Le contexte en octobre 1961
L’année 1961 a été particulièrement agitée avec, entre autres, la création de l’OAS (février), le putsch des généraux à Alger (avril) et les divisions au sein du mouvement nationaliste algérien, qui conduisent au départ de Ferhat Abbas (août).
Malgré les négociations entamées entre De Gaulle et le GPRA, les tensions sont très vives : l’OAS revendique des attentats, y compris dans la métropole, et le FLN s’attaque à la police française (une trentaine de morts depuis le début de l’année 1961). C’est le prétexte pris par la préfecture de Paris, dirigée par Maurice Papon, pour imposer un couvre-feu aux « Français musulmans d’Algérie » (et plus largement aux immigrés). Le FLN appelle alors à boycotter ce couvre-feu en manifestant, de façon non-violente, ce 17 octobre 1961.
La manifestation du 17 octobre 1961 tourne au massacre
Leur nombre est estimé à au moins vingt mille. Si le poids du FLN est indéniable, parfois jusqu’à la menace, les manifestants sont surtout des gens qui n’en peuvent plus de la situation et du contexte. Beaucoup viennent des bidonvilles de la banlieue parisienne et subissent, en plus de leur situation sociale, les dégâts collatéraux de la guerre et d’une répression contre le FLN qui se transforme en ratonnades aveugles. D’autres manifestants vont aussi venir de plus loin encore et ainsi tenter de se faire entendre.
La marche démarre vraiment à partir de 20 heures, au moment où est censé commencer le couvre-feu. Il y a des jeunes hommes, mais aussi des plus vieux, ainsi que des femmes et des enfants. Les premières arrestations commencent, mais les cortèges continuent. Les manifestants scandent des slogans comme « Algérie algérienne », « FLN au pouvoir » et « Les racistes au poteau ».
La situation se tend vers 21h30. Des coups de feu retentissent, la police charge à Opéra, puis près du cinéma Rex ; les arrestations se multiplient, les manifestants appréhendés étant emmenés dans les centres d’identification (où la violence continue). Tout s’accélère peu avant 22 heures, et la violence explose à tous les endroits de la manifestation, y compris près de Nanterre. C’est la confusion en pleine nuit. Les rues vidées des passants sont le théâtre de poursuites entre la police et des manifestants, dont certains se jettent à la Seine pour échapper à l’arrestation. D’autres y sont volontairement balancés. On trouve des corps sur le pavé au Pont de Neuilly, à l’Etoile, à Opéra, sur les boulevards,…
Tout rentre dans l’ordre autour de minuit. Plus de dix mille manifestants ont été interpellés ! De nouvelles manifestations sont prévues les jours suivants, mais les autorités ont bien l’intention de reprendre le contrôle des événements. Des rafles débutent dès le lendemain, en particulier à Nanterre, qui pour certaines débouchent sur des expulsions…
Le bilan du 17 octobre 1961
Si le nombre d’arrestations ne fait pas spécialement débat, celui du nombre de morts continue d’en faire. Les estimations les plus fiables (Benjamin Stora par exemple) parlent d’au moins deux cents morts. Les estimations les plus basses évoquent plusieurs dizaines de morts, ce qui est déjà énorme, même dans ce contexte très tendu.
Le 17 octobre 1961 reste jusqu’à aujourd’hui un enjeu de débats, comme le montrent les polémiques qui apparaissent à l’occasion de la commémoration des cinquante ans de ce qu’il faut bien qualifier un massacre d’Etat.
Bibliographie
- B. Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte, 2004.
- M. Lévine, Les ratonnades d’octobre. Un meurtre collectif à Paris en 1961, Ramsay, 1985.
- J-P. Brunet, Police contre FLN. Le drame d'octobre 1961, Flammarion, 1999.
- J-L. Einaudi, La Bataille de Paris : 17 octobre 1961, Seuil, 1991.
- J-L. Einaudi, Octobre 1961. Un massacre à Paris, Fayard, 2001.