Les croisades étaient des pèlerinages guerriers, et c’est dans cette logique qu’apparaît le concept de « chevalier du Christ ». Mais plus encore que les chevaliers se croisant afin de combattre pour Dieu, c’est bien l’apparition des ordres religieux militaires qui marque l’originalité de la Croisade, en devenant l’un des symboles.
Les origines des ordres Templiers
Dès le XIè siècle, avant même la Première croisade, des hospices sont créés pour accueillir les pèlerins qui tentent de rejoindre Jérusalem, et qui font face à des dangers de plus en plus grands. Ainsi, ce sont les Amalfitains qui, au milieu du siècle, fondent l’Hospicium base des futurs Hospitaliers. Mais les racines des ordres religieux militaires s’enfoncent encore plus profondément dans les mutations que vit l’Occident chrétien depuis le début du XIè siècle. Ils sont en fait issus à la fois de la société féodale et des réformes grégoriennes, d’un côté le chevalier, de l’autre le moine, un mélange entre le temporel et le spirituel, pour une guerre devenue sainte sous le contrôle de l’Eglise.
Celle-ci, par le biais de moine-soldats qui dépendent d’elle ou qui, du moins, sont indépendants des pouvoirs temporels, peut ainsi mener la guerre indirectement selon ses intérêts. C’est pour cela que, créés au départ pour venir en aide aux pèlerins en difficultés, les ordres vont prendre de plus en plus d’importance, d’abord militaire puis politique.
Quels ordres ?
Il ne s’agit pas ici de détailler l’histoire de chaque ordre, tous très connus, mais d’en faire un rapide aperçu : le premier chronologiquement est donc l’ordre des Hospitaliers, dont la naissance est située entre 1048 et 1063, avant la Première croisade. C’est tout d’abord un hospice, reconnu indépendant par une bulle de Pascal II en 1113, et il devient un ordre vraiment militaire après l’ordre du Temple. Celui-ci, fondé en 1119-1120, est reconnu par le pape en 1129, soutenu alors par le roi de Jérusalem Baudouin II. Le troisième ordre, celui des Teutoniques, a un caractère national et sa fondation est plus complexe ; il serait l’émanation d’Hospitaliers d’origine germanique, qui auraient quitté leur ordre vers 1128.
Il semblerait que cette branche des Hospitaliers ait été exterminée à Hattîn en 1187, mais serait réapparue quelques temps plus tard, pour être reconnue par le pape en 1191 ; mais c’est seulement en 1197 que l’ordre devient vraiment militaire, reconnu comme tel et indépendant en 1198 par Innocent III. Les trois ordres observent des règles, parfois communes (les Teutoniques sont une sorte de mélange des deux autres, le côté charitable des Hospitaliers, le guerrier des Templiers), d’inspiration à la fois monacale et chevaleresque.
La défense de la Terre Sainte
Très vite, on l’a évoqué, les ordres religieux militaires se spécialisent dans le second domaine (le militaire), délaissant même la stricte protection des pèlerins pour celle plus large des Etats latins. Ils deviennent vite le fer de lance des armées croisées. Les barons leur donnent à garder (ou leur vendent) les principales forteresses de Terre Sainte : ainsi, les Hospitaliers obtiennent Bethgibelin en 1136, et le Krak en 1142 ; les Templiers, eux, sont les vrais spécialistes : ils gardent entre autres Tortose, Beaufort, Chastel Blanc,…
Leurs armées comptent plusieurs centaines de chevaliers, mais aussi des fantassins et des turcoples, et ils accomplissent de nombreux faits d’armes comme les victoires de Montgisard (1177) ou d’Arsuf (1191) pour les Templiers, ou Acre (1151) et Ascalon (1154) pour les Hospitaliers. Cette puissance, mais aussi leur statut de « guerriers du Christ », les fait haïr des musulmans et ce n’est pas un hasard si Saladin fait décapiter tous les Templiers et Hospitaliers capturés à Hattîn…
Le rôle politique des Templiers
Peut-être plus encore que le militaire, c’est dans le domaine politique que les ordres, et en particulier les Templiers, s’illustrent. Leur exemption et leur indépendance accordées par l’Eglise les rendent libres par rapport aux souverains de Terre Sainte, mais ces derniers ont terriblement besoin d’eux pour se défendre ; ils les payent, et pas seulement en places fortes ou en terre, et leur richesse s’accroît.
Les Templiers prennent ainsi une grande importance au sein du royaume de Jérusalem, dès les années 1170 ; on soupçonne le grand maître Gérard de Ridefort d’être à l’origine du regain des tensions avec Saladin, qui conduit à la perte de Jérusalem ! Les intrigues continuent à Acre, en particulier lors de la venue de Frédéric II, et ce n’est pas toujours dans l’intérêt des Etats latins ; en effet, les ordres n’hésitent pas à traiter directement avec les musulmans, même si parfois cela peut nuire à certains barons francs, et aux Etats croisés en général.
C’est sans doute pour cela que les Templiers se font des ennemis en Occident et qu’ils ont subi ce que l’on sait, au profit des Hospitaliers. Mais c’est une autre histoire…
Pour aller plus loin
- M. BALARD, Les Latins en Orient (XIè-XVè siècle). PUF, 2006.
- A. DEMURGER, Chevaliers du Christ : les ordres religieux militaires au Moyen Age, Seuil, 2002.