Le contexte de la bataille de Bouvines
Depuis son retour de croisade, Philippe Auguste n’a eu de cesse de combattre les Plantagenêts (Richard Cœur de Lion, puis Jean sans Terre), obtenant succès sur succès, jusqu’à la conquête de la Normandie en 1204. Après l’Angleterre, le roi de France s’intéresse aux divisions qui déchirent l’Empire, prenant parti selon ses intérêts, comme il le fait depuis le début de son règne.
Philippe Auguste décide de passer à l’offensive en Flandre dès 1213. Son fils Louis (futur Louis VIII) prend sa revanche contre les Anglais quand ces derniers décident d’ouvrir un nouveau front en débarquant à La Rochelle : c’est la victoire française de La Roche-aux-Moines (2 juillet 1214). Au Nord, la situation est toutefois plus tendue pour le roi de France car les coalisés se réunissent, et Otton IV entre en Flandre.
Les forces en présence
L’affrontement est décisif à plus d’un titre. L’un des points marquants est la présence de deux grands souverains, chose encore rare à l’époque. Car la bataille, c’est le risque de perdre sa légitimité, qui s’acquiert par la victoire, évidemment décidée par Dieu.
Philippe Auguste ne s’engage donc pas à la légère. Il est entouré de plusieurs de ses grands chevaliers et vassaux, parmi lesquels le duc Eudes de Bourgogne, Guillaume des Barres, Gautier de Nemours, ou le comte de Sancerre. Le roi est également secondé par l’Hospitalier frère Guérin. L’armée royale est composée d’environ sept mille combattants, dont mille trois cents chevaliers et autant de sergents à cheval ; l’infanterie est, elle, constituée de milices communales à la réputation pas toujours flatteuse. Le tout est organisé en trois corps, symbole de la Trinité, autour de l’oriflamme de saint Denis. Le champ de bataille a été parfaitement délimité, et le pont de Bouvines vérouillé pour permettre une éventuelle retraite de l'armée française à travers les marécages.
La bataille de Bouvines (27 juillet 1214)
C’est l’aile droite française, menée par frère Guérin, qui entame le combat. Composée de Bourguignons et de Champenois, elle affronte les chevaliers flamands et leur comte, parvenant après plusieurs charges à enfoncer leurs lignes : Ferrand est capturé ! Le centre est plus indécis : s’y opposent les troupes les plus importantes, autour des deux souverains, Philippe Auguste et Otton IV de Brunswick. L’infanterie ne tient pas le choc face aux charges de cavalerie, et c’est bientôt une mêlée confuse. Le roi de France est désarçonné, mais sauvé de justesse par des chevaliers qui s’interposent : l’empereur doit fuir.
A gauche, les ennemis se connaissent bien puisque s’affrontent Robert de Dreux et Renaud de Dammartin. Ce dernier résiste le plus longtemps, et ne doit se rendre que grâce au renfort de frère Guérin. L’armée royale lance alors la poursuite, mais la plupart des chefs coalisés s’enfuient, parmi lesquels le duc de Brabant et Otton IV lui-même. Philippe II ordonne finalement la fin des combats sur une victoire sans contestation, qui lui vaudra le surnom d'Auguste.
Conséquences et postérité de Bouvines
Les conséquences sont d’abord visibles au niveau du rapport de forces européen : Jean sans Terre, absent, est isolé définitivement, et la crise monarchique anglaise s’aggrave ; Otton IV est lui affaibli de manière décisive dans son combat contre le Hohenstaufen, futur Frédéric II ; les grands féodaux (en Flandre par exemple) doivent céder face à la monarchie capétienne. Cette dernière s’affirme comme la grande puissance du moment, et confirme ses conquêtes territoriales des années précédentes.
Toutefois, il faut relativiser un peu, malgré les efforts du roi et de ses propagandistes, la portée de Bouvines du vivant de Philippe Auguste. Il semblerait qu’elle n’aille pas au-delà de la Loire, alors que dans l’Empire elle est quasiment inconnue. Il n’y a donc pas de réelle « résonance nationale » à ce moment.
La postérité de Bouvines vient plus tard, en particulier au XIXe siècle, lorsque les historiens, dans leur besoin de créer un roman national, en font l’une des dates de la naissance de la Nation française. Ainsi, Ernest Lavisse écrit : « Bouvines a donné à notre pays, avec la sécurité de son berceau, belle figure dans le monde […] cette gloire sacra la vraie France, celle dont l'histoire, sans interruption, continuera jusqu'à nous. C'est pourquoi le souvenir de Bouvines doit demeurer national ».
Bibliographie
- Le dimanche de Bouvines : 27 juillet 1214 de Georges Duby. Nrf, 2005.
- La bataille de Bouvines, de Dominique Barthélémy. Perrin, 2018.
-Philippe Auguste: Le premier grand Capétien (1180-1223), de Stéphane Curveiller. Ellipses, 2021.