Révolution industrielle en France et dans le monde (XIXe)

Histoire Universelle | Le XIXe siècle

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Dès la fin du XVIIIe siècle, la révolution industrielle ouvre une période de transition d'une économie fondée traditionnellement sur l'agriculture à une économie reposant sur la production mécanisée et à grande échelle de biens manufacturés. Elle a été facilitée par les progrès techniques de l'époque et l'utilisation de nouvelles sources d'énergie. A l’origine d’une mutation sociale considérable et de l'apparition d'une classe ouvrière, le phénomène de révolution industrielle se produit à des époques différentes selon les pays. En France, la croissance industrielle est régulière et substantielle au XIXe siècle, mais peu spectaculaire et sans phase de brutale accélération comme en Grande-Bretagne, en Allemagne ou aux Etats-Unis.

 

La Grande-Bretagne : la pionnière

La première révolution industrielle eut lieu en Grande-Bretagne à la fin du XVIIIe siècle, vers 1780. Elle modifia profondément l'économie et la société britanniques. Les changements les plus immédiats touchèrent la nature de la production, mais également les modalités et la localisation de celle-ci. La force de travail fut transférée de la production des produits primaires à celle de biens manufacturés et de services. La production d'articles manufacturés augmenta considérablement grâce à l'innovation technique, résultant de l'invention de machines de plus en plus performantes,telle la machine à vapeur de James Watt.

La croissance de la productivité fut également rendue possible par une application systématique des connaissances scientifiques et pratiques au processus de production. Le rendement fut enfin amélioré lorsque les entreprises se regroupèrent en grand nombre sur des surfaces limitées. Ainsi, la révolution industrielle est-elle liée à l'urbanisation, c'est-à-dire au processus d'exode rural et de migrations internationales des zones rurales vers les zones urbaines.

C'est peut-être dans cette organisation du travail que les changements les plus importants eurent lieu. L'entreprise s'étendit et prit des traits nouveaux. La production se fit désormais à l'intérieur de l'entreprise et non plus en famille ou dans le cadre du domaine seigneurial. Les tâches devinrent de plus en plus routinières et spécialisées. La production industrielle commença à dépendre largement d'un usage intensif du capital. Les outils de coupe et les machines permirent aux travailleurs de produire en quantités beaucoup plus importantes que par le passé. Les avantages qu'apportait l'expérience d'une tâche (fabrication d'une pièce ou d'un outil particulier) renforçèrent la tendance à la spécialisation.

Une spécialisation accrue et l'utilisation intensive du capital dans la production industrielle engendrèrent d'autres différences sociales. De nouvelles classes sociales et professionnelles virent le jour : les ouvriers, concentrés dans les entreprises manufacturières et les industries lourdes et qui ne tardèrent pas à former une classe sociale très homogène, mettant au premier plan du débat politique, à la fin du XIXe siècle, la « question sociale » ; une grande bourgeoisie industrielle et possédante, propriétaire des moyens de production et dont les membres prirent le nom de capitalistes.

Le décollage économique

La première révolution industrielle ayant eu lieu en Grande-Bretagne, ce pays devint pour un temps le laboratoire d'un profond changement économique et social. Pendant la plus grande partie du XVIIIe siècle et une bonne partie du XIXe, Londres fut le centre d'un réseau commercial complexe qui s'étendait sur le monde entier et où s'accrurent les exportations de marchandises associées à l'industrialisation. S'appyuant sur le vaste empire britannique, les exportations fournissaient un débouché indispensable aux produits du textile et à d'autres industries manufacturières, dans lesquelles l'introduction de nouvelles techniques avait permis une croissance rapide de la production.

Les données disponibles indiquent une accélération importante du taux de croissance des exportations britanniques après 1780, ainsi qu'une forte croissance économique. Ce développement des exportations et cette ouverture sur le marché international apportèrent d'autres avantages à l'économie du pays : les revenus des importations permirent aux fabricants d'acheter des matières premières à bas prix (en provenance des colonies) nécessaires à la production industrielle, et les négociants pratiquant l'exportation acquirent un savoir-faire qui leur fut très utile pour développer le commerce intérieur.

L'économiste W.W. Rostow a appelé cette phase d'industrialisation qui s'est peu à peu répandue dans toute l'Europe le « décollage économique » (ou take off). Caractérisée par une forte accélération de la croissance, des capacités de consommation et d'épargne des ménages, et de l'investissement, cette phase ne s'est pas opérée partout au même rythme et au même moment.

Précédé généralement par une croissance démographique forte (due au recul de la mortalité), le « décollage » s'est effectué entre 1780 et 1820 en Angleterre, entre 1830 et 1870 en France, et entre 1850 et 1880 en Allemagne. Il a eu lieu à la fin du XIXe siècle en Suède et au Japon, au début du XXe en Russie et au Canada, dans les années 1950 en Amérique latine et en Asie et encore plus tard dans de nombreuses parties d'Afrique et du Moyen-Orient.

La révolution industrielle en France

Le cas de la France est, à cet égard, un peu particulier. Il n'y eut pas véritablement de « décollage » français au XIXe siècle, mais une croissance continue de 1815 à 1860. On peut l'expliquer par une plus grande importance du secteur agricole en France que dans les autres pays, qui continua longtemps d'imprimer son rythme à l'économie du pays. À partir de 1830, le rôle de l'industrie dans l'évolution de la révolution industrielle se fit néanmoins plus important et en 1860, la production de fonte française était nettement supérieure à celle de tous les États allemands réunis.

Témoins de l’essor industriel de la France, le développement de son réseau de voies ferrées, qui passe de 3 000 km en 1850 à 17 500 km en 1870 et à 50 000 en 1913. Il est attesté aussi par la croissance des industries textiles, minières et sidérurgiques, ces deux dernières bénéficiant de ce nouveau moyen de transport en étant amenées à produire l’énergie, les rails, les wagons… La « performance » française n’est donc pas négligeable, bien qu'elle soit inférieure à celle de l’Angleterre durant les deux premiers tiers du siècle, et à celle des États-Unis et de l’Allemagne dans le dernier tiers. 

Le rôle des Etats dans la révolution industrielle

Lorsque la France et l'Allemagne commencèrent à s'industrialiser, ils durent rivaliser avec la Grande-Bretagne et profitèrent inégalement de l'expérience britannique. Le ralentissement de la première révolution industrielle en France coïncida avec la signature d'un traité de libre-échange avec l'Angleterre en 1860. Cette ouverture des frontières a nui à l'économie française, trop peu industrialisée pour soutenir le défi de la concurrence internationale (triplement des importations, affaiblissement des exportations industrielles).

Au contraire, une redistribution des cartes s'est opérée au bénéfice de l'Allemagne et au détriment du Royaume-Uni au cours de ces années qui virent le développement d'une révolution industrielle particulièrement rapide outre-Rhin (création des grands Konzerns, etc.). L'Europe méditerranéenne est, au contraire, restée longtemps à l'écart de la révolution industrielle et ne la connaîtra qu'au XXe siècle.

Si le rôle de l'État fut loin d'être négligeable pour favoriser l'industrialisation de la Grande-Bretagne, il fut en revanche considérable en Allemagne, au Japon, en Russie et dans presque tous les pays qui s'industrialisèrent au XXe siècle. En France, l'État intervint également de plus en plus nettement dans l'évolution économique à partir de cette période.

Les conséquences de la révolution industrielle

Par définition, une industrialisation réussie entraîne une hausse du revenu national par habitant, du produit national brut (PNB) et du produit intérieur brut (PIB). Elle provoque également des changements dans la répartition des ressources, dans les conditions de vie et de travail, ainsi que dans les comportements et les codes sociaux. En Grande-Bretagne comme partout ailleurs, la révolution industrielle commença par provoquer une chute du pouvoir d'achat des ouvriers et une détérioration de leurs conditions de vie, puis ses conditions d'existence s'améliorèrent du fait de l'enrichissement général et des luttes ouvrières.

Celles-ci furent le fait d'un syndicalisme en plein essor et d'un socialisme qui voit l'émergence, à la fin du siècle, des conceptions marxistes. Mais le groupe social victorieux de la révolution industrielle fut la bourgeoisie, qui, des classes dominantes qui contrôlent la banque et l'industrie aux classes moyennes dont l'hétérogénéité demeure la règle, tendit à unifier son mode de vie.

Bibliographie

La première révolution industrielle 1750-1880, de Patrick Verley. Armand Colin, 2016.

La révolution industrielle. 1780-1880, de Jean-pierre Rioux. points Histoire, 2015.

Révolution industrielle et croissance économique au XIXe siècle, de Chantal Beauchamp. Ellipses, 1997.

 

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