Gérald Van Der Kemp passionné par l'art
Gérald Van Der Kemp né en mai 1912 à Charenton-le-Pont, poursuit des études au lycée de Nantes où il se passionne pour la peinture et le dessin. A dix-sept ans il rentre à Paris, et pour survivre fait quelques caricatures pour les journaux, un peu de décors de cinéma et une vague préparation aux Beaux-arts. Après la Légion étrangère au Maroc puis un passage à la Sorbonne, il s'inscrit à l'Ecole du Louvre, obtenant à vingt-quatre ans, sa licence d'archéologie accompagnée de son diplôme. Le directeur des Musées nationaux Henri Verne le convoque et lui propose un titre d'attaché indépendant avec un traitement de 800 francs par mois !
Chargé de mission au Département des Dessins et des Gravures du Louvre en 1936, il se fait remarquer pendant l'Occupation en sauvegardant des objets d'art, en affrontant une division SS pour protéger notamment la Vénus de Milo et les Esclaves de Michel-Ange, transférés à Valençay. Cela lui vaut une magnifique citation et sa nomination dans l'ordre de la Légion d'Honneur à titre militaire : « Par son attitude courageuse, Gérald Van Der Kemp a préservé d'une destruction fatale le dépôt des Musées qui lui était confié et a limité les progrès de l'incendie allumé dans la ville de Valençay par les Allemands de la division nazie Das Reich... ».
Surnommé déjà « VDK », il accède à l'âge de quarante ans, au poste de conservateur en chef « faisant fonctions » à Versailles en 1953 suite à un réel concours de circonstance : son prédécesseur Charles Mauricheau-Beaupré est victime d'un accident de voiture au Canada en avril ; alors que les plus grands conservateurs de France se bousculent pour ce poste, André Cornu le secrétaire d'Etat aux Beaux-arts, le choisit et le nomme définitivement deux ans plus tard.
Il découvre Versailles dans un état presque lamentable : « Lorsque j'y arrivai, c'était dégoutant, vide, mort. J'ai voulu qu'il redevienne vivant, beau à regarder, ce qu'il était au temps des rois. Il fallait le meubler, le vêtir, le dépoussiérer ». Versailles ne fascine plus, mais la chance est avec VDK : Sacha Guitry est en train de tourner entre juillet et septembre 1953, son film « Si Versailles m'était conté » et offre une partie des droits à la sauvegarde du Château de Versailles.
Les missions de Gérald Van Der Kemp
VDK commence par supprimer les visites de Versailles faites par les gardiens pour les remplacer par des visites-conférences organisées par des étudiants ; il installe ensuite un restaurant et des toilettes publiques sous l'aile Gabriel (comme dans les grands musées), ayant le sentiment que l'image de marque d'un établissement culturel tient à sa qualité des services ; il organise sa première grande exposition en 1955 « Marie Antoinette, archiduchesse, dauphine et reine » aidé par la contribution de la baronne Elie de Rothschild. Le résultat ne se fait attendre : plus de 250 000 visiteurs passent.
Ayant acquis une grande notoriété, surnommé « le Commandeur », qualifié d'Homme de la restauration et du remeublement, VDK parvient à reconstituer la chambre de la Reine, dans l'état de 1788-1789 avec tentures, mobiliers, boiseries similaires à cette époque. Il lui faut terminer en beauté ... par la restauration de la Galerie des Glaces. Dès 1973, il prépare cette nouvelle aventure en donnant une soirée éblouissante parrainée par Marie-Hélène de Rothschild. Il réunit ainsi 250 000 dollars, le début d'un mécénat extraordinaire. La Galerie des Glaces rendue à sa splendeur d'origine est inaugurée en juin 1980.
L'appui des hommes politiques et le mécénat
Après quelques malentendus avec l'architecte en chef André Japy pourtant à la retraite, VDK sait qu'il lui faut des appuis politiques et des « oreilles » à l'écoute, car sans relations, pas de crédits pour restaurer les lieux. Ainsi il peut compter sur André Malraux ministre des Affaires culturelles qui organise le rapatriement d'un chef d'œuvre du Louvre à Versailles.
Il développe le mécénat grâce à ses propres relations et sa seconde épouse, se rendant en Europe et en Amérique pour trouver des généreux bienfaiteurs. Il organise lui-même des diners somptueux accueillant Grace Kelly ou encore Herbert Von Karajan. Elu à l'Académie des Beaux Arts en 1968, affecté en 1980 au domaine de Claude Monet à Giverny, il disparait fin décembre 2001 à Paris.
Les hommages au très grand conservateur en chef
De grandes personnalités lui rendent hommage après sa mort, notamment Marc Ladreit de Lacharrière élu en 2006 à l'ancien siège de Gérald Van Der Kemp qui dit « On ne peut faire un pas à Versailles sans y voir l'empreinte de son passage ». Alain Baraton jardinier en chef de Versailles s'exprime « Quiconque connaît l'histoire de Versailles sait qu'on lui doit notamment la restauration de la chambre de la Reine ainsi que la restitution des meubles, dont le bureau du Roi, chefs d'œuvre d'ébénisterie du 18è siècle, dispersés ça et là dans les ministères selon les caprices des républiques et des révolutions ; ce fut le travail de toute la vie de Van Der Kemp : retisser à l'identique les deux soieries des appartements royaux prit respectivement 25 ans pour la chambre de la Reine et 30 pour celle du Roi ».
Gérald Van der Kemp fut un véritable précurseur du mécénat moderne. L'argent public étant rare, il s'est employé avec ardeur et succès à convaincre les grands collectionneurs du monde entier de l'absolu nécessité de soutenir et de financer la restauration de Versailles afin de préserver notre patrimoine. Placé au service exclusif des arts, ce meneur d'hommes élégant, entrainant le respect, énergique, volontaire est resté vingt-sept années à son poste, ayant réussi à faire du château de Versailles une magnifique vitrine des arts décoratifs français, un pôle majeur du patrimoine.
Pour aller plus loin
- Gérald Van Der Kemp, un gentilhomme à Versailles , de Franck Ferrand. Edtions Perrin, 2005.