Dans l'infanterie
La guerre de Sécession se déroule à un moment où l’évolution technique des armes à feu, longtemps demeurée lente, s’est considérablement accélérée. Alors qu’au début du XIXème siècle, le fusil standard de toutes les armées du monde est un mousquet à silex, à canon lisse et tirant des balles sphériques, il en va tout autrement en 1861. Juste avant la guerre, le fusil réglementaire de l’infanterie fédérale est le Springfield modèle 1855. Comme son nom l’indique, il a été conçu à l’arsenal fédéral de Springfield, dans le Massachusetts.
Du mousquet au fusil
De surcroît, la platine à percussion permet d’augmenter la cadence de tir de façon significative. Là où il fallait, avec un fusil un silex, ouvrir le bassinet qui faisait la liaison entre le chien de fusil et la chambre de tir, le remplir de poudre et le refermer, il suffit désormais de placer une nouvelle capsule à l’endroit prévu à cet effet. Alors qu’on mettait aisément une minute pleine pour recharger un fusil à silex, le fusil à percussion permet une cadence de tir pouvant aller jusqu’à deux coups par minute, voire même trois avec des soldats très bien entraînés.
Ce n’est toutefois pas la seule innovation de ces armes. Le Springfield modèle 1855 se caractérise par un canon rayé : l’intérieur de l’arme est creusé de fines rayures suivant un trajet hélicoïdal. Cette caractéristique va de pair avec l’emploi d’une nouvelle munition, la balle Minié, du nom du Français qui en a, le premier, déposé le brevet. Cette balle n’est plus sphérique comme l’étaient ses devancières, mais cylindro-conique. L’arrière du projectile est coupé de stries transversales, et une chambre creuse y est ménagée.
Ce mouvement a une conséquence majeure sur le plan balistique. Si la balle tourne sur elle-même, sa trajectoire s’en trouve stabilisée, et sa vitesse initiale (c’est-à-dire sa vitesse à la sortie du canon, qui est toujours, pour une arme à feu, la vitesse maximale que peut atteindre le projectile) est accrue. Concrètement, cela signifie qu’un fusil à canon rayé a un tir plus précis, plus loin. Là où il était déraisonnable, avec un fusil à canon lisse, d’espérer faire mouche à plus de 100 ou 150 mètres, le fusil rayé présente une portée pratique de 500 mètres voire même davantage.
Des armes meurtrières
Combinées à des tactiques n’ayant pas évolué aussi vite, ces performances accrues vont faire du fusil rayé d’infanterie une arme particulièrement meurtrière. Plus de 90% des blessés nordistes le seront par balles. Non seulement la balle Minié trouve plus facilement sa cible, mais elle cause également de terribles blessures. Bien que plus petite que la balle sphérique du fusil à canon lisse – 0,58 pouce (14,7 mm) contre 0,69 (17,5 mm), sa vitesse accrue et son mouvement tournoyant la rendent bien plus létale. Une balle Minié réduit les os en miettes, fait éclater les organes, et peut même emporter ou déchiqueter un avant-bras.
L’utilisation pratique de ces fusils demande toujours un degré d’entraînement pour parvenir à un certain niveau d’efficacité. Le rechargement d’une arme par la bouche est un processus relativement complexe qui nécessite d’être répété avant d’être maîtrisé. Les cartouches, faites de papier graissé (pour les rendre étanches), contiennent à la fois la charge de poudre et la balle. Le fantassin doit les déchirer avec les dents, opération peu agréable car le papier est relativement épais, gras, et la poudre (mélange de charbon, soufre et salpêtre) très irritante.
Il faut ensuite verser la poudre dans le canon, introduire la balle, puis tasser le tout avec la baguette. Ensuite, il ne reste plus qu’à retourner l’arme, puis placer une capsule à percussion (elles sont transportées séparément de la cartouche) ; le fusil est alors prêt à faire feu. Le tir d’une telle arme dégage une quantité non négligeable d’une fumée épaisse et âcre, constituée principalement de résidus de poudre incomplètement brûlée, qui noircit le visage et irrite les yeux et les muqueuses. Si l’on ajoute à cela la chaleur produite par le tir, on imagine sans peine qu’un feu prolongé constitue rapidement une opération désagréable et éreintante pour les soldats.
D’un point de vue purement technique, la mode est alors au sabre-baïonnette, et en particulier aux lames courbes du style « yatagan », en usage dans l’armée française – qui fait alors office d’arbitre des élégances en matière militaire. L’intérêt est ainsi d’avoir une arme polyvalente, pouvant servir aussi bien de baïonnette que de poignard. Toutefois, il n’est pas toujours très apprécié, essentiellement à cause de son format assez encombrant : dans les 60 centimètres de long, pour une lame de surcroît assez large, sans compter le manche. De ce fait, la traditionnelle baïonnette à douille et à lame fine sera assez largement employée.
Un arsenal varié
Si le Springfield modèle 1855 constitue le fusil réglementaire au début de la guerre, il n’a toutefois pas été produit en quantités suffisamment importantes pour être universel. Les arsenaux renferment de grandes quantités de fusils plus anciens, que les deux belligérants utiliseront abondamment lors des premiers mois du conflit. Il en sera ainsi du Springfield modèle 1816, à canon lisse et à silex, et de ses différentes variantes successives, dont la dernière, le modèle 1842, introduira la platine à percussion – que les versions antérieures utiliseront elles aussi par la suite, après modification.
L’amélioration des armes à feu doit beaucoup à l’industrialisation, qui a permis la fabrication de pièces standardisées et interchangeables, produites en grande série avec une précision millimétrique. En 1861, le département de l’armement de l’armée fédérale décida de modifier le Springfield modèle 1855 pour le simplifier et en faciliter la production à grande échelle. Ainsi naîtra le Springfield modèle 1861, encore amendéen 1863, et qui constituera le fusil standard de l’infanterie nordiste durant la guerre. La Confédération en produira des clones, car en s’emparant, en avril 1861, de l’arsenal de Harper’s Ferry, le Sud mit la main sur les précieuses machines-outils servant à le fabriquer. Elles seront installées dans les arsenaux confédérés de Richmond (Virginie) et Fayetteville (Caroline du Nord), chacun produisant sa propre variante.
Dans la Cavalerie
Mousquetons et carabines
De ce fait, l’arme de prédilection du cavalier de la guerre de Sécession ne sera pas son sabre, comme le voulait l’usage traditionnel de la cavalerie, mais sa carabine – parfois appelé mousqueton. Succinctement, la carabine est un fusil allégé et raccourci pour en permettre un transport et un emploi plus aisé à cheval. Elle fonctionne donc sur le même principe, la différence majeure étant que le canon plus court réduit les qualités balistiques de l’arme. Puissance et portée sont donc inférieures aux caractéristiques des fusils de l’infanterie.
Dans les années qui précèdent la guerre de Sécession, la cavalerie fédérale utilise encore assez largement le mousqueton Springfield modèle 1847. Cette arme est essentiellement une version plus petite du fusil d’infanterie modèle 1842. Destinée prioritairement aux deux régiments de dragons, il en existe également des versions spécifiques distribuées aux artilleurs et aux soldats du génie. Considéré comme relativement médiocre, ce mousqueton sera assez peu apprécié de ses utilisateurs. Vers la fin des années 1850, le département de l’armement aura recours à divers expédients pour lui trouver un remplaçant plus moderne.
Si pour les fusils d’infanterie, les innovations portent surtout sur la portée et la précision, celles introduites pour les carabines de cavalerie vont chercher à compenser leurs qualités balistiques moindres par une plus grande maniabilité et une meilleure cadence de tir. Les recherches vont donc porter dans deux directions différentes : d’une part vers des armes à rechargement par la culasse, et d’autre part vers des carabines à répétition – autrement dit, capables de tirer plusieurs coups de feu avant d’être rechargées.
Divers expédients furent suggérés aux soldats pour éviter les accidents de tir, comme par exemple appuyer le canon sur un support au lieu de le tenir de la main gauche, ou encore de ne charger qu’une seule chambre à la fois – ce qui bien sûr annulait précisément ce pour quoi la carabine-révolver Colt avait été conçue. Ce n’est qu’après l’adoption de cartouches rigides en laiton, qui améliorèrent grandement l’obturation des chambres, que cette arme atypique devint fiable. Elle put alors être utilisée, à petite échelle mais avec beaucoup d’efficacité, durant la guerre de Sécession – y compris, occasionnellement, par des unités d’infanterie.
Elle allait s’avérer une des armes les plus populaires de la cavalerie nordiste durant les premières années de la guerre. Entre temps, d’autres armes avaient fait leur apparition, comme par exemple la Starr, performante malgré une obturation laissant à désirer. Néanmoins, la plus prisée par les cavaliers des deux camps fut celle fabriquée par la Sharps Rifle Manufacturing Company. Elle était directement dérivée du fusil Sharps modèle 1859, dont elle avait gardé l’excellente précision. Très maniable, elle permettait de soutenir une cadence de tir particulièrement élevée pour une arme à un coup : environ 8 à 10 tirs par minute.
Armes à répétition
Toutefois, c’était encore en-dessous de ce dont serait capables les modèles ultérieurs. Non contents d’avoir rendu pratiques et fiables les armes à chargement par la culasse, les fabricants se penchèrent de nouveau sur le concept de carabine à répétition. En 1860, l’armurier Christopher Spencer présenta un modèle intégrant l’essentiel des innovations des années précédentes. Sa carabine était équipée d’un levier rechargeant et réarmant automatiquement, grâce à un magasin tubulaire à 7 coups installé dans la crosse. Ceci lui conférait une cadence de tir théorique de 15-20 coups à la minute. Produite en masse, la carabine Spencer devint l’arme principale de la cavalerie fédérale dans la seconde moitié de la guerre, l’aidant considérablement à prendre l’ascendant sur sa rivale confédérée.
Une autre carabine, apparue peu après, allait utiliser avec bonheur le même principe. Création de Benjamin Henry, elle était encore plus maniable que la Spencer, avec une cadence de tir supérieure. Le magasin n’était pas situé dans la crosse, mais dans un tube sous le canon, ce qui autorisait une capacité bien plus importante : 15 cartouches. Pour cette raison, les Confédérés la surnommèrent rapidement « le fusil que les Yankees chargent le dimanche et qui tire toute la semaine ». La carabine Henry ne fut jamais employée en masse par l’Union, mais sera néanmoins distribuée à certains régiments, y compris d’infanterie, par l’initiative de quelques généraux.
En dehors de son prix, son principal défaut était l’absence de cran de sûreté, sachant que la chambre de tir contenait constamment une cartouche prête à l’emploi. Malgré tout, nombre de soldats, impressionnés par cette arme, en firent également l’acquisition sur leurs deniers personnels, et la conservèrent après la guerre. En 1866, la New Haven Arms Company, qui la fabriquait, changea de nom pour devenir la Winchester Repeating Arms Company. Modernisée, la carabine Henry se mua en Winchester modèle 1866, qui allait devenir au cours des années suivantes un objet emblématique de l’Ouest américain.
Sabres et révolvers
Même si elle en captura à l’occasion, la Confédération ne put jamais utiliser à grande échelle ces carabines à répétition. En effet, celles-ci tiraient des cartouches rigides pourvues de douilles en cuivre ou en laiton, pour la fabrication desquelles le Sud n’avait pas les ressources nécessaires en matières premières. Pour l’essentiel, les cavaliers sudistes durent se contenter d’armes issues des stocks d’avant-guerre (plusieurs États avaient ainsi acheté des carabines Sharps), supplémentés ensuite par les armes prises aux Nordistes, ainsi que des modèles d’importation. Le plus utilisé fut le mousqueton Enfield modèle 1861, d’origine anglaise.
En dehors des carabines, la cavalerie des deux camps utilisera aussi des armes blanches – occasionnellement, car le nouvel emploi tactique des cavaliers entraîna la raréfaction des charges « à l’ancienne ». Le lourd sabre modèle 1840 fut rapidement éclipsé par le modèle 1860, plus léger et jugé suffisant pour l’usage qui en était fait. Quant à la lance, encore très populaire dans les armées européennes, elle ne fut pratiquement pas employée. Une seule unité de lanciers, le 6ème régiment de cavalerie de Pennsylvanie, servit dans l’armée nordiste. Il fut rééquipé de carabines en 1863.
L'artillerie
L’artillerie joua un rôle important durant la guerre de Sécession, bien qu’il fût moins décisif que dans d’autres conflits – qu’il s’agisse des guerres napoléoniennes ou de la guerre contre le Mexique, dans laquelle l’armée américaine dut aux canons nombre de ses victoires. Tout comme les armes à feu légères, l’artillerie était alors au cœur d’une véritable révolution technique encore inachevée, l’apparition de canons rayés coïncidant avec la substitution du fer au bronze dans leur construction. Durant le conflit seront utilisés des canons de siège et de campagne, mais également d’autres matériels plus atypiques.
Canons lourds, canons de siège
Constituant l’essentiel des effectifs de l’armée régulière fédérale avant la guerre (42 batteries sur 48), l’artillerie de siège tirera les premiers coups de feu du conflit avec le bombardement du fort Sumter. De façon générale, les canons de siège sont des pièces d’artillerie plutôt lourdes et encombrantes, dont le transport est malaisé. De ce fait, ils se prêtent davantage à un rôle statique, et leur grande puissance de feu les rend aussi bien aptes à l’attaque des forts en maçonnerie qu’à leur défense. Contrairement aux pièces de campagne faites en bronze, les canons de siège étaient coulés en fer depuis déjà un certain temps. Leur poids était en effet une considération secondaire, et leur emploi tactique rendait moins gênante la qualité souvent aléatoire du fer alors produit.
De façon générale, il existait deux manières d’indiquer le calibre d’une bouche à feu : ou bien l’on utilisait le diamètre du canon (alors exprimé en pouces dans les armées anglo-saxonnes) ; ou bien, c’était le poids du projectile, en livres (une livre = 454 grammes). En 1861, l’artillerie de siège aux États-Unis est dans l’ensemble plutôt vétuste. Les pièces mobiles sont des canons lisses de cinq calibres différents, allant de 12 à 42 livres – seuls ces derniers, introduits en 1841, étaient encore considérés comme ayant une puissance de feu suffisamment importante pour être utilisés.
Les uns comme les autres seront grandement améliorés durant la guerre. Charles James, un ingénieur à succès qui avait servi avant la guerre comme sénateur pour le Rhode Island, avait inventé une méthode permettant de rayer l’intérieur des vieux canons de siège de 24, 32 et 42 livres, ainsi qu’un projectile fonctionnant sur le même principe que la balle Minié des fusils d’infanterie. Cela permettait de doubler le poids des obus, et la puissance de feu des canons James de 48, 64 et 84 livres ainsi créés dépassa toutes les espérances. Lors du bombardement du fort Pulaski en avril 1862, ils ouvrirent des brèches béantes dans des murs pourtant épais de plusieurs mètres.
Les Columbiads, quant à eux, allaient se voir substituer d’autres pièces à âme lisse, les canons Rodman. Dans les années qui avaient immédiatement précédé la guerre civile, le capitaine Thomas Rodman, de l’armée fédérale, avait mis au point une nouvelle méthode de production, qui permettait de renforcer considérablement la solidité des canons au niveau de la chambre de tir. Il s’inspirait en cela des canons de marine mis au point par John Dahlgren, dont quelques exemplaires allaient eux aussi être utilisés comme canons de siège durant la guerre.
L’armée nordiste ne se contenta pas de ces modèles. Elle introduisit également de nouveaux types de canons rayés. Ainsi fut produit un canon de 4,5 pouces (114 mm), qui était essentiellement une version agrandie du canon de campagne de 3 pouces. C’était une pièce puissante et relativement mobile. Furent également utilisés en grand nombre des canons Parrott en fer fretté. Les principaux furent d’un calibre de 30 livres, mais d’autres de 100, 200 et même 300 livres furent employés. Nettement plus puissants, ils étaient également beaucoup moins fiables, avec une tendance à exploser pendant le tir.
Grâce à la trajectoire courbe de leurs obus, les mortiers tendaient à être plus efficaces que les canons contre les forts en terre et les retranchements de campagne. Il existait également des mortiers légers, transportables à bras d’hommes, appelés « mortiers Coehorn » du nom du maréchal hollandais du XVIIème siècle et adversaire de Vauban, Menno van Coehoorn. Les Confédérés en improvisèrent un nombre non négligeable, en faisant un usage défensif important durant le siège de Petersburg, en 1864-65.
Canons de campagne
Toutefois, les récents progrès de l’industrie sidérurgique permirent de produire un métal moins coûteux et de qualité plus constante. Il devint possible de fabriquer des canons en fer suffisamment légers pour être utilisés en campagne. L’adoption concomitante de canons à âme rayée rendit l’artillerie de campagne nettement plus précise que précédemment, et accrut notablement sa portée. Toutefois, le caractère souvent très boisé des champs de bataille de la guerre de Sécession, à une époque où l’on ne tirait encore qu’à vue, allait grandement limiter son efficacité.
L’armement principal de l’artillerie de campagne fédérale est longtemps demeuré le canon lisse de 6 livres en bronze. Cette pièce, légère, était très adaptée au service dans l’Ouest, contrairement aux canons de 9 et 12 livres du même système, tombés en désuétude. Le principal problème du 6 livres était le faible poids de son projectile, qui limitait sérieusement sa capacité destructrice. Quelques 6 livres furent modernisés au début de la guerre grâce au procédé James, mais les rayures se détérioraient assez vite et ces pièces, rebaptisées « canon James de 14 livres », ne restèrent pas longtemps en production.
L’armée fédérale avait également mis en service un canon rayé, juste avant la guerre. Baptisé « canon d’ordonnance de 3 pouces », il était en fer forgé plutôt qu’en fonte. Très solide, il était plus petit et plus léger que le 12 livres Napoléon. Essentiellement produit par la Phoenix Iron Company, une société pennsylvanienne, le 3 pouces (76 mm) portait loin et se caractérisait par sa très grande précision ainsi que sa fiabilité. Son seul véritable défaut était le poids relativement restreint de ses projectiles, qui le rendait moins puissant que le 12 livres Napoléon à courte portée. Ce fut, malgré tout, la principale pièce d’artillerie de campagne de l’Union durant la guerre de Sécession.
Côté sudiste, les aciéries Tredegar de Richmond tentèrent de copier les Parrotts, sans grand succès. L’artillerie fut toujours le parent pauvre de l’armée confédérée, et les obus, en particulier, furent fréquemment de mauvaise qualité. Une particularité de l’artillerie sudiste fut l’importation de canons Whitworth de 12 livres, à chargement par la culasse – une des toutes premières pièces d’artillerie de ce type à être produite industriellement. Sur le plan balistique, elle surclassait tout ce que l’Union avait à lui opposer, mais le blocus nordiste ne permit jamais aux Sudistes d’en disposer en nombre suffisant. Le plus souvent, c’est le 12 livres Napoléon qui allait former l’ossature de l’artillerie de campagne confédérée.
Premières mitrailleuses
La guerre de Sécession préfigura la Première guerre mondiale dans bien des domaines, et ce fut particulièrement vrai dans celui de l’armement. Même si elles connurent dans les faits un usage très limité, elle vit ainsi débuter les premières mitrailleuses. Divers moyens techniques furent utilisés pour leur conception. L'armée française, qui étudiait la question en Europe, avait opté pour un canon constitué de plusieurs tubes, chacun tirant une cartouche, l’un après l’autre. Ainsi, le « canon à balles » de Reffye, qui allait être introduit en France en 1866, pouvait tirer jusqu’à 125 cartouches en une minute.
La mitrailleuse Mill fonctionnait sur le même principe, et fut surnommée « le moulin à café ». C’était à la fois une référence à son mode de fonctionnement, puisqu’elle était, comme la Gatling, actionnée par manivelle, et un jeu de mots sur le nom de son créateur – moulin à café se disant coffee mill en anglais. Ces deux modèles furent utilisés de façon limitée par les forces nordistes. Elles ne furent achetées qu’au compte-gouttes par l’armée fédérale, qui craignait la consommation de munitions importante de telles armes : une seule batterie de six Gatlings pouvait tirer autant de cartouches en une minute qu’un régiment d’infanterie au complet.
D’autre part, ces premières mitrailleuses étaient considérées comme des armes d’artillerie, et non d’infanterie. Relativement encombrantes, elles étaient montées sur des affûts de canon standard. Les généraux, à quelques rares exceptions près, n’entrevoyaient guère leur potentiel réel. De surcroît, ces pièces très visibles constituaient une cible facile pour l’artillerie et les tireurs embusqués ennemis, contre lesquels elles ne pouvaient rien. De ce fait, les mitrailleuses furent surtout cantonnées à la guerre de siège.
Les machines infernales : « torpilles » et grenades
Les Sudistes firent un usage plus étendu des torpilles terrestres. Ici se pose un léger problème de vocabulaire : à l’époque, le mot « torpille » désignait ce que nous appelons aujourd’hui « mine », qu’elle soit terrestre ou navale. Ce n’est qu’après la généralisation des torpilles automobiles – ce que nous appelons simplement aujourd’hui « torpilles » – que ces divers objets furent désignés sous leurs vocables actuels. Ces torpilles terrestres, donc, dérivaient fortement de la fougasse de l’époque moderne : une charge explosive piégée et enfouie dans le sol. Elle fut souvent improvisée, avec par exemple un obus. Néanmoins, le général sudiste Gabriel Rains créa en 1862, avec son frère George, la première torpille terrestre spécifiquement conçue pour cet usage. Elle fut largement utilisée pour la défense des forts et des retranchements confédérés et valut à Rains une réputation exécrable jusque dans son propre camp – son invention étant considérée comme une arme sournoise et lâche.
Bibliographie
- Les armes de la guerre de Sécession Tome 1 : Le sud, de Didier Bianchi. Editions Crépin-Leblond, 1998.
- Les armes de la guerre de Sécession Tome 1 : Le nord, de Didier Bianchi. Editions Crépin-Leblond, 1998.
- La guerre de Sécession, de John Keegan. Perrin, 2011.