Les origines de sa fondation
Ce cimetière est implanté au centre de la paroisse Saint Maclou, intégrée à l'enceinte de la cité depuis 1253. Il s'agit de l'une des paroisses les plus grandes et les plus peuplées, poumon d'une des activités principales de Rouen : le travail textile. La création de ce lieu étrange remonte à la Peste noire (1348), l'une des plus meurtrières que connait l'Europe puisque, selon le chroniqueur Froissart, un tiers de la population est touché. Il succède à l'ancien cimetière devenu trop exigu qui s'étendait depuis le XIIIe siècle au nord de l'église.
En 1779, en réponse à une ordonnance royale, le Parlement de Normandie ordonne la suppression des lieux de sépulture urbains. Le cimetière Saint Maclou est fermé en 1781, remplacé par celui du Mont Gargan situé hors la ville. En 1862, le monument est classé et protégé au titre des monuments historiques, reconnaissance de son intérêt historique et architectural.
Une école dans un cimetière
En 1705, l'école de charité créée dans ces lieux en 1659 est confiée aux Frères des écoles Chrétiennes, institut fondé à Rouen par Saint-Jean-Baptiste de la Salle. Les galeries servant d'ossuaire sont transformées de 1745 à 1749 pour accueillir des salles de classe. Les Frères restent jusqu'en 1907, à l'exception de la période révolutionnaire (1792-1819) où l'aitre est affecté à diverses fonctions : société de filature, fabrique d'armes, club révolutionnaire.
Aux écoles chrétiennes succède, en 1911, un pensionnat de jeunes filles. À sa fermeture, les bâtiments sont laissés dans un état de semi-abandon puis mis en vente. L'aître Saint Maclou devient en 1927 propriété de la ville de Rouen qui projette d'y fonder un musée d'art normand. En 1930, des travaux d'aménagement y sont entrepris. Pourtant, les bâtiments n'auront pas d'affectation précise jusqu'à l'installation de l'École des Beaux-Arts en 1940, qui y trouve refuge après l'incendie dévastateur de la Halle aux Toiles. Elle y a résidé jusqu'en 2014 avant de s'établir dans un ancien collège du quartier de la Grand'Mare.
Une architecture normande
La dernière galerie, située au sud et construite au XVIIe siècle, s'intègre aux galeries du cimetière par l'emploi des matériaux et par l'ordonnance générale de la façade et du décor. Elle comporte dès l'origine un étage, surmonté d'un comble, afin d'accueillir l'école au rez-de-chaussée et le logement des prêtres à l'étage.
L'ensemble architectural perdure jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, période durant laquelle un étage est ajouté, ce qui va complètement bouleverser les proportions des galeries. Le poids menace de faire affaisser les sablières et les galeries sont fermées par des cloisons en pan de bois maçonné et des fenêtres. Trois escaliers sont construits aux angles de la cour pour communiquer avec le nouvel étage et l'ossuaire est également comblé.
Un décor macabre
Le décor sculpté sur bois qui ornait l'ossuaire est toujours visible aujourd'hui malgré une légère transformation à la suite d'un incendie en 1758. Les sculptures épargnées ont été remontées sur des pièces de bois nouvelles. Se déroulent alors devant nos yeux des frises d'objets macabres, aperçus de l'univers quotidien d'un charnier : ossements (cranes, mâchoires, fémurs, cotes, omoplates...), instruments liturgiques de l'office des morts (croix, cierges, bénitiers, cloches), les instruments de la Passion (clous et fouets) et les outils du fossoyeur (pelles, pioches, cercueils).
La première danse macabre semble avoir été peinte sur les murs des galeries du cimetière des Saints Innocents en 1424. De là, ces représentations se sont diffusées dans l'Europe du Nord, notamment par la parution à la fin du XVe siècle de plusieurs éditions illustrées. La danse macabre est liée directement au choc psychologique provoqué par l'effroyable mortalité de la Peste noire et aux résurgences de l'épidémie qui fauchent les générations suivantes. Cependant, la maladie n'est pas le seul fléau de l'époque : la famine et les guerres y sont étroitement associées. L'angoisse face à une mort omniprésente se développe parmi les populations. La danse macabre répond à cette peur en dressant une satire sociale reprochant la recherche des honneurs et des richesses et affirmant l'égalité de tous après la mort, sans distinction de rang ni d'âge. Elle ne conduit cependant pas à la critique des fondements de la société, car l'égalité ne se manifeste que devant Dieu.
Aître de Saint Maclou : ouvert tous les jours de 9h à 18h, sauf le 25 décembre et le 1er janvier. Entrée libre.