Mazarin, l'éminence grise d'Anne d'Autriche

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Le cardinal de Mazarin (1602-1661) a été le principal ministre de la régente Anne d’autriche durant les premières années du règne de Louis XIV. À la mort de Louis XIII, en 1643, il devient le tuteur du jeune monarque, alors âgé de cinq ans. Auprès de la régente Anne d’Autriche, qui le nomme principal ministre, il dirige les affaires du royaume durant la minorité du roi. Il doit faire face à plusieurs révoltes, la plus dangereuse étant la Fronde menée par les princes du royaume, entre 1648 et 1653. Renforcé dans son pouvoir, il demeure le principal conseiller de Louis XIV après son couronnement, en 1654, et organise son mariage avec l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse d’Autriche. Mazarin décède en 1661, laissant derrière lui une immense fortune.

 

Mazarin, Diplomate du Pape

Fascinant personnage que ce cardinal-diacre, de son vrai nom Giulio Mazarini. Né dans les Abruzzes le 14 juillet 1602 d’une famille d'ascension récente, il est le fils de Pietro Mazarini l'intendant du connétable du royaume de Naples. Autant dire que dés sa prime enfance le futur cardinal baigne dans un environnement ou le service de l’état est un idéal.  Elève prometteur il accomplit des études au sein du prestigieux collège romain des Jésuites, puis après un petit détour par l’Espagne revient à Rome pour y devenir docteur en droit.

Un temps capitaine dans les armées du Pape Urbain VIII, il se fait rapidement remarquer par sa subtilité et son goût de l’intrigue ce qui lui vaut de devenir diplomate. L’Europe d’alors (nous sommes en 1630) est agitée par l’éternelle rivalité entre l’Espagne et la France qui s’exprime autour de l’affaire de la succession de Mantoue. Le Pape inquiet d’un possible conflit entre les deux grandes puissances catholiques, charge Mazarin de tempérer les ardeurs guerrières de Louis XIII et Richelieu.

L’ambitieux diplomate fera son entrée dans l’histoire devant la place de Casal où armées françaises et espagnoles s’apprêtaient à s’affronter. Mazarin surgissant au galop entre les deux lignes et criant « Pace, Pace » (Paix, Paix) un crucifix à la main, empêchera la confrontation et sera un des principaux artisans du traité de Cherasco (1631) qui réglera l’affaire.

C’est le début d’une ascension fulgurante. Doté d’une redoutable intelligence, le beau Giulio sait séduire qui de droit pour réussir. 4 ans après le traité de Cherasco le voilà déjà nonce apostolique à Paris soit représentant du Saint Siège auprès du Roi de France. Mazarin qui a endossé l’habit ecclésiastique est bientôt parrainé, par celui qui sera son mentor : Le Cardinal de Richelieu. Ce dernier fera de lui son éminence grise en matière de diplomatie et lui accordera la naturalisation.

Mazarin, « créature » de Richelieu

Mazarin est donc à l'origine une « créature » de Richelieu, soit son client. Il lui doit notamment son chapeau de cardinal obtenu en 1641. Néanmoins le rusé Jules qui sait se ménager plusieurs options entretient d’excellentes relations avec la reine Anne d'Autriche. Entre les partisans de la guerre contre l’Espagne (soit le parti gravitant autour de Richelieu) et ceux de la paix (dont la Reine fut un temps une figure), Mazarin fait figure d’intermédiaire. Et puis au-delà des manœuvres politiques il existe une certaine attirance entre Anne et Jules…

Le cardinal et la reine ont-ils été amants? La plupart des travaux récents répondent par la négative. Malgré leur correspondance enflammée, il est fort probable que leur relation soit restée platonique. Il ne faudrait pas négliger le poids du code moral de la reine, dont la piété toute espagnole l'avait déjà protégée des avances du beau Buckingham.

Quoi qu'il en soit sur le plan politique, Mazarin et Anne d'Autriche vont former un coupe politique exemplaire, se complétant à merveille. A la volonté et l’impétuosité de la reine, Mazarin apporte sa subtilité et ses talents de diplomate.

Le ministre d'Anne d'Autriche

Lorsque le roi Louis XIII décède en mai 1643, Anne d’Autriche devenue régente choisit à la stupeur générale Mazarin comme principal ministre. Ceux qui pensaient qu’avec la mort de Louis XIII, le temps des « Grands » s’en reviendrait, en furent pour leurs frais. Mazarin formé aux particularités de la politique française par Richelieu, partage globalement la même vision politique que ce dernier. L’autorité du Roi passera donc avant tout, même si le Roi n’est encore qu’un enfant de quatre ans…

Anne d’Autriche et Mazarin se donnent pour mission de protéger l'autorité du jeune Louis XIV et ce malgré les tourments de la Fronde (1648-1653). A sa manière, diplomatique et tortueuse, Mazarin prolonge la politique de Richelieu d'affirmation de la monarchie face aux Grands, aux Parlements et autres corps intermédiaires. Acquis à l'idée d'une monarchie française puissante il poursuit la guerre initiée par son mentor contre les Espagnols.

Mazarin hérite d’une conjoncture extérieure délicate, la France étant engagée depuis 1635 dans la guerre de Trente Ans contre les Habsbourg, présents à la fois en Autriche et en Espagne. Après la victoire française à la bataille de Rocroi (mai 1643), le cardinal Mazarin porte l’offensive du côté de la Bavière. La France enregistre les victoires de Fribourg-en-Brisgau (août 1644), puis de Nördlingen (août 1645) et de Lens (août 1648).

Conclus en octobre 1648, les traités de Westphalie sont perçus par le ministre comme un succès personnel : d’une part, ils apportent au royaume de France la haute et la basse Alsace et, d’autre part, ils consacrent l’affaiblissement des Habsbourg, principaux rivaux de la France.

La fronde et les "mazarinades"

Cependant, la France ne peut jouir durablement des bénéfices de la paix ; le mécontentement gronde depuis longtemps. La poursuite de la guerre a contraint le gouvernement à lever de nouvelles taxes, provoquant des révoltes populaires en province. De leur côté, les Parlements et la noblesse, titulaires de leurs charges (justice et finance), se sentent menacés par le pouvoir des intendants, investis par le Conseil du roi pour lever les impôts et créer des tribunaux exceptionnels. Née d’une conjonction de facteurs, la Fronde manifeste en fait un refus global des progrès de l’absolutisme et de la centralisation monarchique.

Le 26 août 1648, alors que le Parlement de Paris refuse depuis plusieurs mois l’enregistrement de sept nouveaux édits fiscaux, le cardinal décide d’un coup d’éclat : il fait arrêter trois meneurs de la révolte, notamment le très populaire conseiller Pierre Broussel. Immédiatement éclate une insurrection de la bourgeoisie et des couches populaires parisiennes — connu sous le nom de journées des Barricades — qui prend fin trois jours plus tard avec la libération de Broussel. La Fronde continue cependant dans les esprits.

Pendant quatre ans, des revendications non structurées et des pamphlets, chansons, libelles satiriques à l'égard de Mazarin (les mazarinades) animent la capitale. D’un ton populaire — parfois même trivial —, ces chansons, circulant sous le manteau jusqu’à la cour, font appel, de temps à autre, aux plumes savantes de Scarron, Cyrano de Bergerac, ou du cardinal de Retz. 

En tant que chroniques d’une époque tourmentée où la monarchie vacille plusieurs fois sur ses bases — au point que Louis XIV finira par s’installer hors de ce Paris qu’il n’aime guère et où il ne se sent pas en sécurité —, les mazarinades présentent un intérêt historique de première importance, dépassant de fort loin leurs qualités littéraires ou musicales, dans la mesure où, par souci de commodité, elles sont souvent écrites sur des mélodies maintes fois rabâchées et supposées connues de tous. Ce qui facilite la mémorisation et permet une circulation rapide des nouvelles chansons, au sein d’une société qui, dans son ensemble, est analphabète mais ne se prive pas de chanter.

Le retour à l'ordre

Bien décidés à rétablir l’ordre, le cardinal Mazarin, la reine et le jeune roi quittent clandestinement la capitale pour Saint-Germain dans la nuit du 5 au 6 janvier 1649, pendant que le prince de Condé entame le siège de la capitale. Parlement et bourgeois tentent de résister et confient le commandement d'une milice à des nobles ; le prince de Conti et la duchesse de Longueville (frère et sœur de Condé), alliés au cardinal de Retz, sont l’âme de cette résistance parisienne. En accordant des concessions aux Parlements, la paix de Rueil signée le 30 mars prépare le retour au calme en désamorçant la Fronde parlementaire.

Cependant, la paix de Rueil laisse le peuple et les bourgeois insatisfaits du maintien de Mazarin et de la pression fiscale. Lorsqu’en janvier 1650, Mazarin fait arrêter Condé, Conti et Longueville, une nouvelle rébellion enflamme la Normandie, le Poitou, la Bourgogne et l’Aquitaine : à la Fronde parlementaire succède la Fronde des princes. En janvier 1651, le ralliement au parti des princes de Gaston d’Orléans, jusqu’alors resté fidèle, oblige Mazarin à fuir une première fois à Brühl, près de Cologne, d’où il continue de s’occuper des affaires du pays en entretenant une correspondance permanente avec la reine.

Rentré en France en décembre 1651, le cardinal Mazarin a l’adresse de s’éloigner une seconde fois, jouant sur l’apaisement de l’opinion qui commence à se lasser de la ruineuse rébellion des princes. Réfugié à Bouillon pendant près d’un an (avril 1652-février 1653), il fait, peu après le roi, une entrée triomphale dans Paris.

Le cardinal Mazarin, ministre de Louis XIV

Déclaré majeur en septembre 1651, sacré en juin 1654, le roi Louis XIV ne se sépare pas pour autant de son ministre, et lui laisse exercer de fait le pouvoir jusqu’à sa mort. Plus puissant que jamais, Mazarin se consacre désormais à l’éducation du roi.

S’appuyant sur des administrateurs de grande valeur — notamment Hugues de Lionne, Michel Le Tellier, Nicolas Fouquet et son intendant particulier Jean-Baptiste Colbert —, Mazarin est en mesure de redresser les finances du royaume tout en travaillant à en assurer la sécurité. S’il échoue à faire élire Louis XIV au trône impérial (Léopold Ier lui est préféré), il organise, en 1658, avec les princes allemands de confession protestante, la ligue du Rhin, visant à isoler l’empereur germanique en Europe.

Le couronnement de sa carrière est le traité des Pyrénées (7 novembre 1659), qui met fin à la guerre avec l’Espagne, donne à la France l’Artois et le Roussillon, et décide du mariage de Louis XIV avec une princesse espagnole, Marie-Thérèse — ce qui doit, ultérieurement, ouvrir la voie aux prétentions françaises sur la couronne d’Espagne. Peu avant sa mort, Mazarin marie le prince Philippe d’Orléans (frère du roi) avec Henriette d’Angleterre (sœur de Charles II) dans l’objectif de renforcer l’alliance de la France avec ce puissant voisin.

Une carrière au service de la monarchie... et de sa fortune

Néanmoins si Mazarin sert la monarchie il sert aussi ses intérêts. Toujours à la merci d'une disgrâce et de divers complots, le cardinal fait montre d'un certain empressement à s'enrichir afin de se protéger. S'étant constitué une solide clientèle de serviteurs dévoués (comme un certain Jean Baptiste Colbert qui devient bien vite son intendant) il entreprend d'acquérir une immense fortune, certainement la plus importante de l'époque. Mazarin apprécie le luxe, les œuvres d'arts mais fait aussi main basse sur de nombreuses seigneuries et terres. Se livrant à diverses opérations de spéculations financières, acceptant de nombreux pots de vins, il cumule les charges, titres et offices distribuant généreusement les prébendes à ses fidèles. Néanmoins il faut garder à l'esprit que le cardinal n'hésite pas à mettre sa fortune au service de l'Etat.

Quoi qu'il en soit cette rapacité, cette avarice, mêlées à sa politique d'autorité lui vaudront de son vivant une réputation détestable. Fustigé dans de nombreux pamphlets comme un "voleur sicilien", calomnié pour son soi disant statut d'amant de la reine Anne, il lui faudra éventer plusieurs complots et aller jusqu’à s’exiler en Allemagne à deux reprises au plus fort de la Fronde (1651 et 1652).

A sa mort le 9 mars 1661, celui qui fut un des plus grands serviteurs de la monarchie française, était certainement le personnage le plus détesté de France. Il n'en aura pas moins laissé derrière lui une œuvre ministérielle considérable, un legs politique précieux, dont Louis XIV (dont il eut la responsabilité de l'éducation) sera faire bon usage.

Le cardinal Mazarin a également été un collectionneur d’art éclairé et un grand mécène : fondateur du collège des Quatre-Nations (qui abrite aujourd’hui l’Institut de France), il a ouvert au public sa bibliothèque personnelle (l’actuelle bibliothèque Mazarine) et protégé de nombreux artistes, dont l’homme de lettres Gilles Ménage et le compositeur Jean-Baptiste Lully. On lui doit également l’introduction de l’opéra italien en France.

Bibliographie

- Mazarin : le maître du jeu, de Simone Bertière. Le Livre de Poche, 2009.

Mazarin l'italien, d'Olivier Poncet. Tallandier, 2018.

- Pour l'amour de l'enfant roi : Anne d'Autriche-Jules Mazarin de Alain-Gilles Minella. Perrin, 2008.

 

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