Dublin à l'ère médiévale
Peu de sources évoquent l’histoire de la ville à ses débuts. Il semblerait que certains témoignages dont les écrits de Ptolémée, convergent vers l’existence d’une première colonie celte « Atha Cliath » fondée en 140 après JC. A cette époque, Dublin était connue sous le nom d’Eblana. Les Celtes y auraient construit des églises sur les bords de la Liffey, auprès d’un gué. Ce qui peut expliquer l’origine gaélique « Atha Cliath » qui signifie en français « la ville du gué des claies ». On sait avec plus de certitude que bien après, vers 448, Saint Patrick arrive dans la ville pour baptiser des chrétiens convertis.
L’ère viking est plus connue des historiens. En 841, les Vikings venus de Norvège sur leurs drakkars installent un premier campement à Dublin pour passer l’hiver. Ils construisent un port de garnison sur les Rives Sud de la rivière puis un Bastion à Wood Quay. La ville, baptisée « Dubh Linn », devient alors un véritable comptoir commercial avec l’Europe. Les peuples celtes et vikings cohabitent et des mariages voient le jour entre ces derniers. Toutefois, c’est plus d’un siècle plus tard que l’on considère la véritable naissance de la ville, en 988 avec le paiement du premier impôt. La ville a donc une double origine : un nom gaélique « Baile Atha Cliath » en référence à la colonie celte et « Dubh Linn » à la ville viking.
La mainmise scandinave sur la capitale s’achève avec la bataille de Clontarf (1014) qui sonne la victoire du roi D’Irlande : Brian Boru. Peu après, en 1052, le dernier roi scandinave de Dublin est chassé par le roi du Leinster qui fait de cette ville, capitale effective du pays à la place de Tara. La population dublinoise qui est estimée à 4 500 habitants au milieu du XIème siècle, augmentera avec l’arrivée des anglo-normands et de ses artisans-commerçants.
Au début du XIIIème siècle, plusieurs langues sont parlées en ville : le français, probablement un peu de latin, l'ancien anglais et le gaélique. Il faut savoir que peu d’irlandais y vivaient, la plupart étant retranchés dans la campagne environnante (en dehors du « Pale », vers Wicklow) sur laquelle les anglo-normands en avaient un contrôle limité. Ainsi, entre 1209 et 1316, la ville est la proie des tribus celtes, dissimulées dans les montagnes de Wicklow et qui la pillent régulièrement. En 1348, la peste noire véhiculée par les rats, transportés dans les bateaux de marchandises, décime une grande partie de la population.
L’âge d’or : le Dublin Protestant
Au XVII et XVIIIème siècle, la domination anglaise s’intensifie et se développe en dehors des murs de Dublin par la colonisation des terres. L’âge d’or est précédé par des périodes de rébellions et des guerres de religion. Les rebellions fomentées par Thomas Fitzgerald en 1534 contre le Château de Dublin sont vaincues par les Anglais. Des nouvelles tentatives de renversement de l’autorité sont écrasées par Elisabeth en 1602 à la bataille de Kinsale, puis par Olivier Cromwell en 1649. De plus, les guerres de religion ont des répercussions sur la vie dublinoise. En 1690, la défaite des catholiques face au roi Guillaume d’Orange (Bataille de la Boyne) entraîne le bannissement de ces derniers de toute fonction publique et l’interdiction du droit de vote. Il en résulte un exode des paysans vers la ville en raison de la confiscation des terres, désormais propriété des protestants.
Vers l’émancipation
Le destin de Dublin, théâtre des agitations politiques et culturelles, est lié à celui du pays désireux de s’émanciper de la domination anglaise. On ne peut évoquer l’histoire de la capitale sans resituer brièvement le contexte des deux derniers siècles.
En 1801, se forme par l'initiative du parlement irlandais : le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande. Les Irlandais espèrent alors par cette "association volontaire" obtenir au sein de l'Empire "des lois égales, une affection réciproque et des intérêts indissociables". La situation ne s'améliore guère pour les paysans qui ne sont toujours pas propriétaires des terres qu'ils cultivent. Une insurrection mal organisée menée par Robert Emmen contre le château se solde par un échec. C'est avec le personnage d'O'Connell, député et militant que les catholiques recouvrent leurs droits. Sa popularité grandissante contraint le premier ministre de Grande Bretagne à présenter un projet de loi : l'Acte d'émancipation des catholiques, qui sera voté en 1839. Quant aux paysans, il leur faudra attendre la réforme agraire de 1885 pour redevenir maîtres de leurs terres.
Outre, les rebellions et les volontés d'améliorer légalement le statut des Irlandais, le nationalisme se manifeste aussi par la construction de bâtiments destinés à promouvoir la culture gaélique. En 1904, l’Abbey Theatre est construit au nord de Dublin afin de préserver la langue. Des associations telles que le GAA (Gaelic Athletic Association) proposeront des sports celtes comme le Hurling ou le football gaélique.
Le XXème siècle est troublé par les grèves générales de 1913, la guerre civile en 1916 qui entraîne l’occupation des bâtiments publics par les insurgés et la guerre d’indépendance de 1921. Le traité qui en découle donne naissance à six comtés mais a causé la mort de 4000 hommes et la destruction de nombreux bâtiments dublinois. Le palais de justice et le coté droit de la rue O’Connell street ont cédé à la puissance des obus. C’est en 1949, que le gouvernement proclame l’Irlande, République de l’Etat libre, avec Dublin pour capitale.
L’intégration de l’Irlande en 1973 dans la Communauté Economique Européenne donne un nouveau souffle au pays et à la capitale. Moins de vingt ans plus tard, en 1992, Dublin est élue capitale culturelle européenne. La ville a ensuite fait l'objet d'une politique de restructuration et de rénovation des routes vers le centre-ville.
Les multiples facettes de Dublin, capitale de l'Irlande
Le nord de la Liffey, quartier populaire aux nombreuses rues commerçantes, s’est développé à la fin du XVIIème siècle. Il se dote d’édifices géorgiens et culturels, et depuis les années 90 d’un espace financier en pleine expansion. Le quartier comprend notamment la célèbre poste (GPO), le Musée des écrivains et les théâtres Abbey et Gate produisant souvent les pièces d’Oscar Wilde et de Samuel Beckett. A l’occasion d’une promenade sur O’Connell street, vous apercevrez le Spire (l’aiguille), monument d'une hauteur de 120 mètres très utile pour se repérer. En longeant la rivière (les docks), vous remarquerez le nombre important de ponts (onze au total) qui mènent de l’autre côté de la ville ainsi que deux bâtiments administratifs majeurs fermés au public : Custom House et Four Courts.
Au sud, le quartier géorgien révèle une architecture particulière, des maisons élégantes, symbolisant le Dublin prospère du XVIIIème siècle. Le nord du quartier comprend la banque d'Irlande, le musée héraldique et la plus ancienne université du pays : Trinity College. L’espace autour de Merrion Square est célèbre pour ses portes hautes en couleurs (photo ci-dessous) et se compose de nombreux musées nationaux gratuits situés non loin les uns des autres. Les magnifiques parcs de Merrion Square et de Saint Stephen green, plus au sud, méritent une courte pause. Ces derniers, qui n’ont pas toujours été ouverts
Le quartier viking et les Liberties regroupent les plus anciens monuments de la ville dont la Cathédrale Christ Church (1030), la Cathédrale Saint-Patrick (1191) et le Château de Dublin (1204). Le musée Dublinia en face de Christ Church est une étape indispensable pour tous les amateurs d’histoire médiévale ! City Hall, hôtel de ville témoin du soulèvement de 1916 ainsi que la prison-musée de Kilmainham, symbolisent quant à eux l’aboutissement de longues décennies de lutte pour l’indépendance. L'extrémité des Liberties, nous fera changer de décor avec la Guinness store house, usine-musée dédiée à la bière du même nom.
Temple Bar est le nom du quartier le plus animé de la capitale mais aussi celui du célèbre établissement. Les nombreux pubs et restaurant typiques constituent un arrêt gourmand idéal en fin de journée. Le « Brazen Head» fondé en 1198 est l’un des plus anciens pubs de Dublin. Il s’agit du témoin du soulèvement des Irlandais en 1798 et d’un lieu officieux de réunion de ces derniers contre le pouvoir britannique. Un peu plus loin à l’est de Temple Bar se trouve le musée de cire, halte instructive et ludique. Un conseil, il est plus agréable de parvenir à Temple Bar par le pont le plus direct et original : le Ha’penny bridge (première photo). Construit en 1816, ce pont signifie « demi-penny » en raison du péage imposé aux voyageurs jusqu’en 1919.
Suggestion de cinq musées et établissements à visiter
Vous trouverez une sélection de musées incontournables. La plupart d'entre eux ont des horaires d'ouverture assez réduits (10h-17h). Il est donc fortement recommandé de commencer sa visite dès le matin.
Le Musée des écrivains situéau nord de la ville et ouvert depuis 1991, nous rappelle que l’Irlande n’est pas seulement connue pour la beauté de ses paysages à l’âme celtique et la production de la fameuse Guinness. Il constitue un hommage aux talentueux écrivains irlandais. Quatre d’entre eux ont reçu le prix Nobel : William Butler Yeats, George Bernard Shaw, Samuel Beckett et Seamus Heaney. Le bâtiment qui est un manoir géorgien restauré, met en scène à travers des portraits, sculptures, dessins et éditions rares, le parcours des écrivains mais aussi plus généralement l’histoire de la littérature irlandaise.
Rendons-nous dans le quartier médiéval. Le musée Dublinia prend place dans l’ancien Synod Hall de la cathédrale Christ Church et illustre, par le biais de reconstitutions, la vie dublinoise à l’époque médiévale sous la domination des vikings et anglo-normands. Les reproductions des citadins de Dublin, révèlent différents aspects de la vie de l’époque : l’artisanat, le commerce, les conditions d'hygiène, les conséquences de la peste, les crimes et les châtiments. Au sous-sol, vous en serez plus sur les découvertes archéologiques et les techniques modernes utilisées. Si vous prenez un billet jumelé, il vous sera possible de découvrir la cathédral Christ Church attenante au musée, que vous pouvez rejoindre par un pont.
C’est à l’emplacement d’un ancien fort viking que le Château de Dublin a été bâti. Construit en 1204 sur l’ordre du roi Jean, il deviendra jusqu’en 1922 le siège du pouvoir britannique. Des ruines de la forteresse ne subsiste que la Record Tower. Les ailes du château ont été dévastées lors des incendies de 1670 et 1684. Des tours supplémentaires ont été progressivement ajoutées à partir du XVIIIè siècle. La visite du château se fait uniquement avec guide.
Située au sud-ouest de la ville, la prison-musée Kilmainham nous replonge dans l’histoire de l’indépendance du pays à travers une exposition chronologique, la cour des exécutions et la visite des cellules. Erigée en 1796, Kilmainham Goal servit de prison pendant 140 ans. De nombreux leaders nationalistes ont été emprisonnés. On peut citer notamment Patrick Pearse, James Connolly, Tom Clarke qui furent impliqués dans le soulèvement de Pâques et exécutés en 1916. Les cinquante premières années, les conditions de détention étaient très précaires. Il faut savoir qu’il n’y avait ni éclairage ni carreaux aux fenêtres. Les prisonniers recevaient une seule bougie toutes les deux semaines et se nourrissaient de pain, lait et bouillie d’avoine. La prison fut restaurée entre 1960 et 1986 avant de devenir un musée.
Les statues commémoratives de Dublin
Sur la rue marchande d’Henry street, en face du café Kilmore, vous apercevrez, la statue d’un célèbre écrivain : James Joyce (photo ci-contre). Il s’agit de l’un des romanciers et poètes les plus connus du XXème siècle, auteur de « Les gens de Dublin » et « Ulysse ». La statue a été érigée en 1990. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à visiter le «James Joyce Center », une tour-musée consacrée à la vie et aux œuvres de l’écrivain.
La balade sur l’avenue O’connell est quant à elle ponctuée par des figures marquantes du patriotisme irlandais comme celles des nationalistes Daniel O’connell et Charles Stewart Parnell. Attardons-nous un peu sur l'histoire de l' O’Connell monument. Cette sculpture a été érigée en 1882 en l’honneur de Daniel O’Connel, leader nationaliste à qui l’on doit le nom de cette avenue marchande longue de 500 mètres. Cet homme politique a œuvré contre l’Acte d’Union et la législation anticatholiques, L’Acte d’Union de 1800, renforçait la domination anglaise en donnant naissance au Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande. Ayant obtenu gain de cause grâce à l’acte d’Emancipation Catholique (1829), Daniel O’Connell est aujourd’hui considéré comme le « libérateur ».
La grande avenue n’a pas toujours accueilli des fervents défenseurs de la cause irlandaise. Pour l’anecdote, entre 1881 et 1966, se dressait, à la place du Spire, un témoin gênant de l’occupation anglaise : le pilier dédié à l’Amiral Nelson. Il s’agit du vice-amiral britannique ayant battu la flotte de Napoléon à Trafalgar en 1805. La colonne sera bombardée au niveau de la tête par les membres de l’IRA (Armée républicaine Irlandaise) en 1966 puis totalement retirée.
Des bâtiments symboliques
C'est gardant le cap vers le sud de la ville et en longeant les quais que vous pourrez observer Custom House et Four Courts, deux bâtiments administratifs fermés au public. Custom House, œuvre de l’architecte James Gandon, n’est pas sans rappeler l’âge d’or protestant à travers la volonté d’embellir la ville. Cet édifice a nécessité sur 10 ans le coût de 400 000 livres Sterling, somme importante pour l’époque. Malgré des tentatives de sabotages, James Gandon et ses ouvriers réussirent à achever le bâtiment en 1791. Ancien bureau officiel de la douane, Custom House comprend de nos jours des bureaux administratifs et constitue le siège du Ministère de l’Environnement et du Ministère du Patrimoine.
Four Courts, bâtimentsitué vers l’extrémité du quai est l'initiative de l’architecte irlandais Thomas Cooley poursuivie par James Gandon en 1784. L’édifice, tout comme le précédent, se compose d’un portique corinthien. Four courts abrite la cour Suprême de la République d’ Irlande, construite à l’origine pour faire contrepoids au pouvoir britannique.
Ces pistes touristiques non exhaustives ont pour but de vous familiariser avec l’histoire de la ville et de ses bâtiments lors d’une courte visite. Si vous disposez d’une longue semaine, n’hésitez pas à visiter tous les musées nationaux de la ville, la Cathédrale Saint Patrick, City Hall, les parcs magnifiques ou encore les différentes bibliothèques.
Dublin, de nos jours : capitale dynamique
- Le nord de la Liffey est communément appelée « quartier populaire » aux nombreux commerces et à l’âme littéraire à travers les différents théâtres et le musée des écrivains.
- Le quartier Georgien est caractéristique de l’âge d’or à travers l’architecture géorgienne,comprend deux magnifiques parcs, plusieurs musées nationaux ainsi que l'université Trinity College.
- Le quartier médiéval et les Liberties laissent apercevoir les plus anciens monuments dont le château et la cathédrale Saint-Patrick.
- Temple Bar est un espace très animé composé de pubs, restaurants, de musiciens « buskers » et de conteurs d’histoires.
Ce qu'il faut savoir :
- Si vous vous rendez à Dublin pour la première fois en bus, il convient de demander au conducteur la somme à régler (à insérer ensuite dans une machine) qui varie en fonction de la distance et de faire l’appoint car il ne rend pas la monnaie. Il peut être utile de vous renseigner sur votre destination exacte, le nom des arrêts n’étant ni précisé au long du voyage ni inscrit sur les abris bus.
- La capitale étant relativement petite, il est conseillé de marcher ou de louer un vélo pour profiter de la beauté de la ville. D’autant plus que les célèbres rues commerçantes d’Henry Street et Grafton Street mais aussi celles de Temple Bar sont piétonnes et animées tous les jours de la semaine !
- Pour les plus pressés, rien de mieux que devisiter Dublin en bus en une journée grâce au Dublin Bus Tour qui vous conduira aux 23 places les plus touristiques. Le ticket étant valable 24 heures, n’hésitez pas à descendre et à rejoindre le bus à volonté sur l’un des 23 arrêts. Le trajet complet dure 1h30. Le ticket est de 16 euros pour les adultes et 14 pour les étudiants
- N'oubliez pas que la capitale se compose de bon nombre de musées et établissements nationaux gratuits pour tous :
- Irish Museum of Modern Art
- Municipal Gallery of Modern Art
- National Gallery of Ireland
- Natural History Museum
- National Museum d’Histoire et d’archéologie
- Chester Beatty Library
- Bank of Ireland State Rooms
- National Botanic Gardens
Plus de renseignements
- site de l'office de tourisme
- Château de Dublin : Dublin Castle
Bibliographie
- Joseph McCullough, A Pocket History of Ireland, 2010.
- Pierre Joannon, Irlande, Terre des Celtes (photographies Seamas Daly), éditions Ouest-France, Rennes, 1999.
- Jean Guiffan, Histoire de l'Irlande, Hatier, Paris 1992.
- Élisabeth Servan-Schreiber, Bruce Winslow, Le Grand guide de l'Irlande, Gallimard, Singapour, 1993.