L’histoire des Maîtres-Verriers de Murano
Les égyptiens ont introduit le carbonate de sodium, qui mélangé au sable et après fusion, donne une sorte de pâte de verre, transportée en Méditerranée, puis vers Rome, Venise et Murano. La petite île de Murano, d’environ un kilomètre carré, située au nord est de Venise, reste célèbre pour ses fabriques de beaux verres.
Dès le VIII è siècle, il y avait des verriers sur cette île. En majeure partie ils étaient installés à Venise, mais face aux nombreux incendies qui entrainaient des catastrophes car les fours étaient allumés en permanence et les habitations étaient en bois, les autorités de la ville décident en 1201 de faire déménager les verriers vers l’île de Murano. Les ateliers installés sur la petite île, chaque maître-verrier conservant jalousement le secret de fabrication et ne le transmettant qu’à son fils, les habitants deviennent politiquement indépendants, un Grand Conseil est créé, un maire est nommé, le droit de créer une monnaie leur est attribué. Indépendants donc, les maîtres verriers détiennent en plus un titre de noblesse et bénéficient des privilèges y étant rattachés, en pouvant prétendre aux plus hautes charges de la République.
Les productions de Murano étaient très appréciées en Europe, à tel point que les souverains faisaient un détour pour visiter, admirer et commander leur vaisselle. Bien entendu, les pays européens voulant s’emparer du savoir-faire et des procédés de fabrication, la République de Venise décrète alors en 1275 l’arrêt des exportations de verre brut et des matières le composant.
Les plus grands créateurs-verriers furent les « Ballarin ». Le premier, l’ancêtre fut Giorgio di Pietro, appelé Zorzi le Spalatino né en 1440. Il entre en 1456 au service de Domenico Caner, verrier d’origine dalmate, installé à Murano et fait des merveilles. L’histoire raconte qu’un ouvrier laissa tomber un jour un chalumeau sur son pied, sa démarche devenue légèrement boiteuse, on lui donna le surnom « il ballarino » (le danseur). A partir de 1479, tous les documents officiels mentionnent une nouvelle famille les « Ballarin de Murano ». En 1492, il produit le verre de couleur rubis transparent et devient l’un des producteurs les plus riches de l’île. Il réussit à acheter des propriétés, des palais, se fait construire une chapelle et meurt en 1506. Devenu célèbre, en pleine renaissance italienne, il restera dans la mémoire de Murano…..
L'apogée du verre de Murano
Entre les XVIe et XVIIIe siècles, les artistes réussissent à colorer les cristaux, la production et la renommée des verres de Murano sont alors à leur apogée en devenant un art raffiné qui propose outre les objets mentionnés plus haut, des plats, des gobelets, des verres, des girandoles, des miroirs, des lustres et des bijoux…. Tout alla pour le mieux jusqu’à ce que le Roi Soleil, artiste dans l’âme, aimant les beautés de toutes sortes, voulait faire venir des verriers en France, Colbert fit espionner les techniques pour les rapporter dans sa Manufacture Royale des miroirs de Saint-Gobain, et …la République de Venise finit par faire tuer les verriers déserteurs qui refusaient de rentrer au pays !
Mais au fur et à mesure, l’activité des verres de Murano diminuait, ce n’est qu’au XIXe siècle que l’attrait revenait et après la seconde guerre mondiale, les créations de Murano se « réveillèrent ».
Pourtant des trois cents fabriques du début, il n’en reste malheureusement qu’une quinzaine ; de trente cinq mille habitants au XVe siècle, ils sont passés à cinq mille de nos jours. De trois cents couleurs différentes au beau temps du verre de Murano, il n’en est utilisé plus qu’environ soixante aujourd’hui. Toutes ces couleurs, tous ces objets, l’évolution des techniques et des styles peuvent être appréciés et découverts au Musée du Verre du Palais Giustiniani qui expose une rare collection de quatre mille pièces créées depuis le début de l’histoire des verriers.
Une île appréciée
L’île de Murano n’est pas seulement célèbre grâce à sa verrerie, mais aussi grâce à ses jardins. On l’a vu plus haut, les princes étrangers venaient admirer la production. Ils pouvaient aussi se promener dans les jardins et se retrouvaient parmi les artistes, les poètes comme Pierre l’Arétin et les peintres, qui profitaient des parfums et des senteurs diverses comme le jasmin et l’oranger, ainsi que de la douceur de vivre dans ces lieux de plaisir.
Les palais y étaient nombreux jusqu’au XVIIIe siècle, les petites maisons de plaisir « les casins » se transforment en lieux de jeux de hasard, d’où nous vient le terme « casino ». Casanova y était reconnu…malheureusement ces splendides demeures furent détruites lors de la campagne d’Italie par Napoléon Bonaparte !
On peut visiter à Murano le musée Vetrario (un musée de la verrerie), le Palazzo Giustiniani (comprenant une belle collection de verres historiques) ainsi que l’église Santa Maria e Donata (fondée au viie siècle et possédant de remarquables mosaïques byzantines).
Pour aller plus loin
- Le Verre de Murano: De la Renaissance au XXIᵉ siècle. Gallimard, 2013.
- « l’art du verre de Murano » - Attilia Dorigato 2003.