Loki, le dieu rusé de la mythologie nordique

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Dieu, ou plutôt géant du mal dans la mythologie nordique, Loki est l'un des personnages principaux de plusieurs films et d'une série inspirés de l'univers Marvel, interprété par l'acteur anglais Tom Hiddleston. Fils du géant Laufey, le roi des géants des glaces de Jötumheimr, Loki y figure comme un super-méchant, ennemi de son frère Thor, dieu du tonnerre, dévoré par l'ambition et la volonté de prendre le trône à son père adoptif Odin. Il est fourbe, malicieux, doté de pouvoirs magiques qui notamment lui permettent de changer d'apparence. Cependant, on ne peut lui retirer une certaine prestance et une belle intelligence.

 

Loki dans la mythologie nordique

Loki n'est pas un dieu à part entière, il n'appartient ni à la famille des Ases ni à la famille des Vanes. Loki est le fils de Laufey, qui est peut-être une Ase mais que l'on considère plus volontiers comme une géante (les géants des glaces sont hermaphrodites), elle l'a engendré avec le géant Fárbauti. Pourtant Loki habite Ásgarđr, le domaine des Ases, auprès d' Odin et Thor que souvent il accompagne dans leurs voyages.

C'est Odin qui l'a accueilli auprès des Ases. Dans le poème eddique Lokasenna issu de l'Edda Poétique de Snorri Sturluson, Loki rappelle à odin qu'ils se sont liés et juré l'un ou pour l'autre une fraternité sacrée (rite du fóstbroedralag) : ainsi, ils sont comme des frères de sang et doivent épouser les querelles de l'un et de l'autre, sous peine d'une perte infamante de leur honneur. Loki dit :

"Te rappelles tu, Odinn
Quand autrefois, nous deux,
Mêlâmes ensemble notre sang,
Boire de la bière,
Tu déclaras que tu ne le ferais pas
Si elle ne nous était offerte à tous deux."
Lokasenna (Edda : P475 - Boyer)

Loki est décrit comme étant un être intelligent et beau, mais foncièrement fourbe. Il se complaît dans la ruse, le mensonge et l'immoralité. Sa duplicité le rapproche cependant d'Odin ; comme celui-ci, il pratique la magie et aime se déguiser. Il possède d'ailleurs le don de se métamorphoser en animal ou en femme ce qu'il utilise volontiers pour parfaire ses artifices. Ainsi, les différents récits le concernant le montrent se changeant en mouche, en phoque, en cheval, en oiseau ou encore en saumon. C'est un être perturbateur dont les dieux se défient, notamment à cause de sa nature double et proscrite – mi géant, mi dieu - , mais ils ont aussi souvent recours à sa ruse et son ingéniosité pour défaire leurs ennemis.

« Loki est beau et splendide d'apparence, mauvais de caractère, très changeant dans son comportement. Plus que les autres êtres, il possédait cette sagesse qui est appelée rouerie, ainsi que les ruses permettant d'accomplir toutes choses. Il mettait constamment les dieux dans les plus grandes difficultés, mais il les tirait souvent d'affaire à l'aide de subterfuges. » Gylfaginning, première des trois parties de l'Edda de Snorri Sturluson). Divers surnoms lui sont donnés dans les différentes poésies eddiques et scaldiques dans lesquelles il apparaît : « calomniateur des Ases », « braillard », « voix du vautour », « initiateur de tromperie ». Ces surnoms ou kenningar - le kenning (au pluriel, kenningar) – sont des figures de style de la poésie scandinave dans laquelle une périphrase remplace un mot ou un personnage.

Il a pour épouse Sygin qui donna naissance à un fils nommé Narfi. Váli est aussi un fils de Loki, dont on ne connaît pas la mère. Il a par ailleurs trois autres enfants, engendrés avec la géante Angrbođa du Jötumheimr, territoire des géants de glace : le loup Fenrir, le serpent de Miđgarđr et Hel, la déesse de la mort. Ceux-ci étant jugés dangereux, Óđinn les éloigne. Le serpent est jeté dans la mer ; le loup est enchaîné ; Hel est reléguée au royaume des morts dont elle devient la gardienne.

• Fenrir est un loup gigantesque, enchaîné par ruse, grâce à un lien magique Gleipnir fabriqué à partir de six ingrédients : le bruit de pas de chat, la barbe des femmes, les racines des montagnes, les tendons des ours, l'haleine des poissons et la salive des oiseaux.
• Hel est la déesse des morts ; elle règne sur le royaume Nilfheimr, situé sous l'une des racines de l'arbre du monde Yggdrasil. Son corps est pour moitié plongé dans l'obscurité, pour moitié éclairé par la lumière. Elle veille sur ceux qui sont morts de vieillesse ou de maladie.
• Le serpent de Midgard est un gigantesque reptile, jeté dans la mer qui entoure Miđgarđr, le royaume des hommes. Il grandit tellement qu'il finit par mordre sa queue.

Le crépuscule des dieux

Coupable du meurtre du dieu Baldr, fils préféré d'Odin et de son épouse Frigg, Loki est capturé par les dieux et enchaîné sur un rocher. Un serpent venimeux placé au-dessus de lui déverse son poison sur son visage. Heureusement, son épouse Sygin, demeurée à ses côtés, recueille le venin dans une coupe afin d'éviter qu'il n'atteigne son époux. Mais, lorsque la coupe est pleine, elle doit la vider. Le poison atteint alors Loki, qui, sur le coup de la douleur, se débat et fait trembler la terre. Le meurtre de Baldr est une première étape.

Le monde est condamné ; la fin, le crépuscule des dieux, le Ragnarök, approche. Ce jour-là, toutes les chaînes seront brisées. Loki, libéré, mènera les géants et ses enfants détruire Ásgarđr. Hel, sa fille, lui enverra un navire construit à l'aide des ongles des morts ; le serpent de Miđgarđr se convulsera dans la mer et gagnera le rivage en provoquant de gigantesques raz de marée. Fenrir s'avancera, la gueule grande ouverte, ses mâchoires touchant terre et ciel. Il finira par dévorer Odin, avant de succomber à son tour, tué par Vidar, un fils de l'Ase suprême.

Quelques mythes autour de Loki

Loki apparaît dans différentes poésies scaldiques, reprises dans les mythes de l'Edda. Il a souvent un rôle de personnage secondaire, aux côtés d'Odin et de Thor. En voici trois parmi tous ceux qui existent.

Sleipnir

Sleipnir est le cheval d'Odin. Coursier à huit pattes, il permet au dieu de parcourir les mondes avec célérité. Le mythe de sa conception figure dans le Gylfaginning, la première des trois parties de l'Edda de Snorri Sturluson. Alors que les Ases s'établissent à Ásgarđr, un géant leur propose de bâtir une enceinte imprenable afin de les mettre à l'abri de toutes les attaques. Pour salaire, il exige la lune, le soleil ainsi que la déesse Freyja – déesse de l'amour et de la fertilité - et il demande par ailleurs l'autorisation d'utiliser son étalon Svađilfæri pour l'aider. Influencés par Loki, les dieux acceptent, donnant au géant seulement un hiver pour acquitter sa tâche.

Mais, bientôt, les dieux découvrent que le cheval du géant est capable de charrier d'énormes quantités de rochers et que, contre toute attente, le géant finira l'ouvrage dans les temps. Furieux, Óđinn promet à Loki les pires tourments s'il ne parvient pas à ralentir le bâtisseur. Loki se métamorphose alors en jument en rut. Durant les trois jours restants jusqu'à l'expiration du délai, il attire l'étalon Svađilfæri dans la forêt. Le travail ne peut plus avancer ; le géant devient furieux et les dieux appellent Þórr qui lui fracasse le crâne à l'aide de son marteau Mjöllnir. Loki, cependant, a été fécondé par Svađilfæri. Quelques mois plus tard, naît un poulain gris, Sleipnir.

La mort de Baldr

Baldr est un fils d'Odin, le plus beau dieu qui soit, courtois et vertueux. Tous les autres dieux sont ses amis et l'admirent. Sa mère Frigg l'aime plus que tous ses autres enfants. Seul Loki le haït. Une nuit, Baldr fait des rêves de mauvais augure qui annoncent sa mort prochaine. Il en parle à sa mère qui aussitôt, part à la rencontre de chaque élément de la création pour lui faire promettre que jamais il n'attenterait à la vie de son fils. Ainsi, chaque arbre, chaque pierre, chaque animal, l'eau, la terre et le feu et même les maladies jurent.

Alors, les Ases font cercle autour de Baldr et pour s'amuser, l'attaquent de pierres, de flèches et de lances, mais le dieu invincible, ne peut plus être blessé. Tous, hormis Loki, se réjouissent.

Le dieu fourbe se déguise en vieille femme et va trouver Frigg pour lui demander comment son fils peut être devenu invulnérable. Frigg révèle alors que chaque créature, sauf un jeune drageon appelé gui qu'elle a trouvé trop jeune pour jurer, a prêté serment. Loki aussitôt cherche la jeune pousse. Il la trouve, la coupe et avec elle, il confectionne une flèche. Puis il vient se mêler aux autres dieux.

Parmi eux, Höđr, le dieu aveugle ne participe pas au jeu. « Pourquoi restes-tu à l'écart ? » lui demande Loki. « En premier lieu, répond Höđr, je ne peux voir Baldr. Ensuite, je n'ai pas d'armes ! » Alors Loki propose son assistance à Höđr. Il lui donne le trait qu'il a taillé et le guide pour assurer son tir. Baldr tombe mort.

Les dieux sont désespérés. Frigg refuse de laisser son fils et demande qu'on aille le chercher au royaume de Hel. Hermóđr, un autre fils d'Óđinn, s'avance. Il enfourche Sleipnir et s'élance pour le domaine des morts. Hel accepte de libérer Baldr à la seule condition que chaque être de la création se mette à pleurer le dieu défunt.

Hermóđr rentre à Ásgarđr. Les dieux dépêchent aussitôt aux quatre coins du monde, des messagers afin de demander à chaque être et élément de verser des larmes sur la mort de Baldr. Tous obéissent. Loki, alors, se métamorphose en une affreuse géante, prend le nom de Thokk et va vivre au fond d'une grotte. Lorsque les émissaires d'Óđinn se présentent, il réplique que comme ce dieu ne lui a jamais rendu aucun service, il ne se lamentera pas.

Ainsi Baldr reste dans le royaume de Hel. Mais Odin, assis sur son trône Hliđskjálf d'où il peut voir et entendre le monde entier, découvre la fourberie de Loki. Le dieu sournois fuit au sommet d'une montagne et il y bâtit une maison à quatre portes afin de surveiller toutes les directions. Les dieux arrivent pour le surprendre et Loki se change en poisson. Utilisant un filet de pêche forgé par Loki même, les dieux l'attrapent. Son fils Vali est changé en loup, et tue son frère Narfi.

Puis, pour punir Loki de son forfait, ils le ligotent sur trois rochers pointus placés sous ses épaules, ses reins et ses genoux, à l'aide des entrailles de Narfi. Ils suspendent au-dessus de son visage un serpent dont le venin tombe goutte à goutte et laissent près de lui Sigyn, sa fidèle épouse, avec une coupe dans laquelle elle recueille le poison. Mais lorsque le récipient était plein, Sigyn doit la vider ; lors le venin brûle Loki qui se tord de douleur et provoque de terribles tremblements de terre.

Loki et l'enlèvement d'Iđunn

Iđunn est une déesse Ase, possédant des pommes magiques qui procurent la jeunesse éternelle à qui les consomme. Ainsi, les dieux en mangent-ils régulièrement, ce qui les empêche de vieillir.

Un jour, Loki est capturé par le géant Thjazi, qui ne lui rend la liberté qu'en échange de sa promesse de lui livrer Iđunn et ses pommes. Loki, donc, attire la déesse dans un bois en lui disant y avoir trouvé d'autres pommes extraordinaires et il lui conseille d'emporter ses propres pommes pour les comparer. Le géant Thjazi, métamorphosé en aigle, survient et enlève Iđunn.

Bientôt, les dieux, privés de la déesse, commencent à vieillir. Ils réfléchissent puis se souviennent bientôt que la dernière fois qu'ils ont vue Iđunn, celle-ci quittait Ásgarđr en compagnie de Loki. Ils s'emparent du dieu fourbe et le menacent des pires maux s'il ne ramène pas la déesse.

Le dieu du feu, effrayé, se métamorphose en faucon et vole jusqu'à la demeure de Thjazi. Celui-ci est sorti et Iđunn est seule. Loki la transforme en noix, et la prenant dans ses serres, il la ramène avec lui. Mais Thjazi est déjà de retour et, constatant le rapt, il reprend sa forme d'aigle et se lance à la poursuite de Loki. Les Ases voient Loki foncer vers eux avec la noix, poursuivi par un grand aigle, et ils comprennent ce qui se passe. Alors, ils lancent sur l'aigle des traits enflammés ; celui-ci brûle et doit se poser ; les dieux le tuent. Iđunn regagne Ásgarđr et les dieux retrouvent leur jeunesse.

Bibliographie

• Régis Boyer, L'Edda Poétique, Fayard,‎ 1992.
L'edda, récits de mythologie nordique, par Snorri Sturluson, l'aube des peuples, Gallimard.
• Régis Boyer, Yggdrasill : La religion des anciens Scandinaves, Paris, Payot,‎ 1992.
• Jean Renaud, Les dieux des Vikings, Editions Ouest France.

 

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