Néfertiti, reine d'Egypte (XIVe siècle avant J.-C)

Histoire Universelle | L'Antiquité, civilisations et empires

Par le

Néfertiti, qui a vécu au XIVe siècle avant J.-C, est avec Cléopatre VII l'une des plus célèbres reines d'Égypte. Elle épouse Amenhotep IV (le futur pharaon Akhenaton) lorsque celui-ci est âgé de douze ans et contribue à l'instauration du culte d’Aton, le « disque solaire ». Après avoir participé activement aux affaires politiques du royaume, elle passe la fin de sa vie dans son palais d’Akhetaton, la nouvelle capitale créée par le pharaon hérétique. Son buste, découvert par l'archéologue Ludwig Borchardt en 1912, est avec le masque de Toutânkhamon un des chefs d'œuvre de l’art antique. Exposé au musée de Berlin depuis 1925, ce beau visage ne cesse de fasciner les visiteurs et amateurs d’art. Voici l'histoire de la reine Néfertiti et de son célèbre buste.

 

Néfertiti : la belle est venue

De par son nom, qui signifie « la belle est venue », on a longtemps pensé que Néfertiti était une princesse venue d’Asie mineure, plus précisément du Mitanni. La chose était plausible. Le père du futur pharaon Akhenaton, Amenhotep III, était à l’origine d’une intense activité diplomatique, notamment avec ce petit royaume, et avait déjà pris pour épouse secondaire une des filles du monarque local. Sous la XVIIIe dynastie, l’Egypte était alors à l’apogée de sa puissance et de sa prospérité, rayonnant sans partage sur le monde antique. Son monarque entretenait cette période de paix en couvrant d’or les rois voisins, et en maniant habilement les mariages diplomatiques.

La majorité des égyptologues actuels pense que Néfertiti, malgré son nom ambigu, provient en fait de l’entourage royal égyptien. S’il est exclu qu'elle soit de sang royal, car elle ne porte aucun titre permettant de l’avancer, elle pourrait néanmoins être une des filles d’un haut dignitaire du régime et le nom de Aÿ, qui montera sur le trône à la mort de Toutankhamon, est souvent avancé. Dans les textes de la tombe d’Aÿ, son épouse Tiyi II (à ne pas confondre avec Tiyi, la grande épouse royale d’Amenhotep III) est désignée comme la « nourrice » de Néfertiti, c’est-à-dire sa préceptrice. La théorie qui a cours avance que Néfertiti serait la fille d’une première épouse d’Aÿ. Celle-ci étant décédée, sa seconde épouse Tiyi aurait pris le relais et assuré son éducation.

Néfertiti est donc probablement née à Akhmîn, chef-lieu du IXe nome de Haute-Egypte (à 120 km au nord de Thèbes). Elle est née vers 1370 av. J.-C. et son nom de naissance est Néfer Néferou Aton : « Belle dans la beauté d’Aton », le dieu solaire dont son futur époux imposera le culte exclusif. Il est assez étrange de trouver un tel nom à cette date {Néfer Néferou Amon aurait semblé plus conforme à l’orthodoxie religieuse encore en vigueur au moment de sa naissance) et il est raisonnable de penser qu’il s’agit d’un nom de naissance donné a posteriori.

On ne connaît rien des jeunes années de Néfertiti, mais il est facile de penser quelles se sont déroulées dans une certaine insouciance. Issue d’une puissante famille d’Akhmîn associée au pouvoir et à la « conspiration » anti-amonienne, a-t-elle été initiée au rôle qui allait être le sien ? Il est bien difficile de répondre à cette question. Néfertiti devient la grande épouse royale d'Amenhotep IV en l’an 3 ou au début de l’an 4 de son règne. La première dame d’Égypte a alors vingt ans et il est permis de supposer que sa beauté est resplendissante.

Néfertiti au coeur de la révolution Amarnienne

La nouvelle reine va rapidement jouer un rôle très important dans la « révolution » religieuse menée par son époux. Le couple royal, représenté comme étant très amoureux, est en effet à l’origine d’un bouleversement religieux, le mono culte d’Aton, le disque solaire. Le père d’Akhenaton avait déjà commencé à s’intéresser à ce dieu secondaire, et son fils, un peu mégalo et un brin illuminé, va en faire la seule religion du pays, avec l’appui de sa belle. Installés dans une nouvelle capitale, Akhetaton (Amarna), Néfertiti et Akhenaton deviennent les pivots de ce nouveau culte.

Un culte qui va prendre plusieurs aspects inhabituels sous l’Egypte antique. La liturgie officielle va se concentrer uniquement sur le couple et la famille royale. Baignants dans les rayons du disque solaire, le roi et la reine sont représentés sur les stèles à égalité avec la divinité céleste. Ces représentations ne se limitent pas aux cérémonies officielles et religieuses. Le couple royal et ses enfants apparaissent aussi dans des scènes touchantes de la vie quotidienne. La vie privée du pharaon devenue ritualisée, se confond alors avec sa vie publique et fait office de cérémonial religieux.

Ces scènes souvent sensuelles et passionnelles se doublent d’une évolution artistique atypique pour l’époque. Les formes deviennent outrancières et exagérées, à tel point qu’il est parfois difficile de différencier le roi de sa belle épouse. Il s’agissait probablement de distinguer le commun des mortels du couple royal, seul habilité à honorer le dieu Aton. Profitant d’une large liberté en la matière, les artistes de l’époque s’en sont donné à cœur joie pour sortir de l’art officiel classique très convenu, ce qui a donné naissance à un éphémère art baroque amarnien.

Le rôle politique et religieux de la reine

Néfertiti, épouse royale omniprésente dans les représentations officielles, a très certainement joué un rôle de premier plan au côté de son époux, voire peut-être exercé une co-régence.  Certaines représentations de Néfertiti la font paraître seule, dans une posture et avec des attributs habituellement réservés aux pharaons. Aux côtés d’Akhenaton, elle participe pleinement au développement de la nouvelle religion et disposera de son propre palais à Amarna. Sa fin reste elle aussi un mystère. Vers l’an XIV du règne de son époux, elle disparaît brusquement de la scène publique. A-t-elle été emportée par une épidémie comme plusieurs de ses filles ? A-t-elle finie disgraciée recluse dans son palais ? Est-elle devenue brièvement pharaon sous un nouveau nom à la fin du règne d’Akhenaton ? Le doute persiste.

La révolution religieuse initiée par le couple royal ne s’est pas faite sans heurter profondément un pays aux mille divinités. D’ailleurs, le nouveau culte ne leur survivra pas. Dès la disparition d’Akhenaton et Néfertiti, leur capitale est rapidement abandonnée et les successeurs du pharaon hérétique, à commencer par Toutankhamon, se feront fort d’effacer toute trace de cette période honnie. Les monuments sont martelés, les stèles détruites, les statues renversés avec autant de zèle que celui qui aura été déployé par Akhenaton pour tenter de faire disparaître les divinités de l' Égypte ancienne.

La découverte du buste de Néfertiti

Néfertiti aurait donc très bien pu disparaître avec son mari dans les oubliettes de l’histoire. Mais un buste oublié dans l’atelier d’un sculpteur égyptien va faire réapparaitre la reine à la lumière du jour. L’Egypte est en effet depuis plus de deux siècles un véritable paradis pour les archéologues comme pour les chercheurs de trésors enfouis. Il suffit de donner un coup de pioche dans le sable pour y trouver des merveilles.

En 1912, l’archéologue Ludwig Borchardt mène une campagne de fouilles sur le site d' El Amarna, dont les vestiges sont sortis de l’ombre depuis le passage de Bonaparte en Egypte. L’attention de l’équipe allemande se porte sur l’atelier d’un important sculpteur de la capitale d’Akhenaton et Néfertiti, Thoutmosis, possible artiste officiel de la cour royale. De nombreux objets d’art, principalement dédiés au pharaon hérétique ont déjà été mis à jour, jusqu’à la découverte du fameux buste. 

Dans l’atelier du sculpteur, l'archéologue fait une découverte sensationnelle :  un buste polychrome d’une beauté sans égale. Il s’agit d’une reine, rapidement identifiée comme étant Néfertiti, épouse principale du célèbre pharaon hérétique Amenhotep IV Akhenaton. Un buste qui allait forger la célébrité de cette reine, sur laquelle plane bien des mystères.

Cette œuvre d’art d’une valeur inestimable se trouvait dans un état de conservation presque parfait. Seules les oreilles étaient légèrement endommagées, et l’intérieur de l’œil gauche était manquant. L’équipe allemande se mit en quête de l’œil manquant, pour finir pour convenir qu’il n’avait jamais existé. Cette omission est une énigme qui n’a pas fini de faire couler de l’encre. Après de nombreuses spéculations plus ou moins farfelues, on retiendra deux hypothèses : soit il s’agit tout simplement d’une œuvre inachevée, soit le buste est antérieur à la période amarnienne et aurait servi à l’artiste de modèle pour d’autres réalisations.

C’est d’ailleurs cette dernière piste qui est privilégiée. Les traits émaciés de la reine correspondent plus aux canons artistiques traditionnels qu’à la mode amarnienne, volontiers outrancière. Quoiqu’il en soit, il s’agit d’une pure merveille. L’originalité de la couronne, qui confirme un statut quasi équivalent à celui d’un pharaon, la perfection et la régularité des traits, font de cette œuvre un symbole de la beauté antique. Le public et les spécialistes ne s’y trompent pas : la coïncidence entre les canons de beauté actuels et le modèle antique et la qualité de l’œuvre en font rapidement un objet d’art universellement connu. Un simple sculpteur a fait bien plus pour la postérité de Néfertiti que tous les chamboulements initiés vainement par son illuminé de mari.

Une reine mystérieuse et pourtant si populaire

C’est donc surtout grâce à ce buste que Néfertiti est si popu­laire. Pourtant, certaines rumeurs avancent qu’il pourrait être un faux... Que dire au sujet de cette reine de légende ? On connaît mal ses origines. On sait seulement qu'elle a joué un rôle important aux côtés de son époux, dans le cadre de la réforme religieuse du culte d’Aton. On a aucune certi­tude sur ce qu'elle est réellement devenue : est-elle morte avant Akhenaton ou lui a-t-elle succédé ? Le débat reste ouvert. Sa tombe, sa momie, son mobilier funéraire n’ont jamais été retrouvés et seule cette découverte permettrait de lever les zones d’ombres sur la vie de cette reine.

Bibliographie

- Néfertiti : biographie, de Violaine Vanoyeke. L'Harmattan, 2019.

Akhénaton et Néfertiti - Trop près du soleil, de Philippe Martinez. Ellipses, février 2020.

 

Poursuivez votre lecture avec nos autres articles sur le même thème