Le Code noir de 1685

Histoire de France | D'Henri IV au Grand Siècle

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Vu comme le symbole de la traite atlantique et de Louis XIV, le Code noir (ou « édit sur la police des esclaves »), établi par Colbert et qui comporte soixante articles, visait à fixer le statut juridique des esclaves dans les Antilles françaises. Il est promulgué en 1685, la même année que la révocation de l’Edit de Nantes, sous le règne de Louis XIV, deux ans après la mort de son principal ministre. D’autres textes s’en inspirant seront ajoutés pour d’autres colonies, et l’on devrait ainsi parler plutôt de Codes noirs.

 

Le contexte du Code noir

C’est principalement dans la première moitié du XVIIe siècle que la France entre dans la traite et commence à utiliser massivement des esclaves pour les plantations dans ses colonies antillaises. Elle est alors en concurrence avec ses rivaux européens, comme l’Espagne ou les Pays-Bas, mais surtout l’Angleterre. L’enjeu principal est la culture de la canne à sucre. Le Code noir a pour but de réglementer un trafic jusque là en grande partie illégal, et de régler le statut des esclaves dans les colonies, le tout pour un meilleur contrôle des activités et du commerce triangulaire, et ainsi une meilleure résistance face à la concurrence.

Il faut toutefois noter que l’esclavage est déjà contesté en métropole, et même normalement interdit depuis le Moyen Âge. Le Code n’est d’ailleurs pas enregistré au Parlement de Paris. En revanche, pour les colonies, l’esclavage est toléré pour « le bien de l’ordre public » !

En 1680, dans les Antilles françaises, le nombre d'esclaves devient légèrement supérieur au nombre d’immigrés français. Il devient alors urgent de légiférer sur le statut juridique des esclaves. C’est dans ce contexte que Colbert élabore son fameux Code noir, composé de soixante articles.

Quel est le but du code noir de 1685 ?

Cet « édit sur la police des esclaves » est en grande partie inspiré de ce qui se passe déjà dans les colonies dès les années 1660. En 1681, Louis XIV demande un rapport au gouverneur général des Îles d’Amérique, Blénac. Les réponses de ce dernier inspirent deux mémoires en 1682 et 1683, qui eux-mêmes conduisent Colbert à rédiger l’édit de 1685 portant sur la police des esclaves. Celui-ci donne donc un cadre juridique à des pratiques déjà courantes dans les colonies françaises.

Mais l’édit de mars 1685 ne concerne à la base que les Antilles, et inspire par la suite d’autres règlements appliqués dans les autres colonies de la fin du XVIIe siècle au début du XVIIIe.

A l’image des différentes positions des papes vis-à-vis de la traite et de l’esclavage, le Code noir est contradictoire : si, en métropole, un chrétien ne peut être esclave, dans les colonies les esclaves doivent être baptisés et instruits (article 2)…ce qui ne les affranchit pas pour autant. On a donc des chrétiens esclaves (ou des esclaves chrétiens). Ces esclaves ne doivent pas travailler le dimanche, et les ventes sont interdites également ce jour. Les esclaves peuvent se marier, seulement avec accord du maître (article 10), qui ne peut leur imposer un mariage (article 11).

Mieux, le Code noir fait en sorte que seule l’Eglise catholique s’occupe de l’esclavage dans les colonies, en excluant les Juifs des îles et en interdisant aux Protestants le culte public (articles 1 à 8), dans la logique de la révocation de l’Edit de Nantes.

Le maître et son esclave

L’article 44 déclare « les esclaves être meubles », mais les maîtres ont sur eux des droits, et des devoirs. Outre l’obligation de les baptiser et de les instruire, ils doivent les nourrir convenablement (article 22), les vêtir (article 25) et s’occuper des esclaves âgés ou malades (article 27). En revanche, du côté des sanctions, les maîtres ont un large éventail de possibilités et, en plus de la « chosification » des esclaves (qui entraîne l’absence de droits comme la propriété, évidemment), c’est bien l’aspect disciplinaire qui est le plus violent dans le Code noir. 

Les châtiments corporels de toute sorte sont réglementés : Un esclave peut être enchaîné, battu, marqué d'une fleur de lys avec un fer blanc, avoir les oreilles coupées, être puni de mort... pour de nombreuses raisons, comme la tentative de fuite, le fait d’avoir frappé son maître, le vol,…Si l’article 43 encadre ces punitions et est censé punir les maîtres excessifs, l’application réelle pose question. Les affranchissements sont permis, mais strictement encadrés également.

Les évolutions du Code noir

Appliqué d’abord aux Antilles, le Code noir amendé touche Saint-Domingue en 1687, la Guyane en 1704, les îles Maurice et de La Réunion en 1723, la Guyane en 1724. Cette même année, certaines mesures sont aggravées : les mariages mixtes sont interdits, les affranchissements rendus plus difficiles. En revanche, le règne de Louis XVI voit un certain assouplissement, et surtout un contrôle plus strict des agissements des maîtres. Car si le Code de 1685 donne une idée de la situation des esclaves, il n’est qu’un texte juridique et ne peut en rien nous renseigner sur la réalité –souvent plus violente encore- de leur condition. 

Le 4 février 1794, la Convention nationale « déclare que l’esclavage des nègres dans toutes les colonies est aboli ». Cette décision n’a cependant que peu d’effet concret. Et, dès 1802, le Premier Consul Bonaparte décrète que « l’esclavage sera maintenu [et la traite des noirs et leur importation dans les colonies auront lieu], conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789 », donc au Code noir.  Ce texte, qui sera copié par l'Espagne, ne sera aboli en France qu'en 1848.

Bibliographie 

- F. Régent, La France et ses esclaves. De la colonisation aux abolitions (1620-1848), Pluriel, 2009.

- Le Code noir: Et autres textes de lois sur l'esclavage. Sépia, 2016.

- Codes Noirs. De l’esclavage aux abolitions (introduction C. Taubira), Dalloz, 2006.

 

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