Simon Bolivar, libérateur de l'Amérique Latine

Histoire Universelle | Le XIXe siècle

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Figure mythique de l'Amérique Latine, Simon Bolivar est le libérateur d'une grande partie du continent sud-américain du joug espagnol, ce qui lui a valu le surnom de « El Libertador ». Par la suite, il a notamment été président de la Grande-Colombie (Venezuela, Colombie et Équateur actuels) et a donné son nom à un nouvel État, la Bolivie. Espérant la création d'une confédération panaméricaine, il voit son projet politique échouer lors de la conférence de Panama de 1826. Par les exploits militaires qu'il a accomplis face aux armées espagnoles et les fonctions politiques importantes qu'il a occupées dans plusieurs pays sud-américains, il a cependant laissé une trace indélébile sur ce continent, à tel point qu'il a acquis le statut de héros.

 

La jeunesse mouvementée de Simon Bolivar

Simón Bolívar est né le 24 Juillet 1783 à Caracas. Il est issu d'une riche famille créole présente en Amérique depuis le XVIème siècle. Nombre de ses ancêtres ont intégré l'administration coloniale et son père appartient à l'élite des mantuanos – de riches propriétaires terriens. En cette fin de XVIIIème siècle, l'empire espagnol connaît une crise économique profonde, et doit faire à un mouvement de revendications visant à mettre fin au monopole commercial de l'Espagne. Malgré tout, il n'est pour l'instant nullement question d'indépendance vis à vis de la métropole, même si les idées révolutionnaires commencent lentement à se répandre dans le continent sud-américain.

Issu de l'élite sociale, Bolivar reçoit, malgré la mort prématurée de ses parents, une bonne éducation, quoique plutôt originale. Indiscipliné et instable, le jeune Simon voit se succéder les précepteurs. L'un d'eux joua un rôle particulièrement important : Carreno-Rodriguez. Ce jeune lecteur de Rousseau, l'initia à la fois à littérature classique et à la philosophie libérale, et ce jusqu'en 1798. A partir de cette date, Bolivar est encouragé par son oncle à intégrer le bataillon des « volontaires blancs », un corps artistocratique de la milice. C'est l'année suivante qu'il entreprend une série de voyages initiatiques en Europe, qui vont contribuer à compléter sa formation.

Voyages de Simon Bolivar en Europe

Après un bref passage au Mexique, Simon Bolivar arrive en Espagne en Mai 1799. Hébergé par son oncle proche de la Reine, il assiste au jeu de complots autour du pouvoir avant de se rendre chez le marquis d'Ustariz, un homme cultivé et raffiné qui initie le sud-américain à la lecture et aux arts. Après quelques tumultes, il se rend à Paris où il profite des théâtres et boutiques avant de rentrer en Espagne, où, témoignant de son talent de séducteur, il épouse une jeune femme, qui hélas, meurt lors du retour de Bolivar en Amérique. Profondément meurtri, il regagne le continent européen, et multiplie les dépenses somptuaires à Paris.

En avril 1805, alors qu'il est en Italie, il assiste au couronnement de Napoléon, homme qu'il admire encore à cette époque. Se rendant sur l'Aventin, il se serait exclamé de manière très lyrique sur le déclin et la fragilité des empires avant de poursuivre son voyage vers la Hollande, l'Angleterre et les Etats-Unis, où il voit s'épanouir la « liberté rationnelle ». Ces multiples voyages en Europe lui auraient fait prendre conscience du déclin espagnol, et aurait achevé de le convaincre de la nécessité de la liberté. 

Des premiers échecs à la libération de l'Amérique latine

La première tentative de soulèvement à laquelle Bolivar prend part se déroule en 1811, alors que le vice-capitaine du Vénézuela vient d'être remplacé. Avec le soutien des Anglais, qui ont tout intérêt à ce que le monopole commercial espagnol disparaisse, Bolivar participe à l'insurrection en association avec Francisco de Miranda, qui agit déjà depuis quelques années en faveur de l'indépendance. Celle-ci est proclamée le 5 Juillet 1811, mais cet élan est freiné par la défaite de Miranda et de Bolivar face aux forces loyalistes.

Exilé en Nouvelle-Grenade, Bolivar reprend du service et est affecté au poste avancé de Magdalena. Désobéissant aux ordres, il s'enfonce dans les lignes ennemis vers l'Ouest, s'empare de Merida le 7 Août 1813 et entre de manière triomphale à Caracas : une seconde République est proclamée, mais son existence reste éphémère. Devant la violence et l'hostilité grandissantes qui font suite à la conquête, Bolivar est contraint à l'exil : à la gloire éphémère succède une période d'échecs et de crises de mélancolie.

En 1818, Bolivar inaugure une nouvelle tactique en débarquant en Guyane après avoir reconstitué une armée. Les évènements sont alors beaucoup plus favorables à Bolivar, puisque une révolte à Cadix empêche les loyalistes de recevoir des renforts de la métropole. Avec la prise de Bogota le 10 Août 1819 puis la bataille de Carabobo (24 Juin 1821) dont Bolivar sort vainqueur, celui-ci acquiert une légitimité nouvelle et est élu Président de la Colombie par 50 voix sur 57, poste qu'il accepte contre son gré.

De 1823 à 1826, il est engagé dans les guerres de libération du Pérou, faisant montre de tous ses talents militaires : forte mobilité, tacticien et utilisation de la technique de la guerilla. Mais, confronté à une rébellion en 1826, échappant à un assassinat, faisant face à une guerre contre le Pérou en 1829, mis à mal par une opposition grandissante, épuisé et malade, il démissionne de son poste de président en 1830 après la déclaration d'indépendance du Vénézuela. En disgrâce, Simon Bolivar quitte Bogota dans la brume et meurt en exil le 17 Décembre 1830.

Le mythe bolivarien

Personnage à la fois contesté par sa pratique autoritaire du pouvoir mais admiré pour ses exploits militaires, Bolivar est devenu au fil du temps un modèle politique sur lequel différents courants politiques se sont construits et a été souvent réutilisé par les dirigeants qui lui ont succédé comme symbole de la patrie. Ainsi, au Vénézuela, où il apparaît comme le Père de la Patrie, un véritable culte étatique et populaire est voué à celui à qui on a donné le titre de . Ce phénomène tend à s'accroître ces derniers années depuis l'arrivée au pouvoir d'Hugo Chavez, élu président du Vénézuela en 1998, qui a enclenché ce qu'il appelle une « révolution bolivarienne ». Il se présente comme son véritable héritier, associant une pratique autoritaire du pouvoir à l'idée de pan-américanisme de Bolivar – faire de l'Amérique Latine un seul et même Etat.

Ce culte à Bolivar s'est propagé à travers une grande partie de l'Amérique du sud, essentiellement au Vénézuela, et dans une moindre mesure en Colombie, ainsi que dans tous les pays qu'il a libérés, où les statues à son effigie ont été érigés dans de nombreuses villes. Celui à qui on a donné le titre de Libertador a aussi pu servir de modèle en Europe au cours du XIXème siècle, pour tous les peuples qui luttaient pour leur indépendance : Hongrois, Polonais, Italiens.

Ancrée dans les consciences populaires, la figure de Bolivar a aussi pu être véhiculé par la littérature pléthorique qui lui est dédiée, par le biais de poèmes et de textes élogieux, qu'il s'agisse de Pablo Neruda ou Paul Valéry.

Combinant vigueur intellectuelle et physique, foi inépuisable dans ses convictions et périodes de mélancolie profonde, idées libérales et pratique autoritaire du pouvoir, Bolivar a non seulement fasciné ses contemporains mais a indubitablement marqué l'histoire et l'identité d'un continent. Légitimement discuté pour le cynisme et la violence de certains de ses actes, encensé de manière parfois quasi religieuse par la littérature, Bolivar est une personnalité ambigüe et complexe. Un mythe s'est finalement construit autour de ce personnage pour plusieurs raisons : la libération d'une partie de l'Amérique Latine du joug espagnol, son attachement aux idées libérales, mais aussi le goût d'inachevé de son œuvre, puisqu'il n'est in fine pas parvenu à mettre à pratique son pan-américanisme.

Bibliographie

- Pierre Vayssière, Simon Bolivar : Le rêve américain , Payot, 2008

Simon Bolivar : Le Libertador, de Gilette Saurat. Grasset, 1990.

Histoire de l'Amérique latine, de Pierre Chaunu. PUF, 2014.

 

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