Qualités et valeurs d'une courtisane
Le mot de courtisane qui est le moins déshonnête synonyme de putain a pris son origine à la cour de Rome, à savoir des premières dévotes qui fréquentaient plus que familièrement jour et nuit les prélats de Rome. Cette situation, qui associe prostitution, dévotion et monde de cour, est la source d'un scandale reposant moins sur la vénalité que sur le caractère public et régulier de ces relations. Les grandes courtisanes ne sont en effet que des prostituées qui s'enrichissent par ce métier, en revendiquant la liberté d'user de leur corps à leur convenance. Leurs atours, exhibés avec extravagance et originalité, inspirent les modèles des élégantes de tous les milieux. Que leurs autres qualités -intelligence-culture-esprit -sens des affaires- aient contribué à les sortir du lot est indéniable, ce que leur beauté seule ne saurait garantir.
En Inde, les courtisanes sont chanteuses et danseuses professionnelles. Ce sont des figures incontournables des divertissements princiers et aristocratiques. Dans le Kama Sutra de Vatsyayana (traité sur le désir et les plaisirs érotiques) la musique et la danse sont les indispensables préalables au plaisir. L’érotisme érigé en art premier repose sur la maîtrise du corps mais également sur soixante quatre autres talents, dont la métrique et la connaissance du dictionnaire ! La condition de ces femmes raffinées, dans le contexte culturel, social et religieux de l'Inde est bien différente de celle de leurs consœurs occidentales car leur métier se transmet de mère en fille.
Les interdits de l'église
Pendant le haut Moyen-Âge, les empereurs d'Orient et d'occident convertis au christianisme, (notamment Justinien et plus tard Charlemagne) tentent d'éradiquer la prostitution à coups d'édits, de mesures et d'amendes, d'exil contre les proxénètes. L'église s'efforce de ramener les grandes pécheresses dans son giron, les incitant à la réclusion en cellule ou au couvent. Mais malgré quelques cas célèbres de femmes repenties, la dérive de la morale chrétienne confirma l'impuissance de l'église à réprimer ces errements d'autant que le vice sévit au sein même de la papauté !
Le fléau de la prostitution se répand dans tous les milieux, conduisant les souverains chrétiens à la tolérer comme un mal nécessaire (Saint Louis autorise les prostituées à suivre les armées dans les croisades).
Les courtisanes célèbres
C'est au XIXe siècle que les courtisanes conquièrent leurs « lettres de noblesse » et règnent sur une société qui a toujours pour modèle l'aristocratie de la naissance, mais qui est en majorité composée d'une élite bourgeoise née de la révolution. Dès la monarchie de juillet, ces dames défraient la chronique par leur prouesses mondaines et leur scandaleux train de vie.
A la belle Epoque, la Belle Otero, Liane de Pougy, Emilienne d'Alençon (de même que Lola Montès et Cora Pearl au début du siècle) brillent au firmament de la « haute Bicherie » affichant des pseudonymes aux particules ronflantes frisant parfois le ridicule.
Pourtant au XIX siècle, elles sont inséparables dans les Mémoires des hommes de lettre et des musiciens car elles représentent pour eux, (avec Aspasie, Phriné et Laïs, autres figures inoubliables de courtisanes) d'inépuisables sources d'inspirations et de références indiscutées d'une galanterie élevée en art majeur. Ces destins de femmes si caractéristiques de l'époque classique, oscillent entre dignité et licence, immoralité et dévotion.
L'influence des courtisanes
Toutes aussi célèbres, des dizaines d'autres courtisanes auraient pu être évoquées,. mais certaines ont tenu une place de choix dans la société française de leur temps, grâce à l'empreinte qu'elles y ont laissée, aux fantasmes qu'elles ont suscités, les écrits et les œuvres artistiques qu'elles ont inspirés, ou qu'elles-même ont crée, leur influence sur les mœurs, plus spécialement sur les relations hommes-femmes. A ce titre, peut-on parler d'évolution culturelle et de liberté sexuelle ?
Ces grandes courtisanes, horizontales, cocottes et autres lionnes ont incarné, entre modèle et contre-modèle, le refus des hiérarchies et des préjugés, l'insolence, l'extravagance et l’autonomie financière. Loin de ne représenter qu'un érotisme débridé ou un féminisme collectif, elles ont, chacune à leur façon, inventé une autre façon d'être « quand même » au monde, au féminin, d'y rayonner et parfois aussi d'y renoncer....
Pour aller plus loin
- ''Les Grandes Courtisanes'', de Joëlle Chevé. Edition First Histoire, novembre 2012.
- La petite histoire des courtisanes, de Marc Lemonier. Editions Jourdan, 2018.