale prend en septembre 1916 le nom de « ligue Spartakus » lorsque Liebknecht signe plusieurs articles pacifistes sous le nom de Spartacus, le chef de la célèbre révolte des esclaves dans la Rome antique. Ils organisent plusieurs manifestations pacifistes à Berlin et, en juillet 1916, Rosa Luxemburg retourne en prison jusqu’au 9 novembre 1918, jour de l’abdication de Guillaume II et de la proclamation de la république ; elle continue à y écrire, participant aux Lettres politiques, publiées sous le titre de Spartakus.

L'appel à l'insurection

Exclus du Parti social-démocrate allemand, les spartakistes, dont l'influence commence à s'étendre auprès des ouvriers des grandes villes d'Allemagne, fondent en avril 1917 avec d'autres exclus du SPD, le Parti social-démocrate indépendant (USPD). Dès le début de l'année 1918, les spartakistes appellent les soldats et les ouvriers à la révolte. Ils seront entendus dans les premiers jours de novembre, quand dans la plupart des grandes villes, se forment des comités insurrectionnels qui réclament l'instauration de la république et la fin de la guerre, tandis qu'un certain nombre d'entre eux se montrent ouvertement révolutionnaires.

Après l'abdication de Guillaume II et l'instauration de la République de Weimar, les spartakistes s'opposent au gouvernement du social-démocrate Friedrich Ebert, qui se montre soucieux d'enrayer le mouvement insurrectionnel. Leur organe, Die Rote Fahne, célèbre l’expérience bolchevique dont Rosa Luxemburg a fait une étude enthousiaste, tout en se montrant très critique sur le manque de démocratie et l'autoritarisme des communistes russes. N'ayant pu rallier l'USPD à leurs positions révolutionnaires, les spartakistes publient un manifeste en décembre 1918 et créent le Parti communiste allemand (Kommunistische Partei Deutschlands, KPD), qui s'affilie à la IIIe Internationale dès 1919. Peu après, un comité révolutionnaire se forme à Berlin, dominé par les socialistes indépendants et les spartakistes.

Répression et excécution de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht

Ce que l'on a appelé la révolte spartakiste de Berlin, à l'origine un mouvement de grève, aura quelque peu échappé au KPD (dont les Spartakistes n'étaient qu'une des constituante), d'ailleurs divisés sur la conduite à adopter face au gouvernement du chancelier SPD Ebert. Si Karl Liebknecht, défend un renversement par la force du gouvernement, Rosa Luxembourg prône elle une politique plus prudente. Quoi qu'il en soit devant la possibilité de mutinerie au sein des troupes présentes dans la région de Berlin, Ebert se résout à réprimer violemment le mouvement. Pour ce faire il fait appel aux Freikorps (Corps Francs), mouvements paramilitaires dont le cœur penche à droite, et qui brûlent d'écraser le mouvement communiste.

L'affaire on le sait, se finira très mal, des centaines de morts parmi les communistes (mais aussi parmi les civils) et bien sûr l'exécution de Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg le 15 janvier 1919. Ces événements auront un retentissement très important en Allemagne, consacrant une inimitié durable entre socialistes et communistes. Devenu un élément essentiel de la mythologie communiste, elle vaudra à Ebert une réputation de traitre et de tyran, et la désaffection des militants communistes pour une république perçue comme tout autant répressive que l'Empire qui l'a précédée. Ces événements seront aussi symboliques du rôle que joueront les organisations paramilitaires tout au long de la république de Weimar, constituant une armée "noire" et officieuse, avec qui de nombreux gouvernements devront compter bien malgré eux.

Postérité de la révolution spartakiste

Le spartakisme a été l’un des nombreux mouvements qui ont tenté, au lendemain de l’armistice du 11 novembre de propager la révolution bolchevique dans toute l’Europe : des grandes grèves en Italie, en Angleterre, en Allemagne, en France, la révolution en Hongrie, semblaient alors pouvoir mettre à bas le système capitaliste. Leur audience en fait très limitée, leurs hésitations stratégiques (Lénine ne voyait pas d’un bon œil l’exaltation spartakiste de la spontanéité des masses), la solidité réelle des États sortis de la guerre expliquent leur échec dont la conclusion dramatique a contribué à transformer les spartakistes en héros et en martyrs du mouvement révolutionnaire.

Bibliographie

Les Spartakistes: 1918 : l'Allemagne en révolution, de Gilbert Badia. Aden, 2008.

Révolutionnaires ! De Spartacus à Rosa Luxembourg, ils voulurent changer le monde, de Renaud Alberny. Jourdan, 2018. 

 

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