Histoire du café en France

Histoire de France | Histoire générale

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Le café que nous prenons le matin pour se réveiller, le petit noir pris au comptoir, celui de l’après midi avec des amis, mis près de cent ans à s’implanter définitivement en France, face aux détracteurs. Heureusement qu’il avait de nombreux défenseurs qui permirent la création d’établissement « les Cafés » proposant la boisson et les instruments nécessaires à sa dégustation. Mais comment est-il arrivé en France ? Comment fut-il accueilli ?

 

L’introduction du café à la Cour

Nous sommes en 1644 à Marseille, lorsqu’un négociant revenant de Constantinople, rapporte du café et tous les accessoires nécessaires à sa préparation et à sa dégustation. Plus tard vers 1660, des balles de café sont importées d’Egypte et bientôt le café est bu jusqu’à Lyon. A Paris, il fait réellement son apparition grâce à la publication des cahiers de voyage de Jean de Thévenot dans le Levant en 1664.

Mais c’est surtout en juillet 1669 que le café est présenté dans la belle société et à la Cour. Le sultan Mehmet IV se sentant menacé par les autrichiens, envoie un ambassadeur auprès de Louis XIV pour renouer l’alliance avec la France et demander son aide. L’ambassadeur Soliman Agha s’installe à Paris pour dix mois, organise des réceptions où il présente et propose une nouvelle boisson peu connue et peu appréciée des français : le café. L’élite de la société se presse chez lui découvrant ce nouveau breuvage, servi cérémonieusement par des serviteurs enrubannés, dans de très délicates tasses en porcelaine de Chine et accompagné de sucre.

Louis XIV est bien entendu informé et se décide à recevoir l’ambassadeur qui lui offre cette boisson. Surpris par ce breuvage noir et d’un goût prononcé, il l’adopte…les courtisans et la Cour, passant leur temps à copier le roi, font de même. Mais le roi s’en lasse au bout de quelques temps, seul son médecin Antoine Daquin le conservera à des fins thérapeutiques, comme excitant par exemple.

Boisson chic et chère (la fève en 1669 valait jusqu’à 80 francs la livre), symbolisant la distinction sociale, la noblesse utilise des quantités de café moka ottoman, meilleur que le café des Iles, servi dans de délicates tasses en porcelaine « façon Levant ou Orient ».

Ce nouveau breuvage reste très en vogue à Versailles où Louis XV, qui apprécie beaucoup cette boisson, fait cultiver des caféiers dans les Jardins de Trianon, les récoltes allant jusqu’à quelques livres ! Il prend plaisir à torréfier sa récolte, à préparer lui-même son café dans les petits appartements, à inviter ses filles le matin et même à se créer une « pièce à café ». La pratique de préparer le café se poursuit au fil du temps à Versailles.

Voltaire en consomme jusqu’à douze tasses par jour et possède une collection de cafetière ; François Boucher, le célèbre artiste, peint « le Déjeuner » en 1739 y représentant un intérieur rococo mais la famille prenant le café.

Le Dauphin Louis, très malade, « conservoit du goût pour le café ». Louis XVI lors de ses déjeuners avec la reine lui vante « sa crème et son café ». Plus tard, pendant son procès en 1793, le roi sera accusé d’avoir gardé pour lui et pour le vendre à Hambourg, des quantités impressionnantes de café, alors que cela manquait cruellement aux français. Pendant la Terreur, le père Carrichon, témoin de l’exécution de la duchesse d’Ayen but du café « pour soulager de terribles maux de tête ».

…et dans les autres régions de France

Dans les années 1720, l’usage du café n’est plus vraiment une mode réservée à l’aristocratie de la Cour et bientôt la noblesse ne sera plus seule à user du café.

La province est « prise » depuis 1715, grâce à un allemand établi « maistre cafetier » sur la route de Paris à Amiens. Il initie la noblesse, le clergé, la bourgeoisie ; les gens de la campagne rejoignant les foires d’Amiens, y goûtent et adoptent cette boisson. L’usage du café arrive aussi par le fait que des serviteurs de Versailles rentrent chez eux et rapportent le café.

Le café s’implante à Bordeaux en 1725, puis remonte vers Paris et beaucoup de couches sociales différentes vont boire du café à partir de 1730.

Vers 1760, selon les inventaires des familles, on constate que 40 % des foyers aristocratiques autour de Saint Sulpice disposaient de cafetières, en 1762 c’est 15% des foyers du faubourg Saint Antoine quartier très populaire qui boivent du café, à la fin du siècle 16 % des foyers de Saint Denis ont leur cafetière en fer blanc.

En 1785, les couches populaires sont séduites et il est d’usage de boire le café entre amis.

Partisans et détracteurs du café

Au départ vers 1645, les détracteurs sont nombreux et les médecins se mettent à dénoncer ce breuvage, estimant et tentant de prouver qu’il procurait des maladies épouvantables jusqu’à faire produire une thèse d’étudiant en médecine expliquant que « le produit était devenu en peu de temps une habitude assez tyrannique, une passion assez violente pour résister à tous les avertissements, même à toutes les persécutions. Nous n’en sommes pas loin que cette boisson, par les qualités qu’on lui attribue, n’abolisse entièrement l’usage du vin ».

Bien que le pape Clément VIII fut obligé par l’Eglise d’interdire le breuvage ottoman « noir comme le diable », il l’avait apprécié et surnommé « la boisson vraiment chrétienne ». Les Hollandais revenant de Batavia en 1714 offrirent un pied de « caffier » à Louis XIV qui le fit installer et cultiver dans les serres du Jardin du roi. Il se plut si bien et se reproduit si abondamment que des plans furent emportés et choyés lors d’expéditions en Martinique, comme le raconte Monsieur de Clieux capitaine d’infanterie vers 1720 « l’eau nous manqua tellement durant cette longue traversée, que pendant plus d’un mois, je fus obligé de partager ma faible portion d’eau avec le pied de café ».

Planté en Martinique, le climat étant adéquat, le café est abondamment récolté, puis expédié vers Saint Domingue et la Guadeloupe avant d’être « exporté » vers la France au XVIII è siècle.

Certains médecins y voient des vertus thérapeutiques. Il empêche de dormir, aide à la digestion et « desenyvre sur le champ ceux qui ne sont pas yvres au dernier degré ; il tient les reins ouverts, aide les maladies spéciales des femmes, dissipe les migraines, est souverain contre les maladies hystériques, la jaunisse, les tumeurs froides, les abcès, les maux de dents ».

Les établissements publics : « les cafés »

Dès 1671, une boutique ouvre à Marseille vendant du café et le matériel nécessaire à sa consommation.

Un an plus tard, un premier commerce de boisson de café, nommé « Café » (nom désignant à la fois le fruit, la boisson et le lieu de vente) est ouvert par un Arménien, près du Louvre. Face aux médecins récalcitrants et donc le peu de clients, l’établissement ferme. Un ancien serveur de ce premier « Café » ouvre à son compte un nouvel établissement en 1686, prenant e nom de « Procope ». Cet endroit deviendra une institution fréquentée par la bonne société, car il est aménagé luxueusement avec lustres en cristal, tables en marbre, tapisseries, miroirs. On y croise La Fontaine, Racine et Voltaire. Plus tard, le Procope accueillera Rousseau, Diderot, d’Alembert, La Fayette qui se retrouveront aussi au café « Le Régence », près du Palais-Royal.

Dans ces endroits fréquentés par la bourgeoisie, on parle des nouvelles, on joue aux échecs. Mais ils deviennent sulfureux, à tel point que Montesquieu aura ces mots en 1721 « cette boisson donne de l’esprit. Si j’étais le souverain, je fermerais les cafés car ceux qui les fréquentent s’y échauffent fâcheusement la cervelle ».

Le « Procope » deviendra un peu plus tard le centre actif de la Révolution française. 

Pour aller plus loin

- Histoire du café, de Frédéric Mauro. Editions Jonqueres, 2002.

- Histoire insolite des cafés parisiens, de Gérard Letailleur. Perrin, 2011.

 

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