Les caractéristiques de l’office sous l'Ancien Régime
Les offices couvrent de fait un large spectre de fonctions diverses, afin d’administrer au mieux le royaume. On trouve ainsi des offices de judicature, de finance, liés à la Maison Royale, aux Parlements, bref : un ensemble diversifié qui, de plus, ne confère pas forcément la même dignité. Les offices de judicature ont un prestige plus important que ceux de finance. Quand ils correspondent à de très hautes fonctions, les offices peuvent donner accès à la noblesse.
Le rôle de l’office est à mettre en parallèle avec le développement et la modernisation de l’Etat, dans laquelle le roi cherche à renforcer son emprise sur le territoire. La monarchie constitue alors en office de plus en plus de fonctions publiques en une trame complexe, qui couvre peu à peu tout le royaume, à tous les niveaux administratifs. Les officiers sont donc les fonctionnaires de l’époque, et avec les progrès de l’Etat, leur nombre augmente de façon considérable. De 4000 en 1515 à l’avènement de François Ier, ils sont plus de 50 000 en 1771 sous Louis XV.
Cette croissance du nombre des officiers est aussi liée à une autre caractéristique : la vénalité et l’hérédité des offices, dimension importante qui se met en place progressivement au XVIème siècle. Ainsi aux XVII et XVIIIème siècle, les offices sont constitués de charges vénales et transmissibles. Dans les faits, l’officier qui est nommé prête serment et paie le droit du marc d’or. Il exerce alors une fonction permanente. Ainsi, même si c’est le roi qui crée l’office et le distribue, une fois qu’il l’a concédé, l’office ne devient vacant que si son titulaire décède ou s’il le résigne, retombant ainsi dans l’escarcelle royale. Ainsi l’officier est propriétaire de son office mais la fonction qu’il représente reste entre les mains du monarque. Mais progressivement, les officiers deviennent inamovibles. Dès le XVIIème siècle, au début de chaque règne, tous les officiers sont confirmés dans leur charge, à laquelle sont attachés des revenus fixes (les gages) ou variables (les épices).
En théorie, le roi concède gratuitement les offices. Cependant, l’usage veut, dès le bas Moyen Age, que le bénéficiaire d’un office prête une certaine somme au souverain, en signe de reconnaissance, les gages perçus constituant l’intérêt du prêt, ce qui débouche progressivement sur la vénalité des offices. On devient propriétaire d’un office moyennant le versement de la somme qui correspond à la finance de l’office, considérée comme un prêt perpétuel à la monarchie. Ainsi, de plus en plus le roi vend des offices à des particuliers, et un commerce spécifique se met en place entre particulier. Pour capter des subsides sur ce marché, la monarchie instaure en 1522 le Bureau des Parties Casuelles.
Sous Henri IV en 1604, par l’édit de la Paulette (de Charles Paulet), les offices deviennent héréditaires. Moyennant le versement d’une taxe annuelle de 1/60 de la valeur de l’office, son titulaire peut transmettre sa charge sans qu’intervienne la clause des 40 jours. Désormais, les offices sont vénaux et héréditaires, et les conséquences sont multiples.
Evolutions des offices aux XVII et XVIIIème siècle
La Paulette est un grand succès. Les offices se multiplient pour répondre aux besoins d’administration du royaume, mais aussi parcequ’ils représentent une manne fiscale non négligeable, permettant de drainer des fonds importants vers les caisses du royaume : environ 45% des recettes fiscales entre 1600 et 1633. Cette politique représente un bon expédient lors des périodes de crises ou de guerres. Ainsi le roi multiplie dédouble les offices : les titulaires de charges déjà existantes rachètent celles qui sont créées afin d’éviter de partager leur fonction et maintenir leur position. Le roi profite du renouvellement annuel pour imposer une augmentation des gages, obligeant l’officier à verser une somme supplémentaire pour percevoir ces gages.
La création d’offices va bon train et les autorités font preuve d’imagination : on crée par exemple des offices de relieur-botteleur de foin, inspecteur-visiteur des beurres, fromages et bières entrant dans Paris. La dimension financière des offices est d’autant plus importante qu’ils sont souvent assortis de privilèges. Ainsi l’instauration de la Paulette entraîne une hausse importante des prix des offices, généralement ils sont multipliés par 5 entre la fin du XVIème et 1635. Une forte spéculation se met en place, et l’Etat laisse faire car il y trouve son compte. Ce n’est qu’en 1665 que Colbert y met fin et fixe des prix plafonds.
La diversité des offices et leur valeur entraîne un attachement des officiers à leurs offices, qui tiennent à préserver leur capital, les revenus, les privilèges, le prestige et les prérogatives qui y sont liés, les assimilant volontiers à la défense de l’intérêt général. Cela permet au roi de jouer sur la volonté de promotion sociale des officiers voulant se distinguer, signe d’une dynamique sociale efficace. Mais le roi souhaite avoir des serviteurs sous sa coupe directe : il s’entoure alors de commissaires, qu’il nomme et peut révoquer quand bon lui semble, afin de contrebalancer l’indépendance des officiers. Il bénéficie là de serviteurs zélés car dans une situation précaire : leur maintien ne dépend que de la volonté royale. De là de nombreux conflits de préséance et des tensions permanentes entre commissaires et officiers.
Néanmoins, le marché des offices reste abondant et correspond aux besoins du royaume. Les prix vont de quelques milliers de livres pour une charge modeste, à un million pour des charges prestigieuses. Les offices bénéficient toujours d’un grand prestige, d’autant que certaines charges permettent d’accéder à la noblesse rapidement, comme par exemple un office de Conseiller secrétaire du roi, surnommée « la savonnette à vilain » car elle permet de se décrasser de sa roture en une génération.
Hiérarchie des officiers
A la base, on trouve la masse des petits officiers subalternes, exerçant des charges correspondant à la multitude des petits métiers de la France d’Ancien Régime, qui constituent l’armature administrative du royaume et fonde la prépondérance de la petite notabilité locale. Ces offices, malgré les faibles revenus qu’ils procurent, restent souvent plusieurs générations dans la même famille. Ils permettent de sortir leur titulaire de l’anonymat et servent parfois de point de départ pour une autre carrière.
Au sommet, on trouve le petit monde de la haute robe de ceux qui détiennent les offices supérieurs de judicature, anoblissant en une ou deux générations, jouissant d’un grand prestige. Les charges de finance sont moins bien considérées et anoblissent plus lentement. Une dizaine de villes anoblissent leur échevinage (plus ou moins équivalent à notre conseil municipal actuel) comme à Paris, Toulouse, Tours, Angers… Cela conduit à l’émergence d’une noblesse parlementaire qui mène sa carrière selon un « cursus honorum » au cadre bien organisé mais qui peut varier d’une ville à l’autre. En plus des droits à s’acquitter, il y a des limites d’âge à certaines fonctions. Théoriquement les étrangers ne sont pas admis, mais certaines villes comme Rouen en acceptent 50%. Il faut être de bonne vie et de bonne mœurs, mais de nombreuses exemptions interviennent.
Au milieu, ce sont les officiers « moyens », très nombreux, qui occupent des positions médianes dans les bureaux de finance, les greniers à sel, les baillages et sénéchaussées, dans les villes dépourvues de parlement. Ils ne sont pas nobles et leurs charges n’anoblissent pas. On les trouve dans l’élite urbaine et provinciale, qui profite de la baisse des prix des charges pour pénétrer le monde des offices. C’est donc un groupe relativement nouveau, s’appuyant sur ses compétences pour se forger une identité propre en valorisant leur ancrage provincial, se constituant souvent des petites fortunes tout au long d’une vie laborieuse.
Sources
- Dictionnaire de l'Ancien Régime de Lucien Belly. Puf, 2009.
- Absolutisme et Lumières de Joël Cornette. Hachette supérieur, 2008.