Chute de Saint Jean d'Acre et fin des croisades

Histoire Universelle | Moyen Age

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A la fin du XIIIe siècle, les Etats croisés sont à l’agonie ; l’Occident s’en désintéresse, et les dernières expéditions pour les sauver ont échoué. Parallèlement, les musulmans ont résisté à la furia mongole grâce aux Mamelouks. Ce sont ces derniers qui vont achever les Etats francs et signer ce qu’on considère comme la fin de l’épopée des croisades, symbolisée par la chute de Seant-Jean-d'Acre en 1291.

 

Les divisions dans le camp latin

Les problèmes aperçus lors de la croisade de Frédéric II, ou même avant (depuis la chute de Jérusalem en 1187 en fait), ne cessent de s’accroître dans ce qui reste des Etats latins après le départ de Louis IX en 1254. Dans cette quasi guerre civile, les cités italiennes et les ordres militaires jouent un rôle central : la rivalité entre Gênes et Venise, et celle entre Hospitaliers et Templiers n’est sans doute pas pour rien dans l’affaiblissement des derniers Etats francs. On parle alors de la guerre de St Sabas (un monastère d’Acre) qui oppose d’un côté les Génois alliés à Philippe de Montfort et aux Hospitaliers, de l’autre les Vénitiens soutenus par les Templiers.

La guerre est essentiellement navale entre 1256 et 1258, les uns attaquant Acre les autres Tyr…Il faut attendre 1270 et l’intervention politique de Louis IX pour que cela se calme. Cela ne règle pas pour autant les conflits dynastiques du royaume de Jérusalem qui continuent à la mort de Conrad III en 1268, et qui voient la mainmise de la maison d’Anjou sur la couronne jusqu’à la mort de Charles (frère de Louis IX) en 1285 ; c’est alors le roi de Chypre qui doit la récupérer. Il est pourtant bien trop tard, les Mamelouks ont déjà lancé le jihad sur les Etats croisés depuis longtemps...

La chute de Saint Jean d'Acre

Le premier artisan de la chute des Etats latins est Baybars, que nous avons déjà croisé lors de la première croisade de Louis IX, pendant la bataille de Mansourah où il a défait Robert d’Artois. Il joue aussi un rôle décisif en 1260 contre les Mongols à la bataille d’Aïn Jalût et, s’estimant mal récompensé, il tue le sultan et prend sa place ! Il lance le jihad d’abord sur les Mongols entre 1260 et 1263, puis se tourne vers les Etats latins qu’il sait affaiblis.

A peine deux ans plus tard, il prend Césarée et Arsûf, puis Safed en 1266 et surtout Antioche en 1268 et le Krak des Chevaliers en 1271. La plupart des grandes places fortes croisées tombent en dix ans aux mains des Mamelouks. En 1272, la croisade d’Edouard d’Angleterre (qui devait au départ rejoindre Louis IX à Tunis) le ralentit un peu ; le pape Grégoire X essaie alors de relancer le soutien aux Etats de Terre Sainte, en vain.

Heureusement pour eux, la mort de Baybars en 1277, les querelles de succession qui s’ensuivent et surtout une nouvelle invasion mongole en 1280, leur donnent un peu de répit ! Leur neutralité dans la guerre Mongols-Mamelouks leur permet d’obtenir de ces derniers une trêve de dix ans. Les Vêpres Siciliennes, en 1282, ont des conséquences jusque dans les Etats latins où le pouvoir angevin est affaibli, au profit des ambitions des cités italiennes qui recommencent à se faire la guerre à Acre et Tripoli dès 1285.

Le sultan Qalawûn en profite en 1289 pour prendre Tripoli ; il veut en finir avec les Francs et se tourne vers Acre. Sa mort laisse un nouveau très court répit aux Latins, et son fils al-Ashraf Khalil met le siège devant la cité en 1291. Elle tombe cinq semaines plus tard, suivie des dernières places franques : c’est la fin des Etats latins en Terre Sainte.

La fin des croisades ?

Avec la chute d’Acre, les barons croisés ne possèdent plus dans la région que Chypre, qui tiendra jusqu’en…1571 ! Généralement, on estime que 1291 signe la fin des croisades, celles que l’on estime « officielles », les huit connues des manuels d’histoire. Il est vrai que l’idée de croisade telle qu’elle a été pensée tout au long des XIIe et XIIIe siècles n’est plus et que, surtout, cela fait longtemps que les royaumes d’Occident se sont désintéressés du sort des Etats croisés, à l’exception de Saint Louis. Ce sont les cités italiennes et la maison d’Anjou qui ont agi sur place, mais dans une vision plus politique et économique qu’idéologique et religieuse : la reconquête du Saint-Sépulcre est loin d’être leur priorité.

Pourtant, cette idée de croisade, même si elle a évolué, se fait à nouveau entendre les siècles suivants. Elle prend d’autres formes, touche d’autres aires géographiques (on pense aux Teutoniques), et elle provoque même de nouvelles conquêtes comme celle de Rhodes en 1310 ! On pense différemment la croisade, on l’envisage dans un cadre plus élargi, on décide des réformes (comme la fusion des ordres militaires, responsables de tant de divisions) ou de nouvelles alliances (avec les Mongols par exemple).

Ainsi, tout au long des XIVe et XVe siècles, un certain nombre d’expéditions guerrières, en particulier contre les Turcs, sont considérées comme des croisades (effectuées par des ligues). Et même la bataille de Lépante, en 1571, sera évoquée comme un fait de croisade…

Il faut être clair de suite, il est impossible de faire un vrai bilan exhaustif des croisades ou de la présence latine en Terre Sainte. Les enjeux religieux, politiques, économiques et même culturels sont tellement divers, les interprétations et les angles historiographiques tellement opposés parfois qu’il est trop aventureux de tenter ce bilan. On renvoie pour cela à la sélection bibliographique ci-dessous. On conseille toutefois de s’attarder dans ces ouvrages sur la question de savoir si les croisades étaient les premières entreprises coloniales ou pas, et sur leur importance dans l’explosion économique et la domination maritime des cités italiennes.

Bibliographie

-          Fin de la domination franque en Syrie après les dernières croisades. Prise de Saint-Jean-d'Acre, de Gustave Schlumberger. BNF, 2013.

-          Dernières croisades: Le voyage chevaleresque en Occident à la fin du Moyen Age, de Loïc Chollet. Vendémiaire, 2021

-          Histoire des croisades (3), de René Grousset. Tempus, 2006.

 

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