Anne de Kiev, une veuve très convoitée !
Après le décès de son époux, Anne de Kiev se retire au château de Senlis avec son fils philippe, sacré roi à l'âge de huit ans. Libérée des contraintes politiques par la régence de Baudoin, beau-frère d'Henri 1er, Anne peut se consacrer aux plaisirs de la chasse et des mondanités. Très courtisée -elle n'avait que 35 ans- sa beauté était incomparable. Ses charmes lui valaient de nombreux admirateurs, dont le comte Raoul de Crepy, un puissant seigneur de France. Un long et ardent baiser près d'une fontaine, lors d'une promenade, scella leur amour. Seule ombre au tableau, le comte était marié !
Qu'à cela ne tienne, Raoul sitôt rentré chez lui congédia son infortunée épouse sous prétexte d'adultère, et l'envoya dans un couvent. Libre, il se précipita à Senlis, s'empara de la reine qui cueillait des fleurs en plein champ, la mit sur son cheval et l'enleva comme s'il s'agissait d'une simple bergère ! Parvenu à Crépy-en-Valois, Raoul trouva un prêtre qui les maria aussitôt.
Cet enlèvement et cette union causèrent un grand scandale dans le royaume. Tous furent indignés par la conduite de la reine -qui avait encore des enfants en bas âge- fuyant avec un homme au demeurant marié. Anne fut déclarée coupable d'adultère, 3 ans après la mort de son époux Henri 1er.
Les deux amants, indifférents au tumulte qu'ils avaient créé, ne songeait qu'à donner libre cours à leur passion amoureuse. Mais l'épouse répudiée de Raoul, apprenant ce mariage, pris la fuite de son couvent pour se rendre à Rome auprès du Pape Alexandre II et plaider sa cause, arguant de sa fidélité à son époux, et le suppliant d'intervenir. Le pape, ému par tant de détresse et de sincérité, ordonna une enquête, qui fut conduite par l'évêque de Reims.
Un couple rebelle et un exemple d'amour courtois
L'évêque conclut rapidement à la bonne foi de l'infortunée, et il fut ordonné à Raoul de Crépy de se séparer de la reine et de reprendre son épouse légitime. Raoul refusa catégoriquement d'obtempérer et la sanction fut immédiate, le fougueux comte étant excommunié et son mariage avec Anne annulé.
Cette sentence n'eut aucun effet sur les deux amants. Bravant les foudres de l'Église, Anne et Raoul restèrent unis envers et contre tous. Ils montrèrent une telle détermination à assumer leur amour, parcourant le royaume sans se cacher et sans montrer le moindre remords, que l'on finit par admettre leur union. Même le roi Philippe, qui s'était brouillé avec sa mère, finit par se réconciler avec le couple rebelle.
Quand le comte mourut en 1074, la reine, malgré son chagrin, reprit place à la cour. Son fils lui rendit son titre de reine-mère sans toutefois pouvoir participer aux affaires de l'État. Elle rejoignit dans la mort son amant deux ans plus tard, et fut probablement inhumée à l'abbaye de Villiers. L'histoire chevaleresque de ce couple hors du commun, bravant les interdits de l'époque, est un exemple rare de modernité en ces rudes temps médiévaux.
Pour aller plus loin
- Anne de Kiev, reine de France, de Jacqueline Dauxois. Presse de la renaissance, 2003.
- Anne de Kiev, de Philippe Delorme. Lexio, 2022.