Bataille de Hattin (4 juillet 1187)

Les grandes batailles de l'histoire | Moyen Âge

Par le

Lors de la bataille de Hattin, le 4 juillet 1187, Saladin défait l’armée du roi de Jérusalem, Guy de Lusignan, et de son turbulent allié Renaud de Châtillon au lieu-dit les Cornes de Hattin, près du lac de Tibériade. Le roi de Jérusalem se rend, avec quelques-uns de ses chevaliers, et a la vie sauve, mais tous les Templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem sont décapités à proximité du champ de bataille. C'est la dernière étape dans la reconquête de Jérusalem entamée par Saladin depuis qu’il a réussi à unifier les musulmans sous la bannière du jihad. L’armée croisée exterminée à Hattin, la Ville sainte tombera comme un fruit mûr le 2 octobre 1187.

 

 

Le contexte de la bataille de Hattin

Depuis la mort du roi de Jérusalem Baudouin IV, dit le lépreux, en 1185 le royaume latin de Jérusalem est en pleine déliquescence. Les manœuvres en coulisses de Guy de Lusignan et de sa femme Sibylle permettent au premier de monter sur le trône de Jérusalem, suite à la mort précoce du jeune Baudouin V. Avec l’aide de Renaud de Châtillon, et contre l’avis du régent Raymond, comte de Tripoli, le nouveau protecteur du Saint-Sépulcre décide de reprendre les hostilités avec Saladin, qui avait signé une trêve de deux ans avec le roi lépreux et le régent. Fidèle à ses habitudes qui lui ont valu le nom de l’Eléphant, le baron Renaud de Châtillon viole la trêve en attaquant une caravane partie du Caire à la fin de l’année 1186. C’en est trop pour Saladin, qui décide de marcher sur le royaume latin. 

De son côté, l’Ayyûbide a en effet les coudées franches. Il a réussi à unir les musulmans, après plusieurs années de lutte contre les descendants de Nûr al-Dîn, et contrôle à présent tant Alep que Damas et Le Caire, où il a destitué les Fatimides depuis plus de dix ans déjà. Saladin a construit sa légitimité sur une propagande axée sur le jihad pour la reconquête de Jérusalem. Pendant des années, il a vainement tenté d’enfoncer les défenses du royaume latin, défendu par Baudouin IV et les Ordres militaires, tels les Templiers. Gêné par les divisions au sein de son camp et par l’habileté franque, il a su être patient. La mort du roi lépreux, qu’il respectait, et les provocations de Renaud de Châtillon arrivent donc à point nommé. 

Saladin contre les Templiers 

Dès mars 1187, Saladin part de Damas avec une armée comprise entre quinze et vingt mille hommes. Il ravage les terres avoisinantes, et attire les troupes croisées vers lui. Ces dernières sont amoindries par des années de razzias du sultan dans tout le royaume, et par les divisions qui l'ont saigné. Cependant, on peut toujours compter sur les Templiers, menés par Gérard de Ridefort…Celui-ci attaque une avant-garde musulmane de sept mille cavaliers avec à peine deux cents chevaliers ! La bataille de Cresson (1er mai 1187) est évidemment un massacre, et seul le Maître et trois autres Templiers en réchappent… 

Un personnage est en bien fâcheuse posture : Raymond de Tripoli. Le comte est partagé entre ses accords signés avec Saladin, et l’allégeance qu’il doit en tant que prince franc au roi de Jérusalem. Alors qu’il essayait de retarder l’échéance, le comte de Tripoli doit basculer définitivement du côté latin, suite à la bataille de Cresson, qui s’est déroulée sur ses terres. Cependant, il ne compte pas laisser Guy de Lusignan, Renaud de Châtillon et Gérard de Ridefort faire n’importe quoi… 

Les forces en présence 

Dans les premiers jours de juillet 1187, les deux camps sont prêts à la bataille décisive. Reste à savoir où elle va se dérouler et surtout qui aura l’initiative. Du côté franc, les Ordres militaires fournissent autour de six cents chevaliers, mais ceux tués à Cresson manqueront. Le reste de l’armée de Jérusalem compte un peu plus de quinze mille hommes. Sont présents la fine fleur de la noblesse et des chevaliers francs : le roi Guy de Lusignan, le comte de Tripoli, Renaud de Châtillon, le Maître des Templiers Gérard de Ridefort, ou encore Guillaume de Montferrat. 

Saladin, quant à lui, a clairement l’avantage. Il peut aligner plus de vingt mille hommes, dont la moitié de cavaliers, parmi lesquels les fameux archers montés, cauchemar des lourds cavaliers francs. A cet avantage numérique, le sultan ajoute bientôt l’initiative et le contrôle du terrain. 

Le déroulement de la bataille de Hattin (4 juillet 1187)

 

Saladin décide d’attirer les Latins dans un piège en attaquant Tibériade le 2 juillet. La ville est assiégée, et avec elle la femme du comte de Tripoli. Pourtant, ce dernier semble avoir tenté de dissuader le roi Guy de Lusignan de contre-attaquer pour libérer la ville et son épouse. Il connaît Saladin et le danger, et de toute façon nous ne savons pas s’il était sûr de la présence de sa femme dans la cité assiégée. 

Quoiqu’il en soit, au soir du 2 juillet, l’armée croisée ne s’est pas mise en route pour Tibériade. C’est alors qu’entre en scène –à nouveau- Gérard de Ridefort. Le Maître des Templiers, mû par une véritable haine de l’islam, aurait persuadé Guy de Lusignan de lever le camp, et de faire route avec toute son armée pour écraser définitivement la menace Saladin. 

Le lendemain donc, à la grande surprise (et pour certains crainte) des chevaliers et soldats de Jérusalem, l’ordre est donné de partir, direction Tibériade. Les conditions climatiques sont infernales, et l’armée croisée déjà éloignée de ses sources de ravitaillement. S’avancer ainsi comporte donc de gros risques. Cela ne fait pas changer d’avis Guy et Gérard de Ridefort, malgré les ultimes tentatives de Raymond de Tripoli qui doit, en bon vassal, se joindre à l’armée. 

De son côté, Saladin n’a évidemment pas perdu de vue l’armée franque, et il envoie bientôt sa cavalerie légère la harceler. Les Latins espèrent toutefois parvenir à la cité, et ainsi au lac, pour se ravitailler. Mais, pour cela, ils doivent traverser un plateau rocailleux, situé entre deux collines, les fameuses Cornes de Hattin, un piton basaltique. La chaleur écrasante et les flèches des archers musulmans transforment l’armée du royaume de Jérusalem en masse désorganisée et épuisée, qui se retrouve bientôt face aux vingt mille hommes de Saladin, eux bien ravitaillés et en pleine forme. 

C’est alors la curée, à la sortie des Cornes de Hattin. Saladin fait mettre le feu aux broussailles, et les croisés sont ainsi aveuglés et étouffés par la fumée et la fournaise. Ils reçoivent des volées de plusieurs milliers de flèches et sont incapables de réagir. Seule une partie d’entre eux, parmi lesquels Raymond de Tripoli, parvient à fuir direction Tyr. Le reste se retrouve au soir mort sur le plateau brûlant, ou piégé dans la forteresse de Tibériade…La bataille de Hattin est terminée. 

L'armée franque anéantie à Hattin

Le lendemain, le roi de Jérusalem et sa suite se rendent à Saladin. Celui-ci tue de sa main Renaud de Châtillon, pour le punir de ses (nombreux) crimes contre l’islam. Le sultan fait également exécuter tous les Templiers encore vivants, alors que Gérard de Ridefort semble avoir été tué durant la bataille. De même, les turcoples, jugés comme traîtres à l’islam, sont décapités. Guy de Lusignan quant à lui, sauvé par son rang, est fait prisonnier, tout comme les autres barons francs, dont Saladin peut espérer une rançon. Les autres sont réduits en esclavage. 

L’essentiel de l’armée franque a été anéantie ce 4 juillet 1187, à Hattin. Ne subsistent que quelques garnisons dans les forteresses et les principales cités. C’est insuffisant pour arrêter Saladin qui, les semaines suivantes, prend les places latines une à une. Bientôt seules Tyr et Jérusalem restent. Cette dernière, but du jihad de Saladin, tombe finalement le 2 octobre 1187, sans réelle résistance, défendue par une poignée de chevaliers, dont Balian d’Ibelin. Saladin peut célébrer son triomphe : il a accompli son devoir de souverain musulman, et surtout assis son pouvoir personnel sur l’oumma, faisant même de l’ombre au calife de Bagdad…  

Bibliographie 

- J. Phillips, Une histoire moderne des croisades, Flammarion, 2010.

 - A-M. Eddé, Saladin, Flammarion, 2008.
 

- J. Prawer, Histoire du Royaume latin de Jérusalem, CNRS éditions, 2007 (rééd). 

- « Les Croisades. L’Orient face à l’Occident », in Les Cahiers de Science & Vie, 123, juin-juillet 2011.

 

Poursuivez votre lecture avec nos autres articles sur le même thème