Richard Ier sans Peur, duc de Normandie (943-996)

Histoire de France | Des Carolingiens aux Capétiens

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Le duc Richard Ier de Normandie (932-996), à qui ses contemporains ont donné le surnom de « sans Peur » est relégué dans la mémoire populaire au profit d'autres personnalités issues de la même dynastie, son grand-père Rollon ou son arrière-petit-fils Guillaume le Conquérant... Et pourtant, Richard Ier, maître de la Normandie de 943 à 996 ap. J.C, apparaît comme une figure majeure de l'histoire du duché de Normandie et du royaume de France. L'historien François Neveux écrit : « le principat de Richard Ier fut une période d'affermissement et de consolidation qui dura un demi-siècle, soit deux générations. C'est au cours de cette époque que la Normandie se forma véritablement, qu'elle acquit sa personnalité originale et ses caractères spécifiques, se distinguant aussitôt des autres principautés du royaume en voie de formation ».

 

Une ascension à la dignité ducale de Richard Ier

Les sources sont relativement pauvres sur les premières années de Richard. On sait qu'il nait vers 930 et se fait baptisé par l'évêque Henri de Bayeux_. Quelques traits physiques de sa personne transparaissent dans la Chronique ascendante du Roman de Rou dans laquelle Wace écrit au vers 236 « Cheveleüre out bloie (blond) mez rousor (roux) troubla », qui souligne les origines scandinaves du duc en rappelant cette particularité capillaire des descendants de vikings à tirer sur le blond et le roux. Dudon de Saint-Quentin écrit qu'il est « remarquable par ses sourcils et l'éclat de son regard, possédant un nez et des joues superbes, une longue barbe blanche, il était d'une taille élevée... ». Un bel homme en somme et un fier normand.

Quelques temps avant de mourir, le duc Guillaume Longue-Épée fait associer son fils à sa couronne, dans la tradition féodale qui vise à enraciner la dynastie régnante, en le faisant reconnaître devant tous ses barons réunis en assemblée à Fécamp : « Il sera après moi votre prochain seigneur. Je vous demande de lui prêter dés aujourd'hui serment de fidélité » ; avis favorable des vassaux qui jurent de reconnaître Richard comme héritier légitime au duché. Afin de parfaire son éducation et de le maintenir dans la tradition de ses ancêtres, Guillaume le confie à un de ses vassaux, Bothon, un ancien compagnon de Rollon, qui le conduit à Bayeux pour qu'il apprivoise le norrois, la rugueuse langue des peuples scandinaves encore parlée dans le nord du duché. « Ricard sur en daneiz (danois) et en normant parler », apprentissage dont il tire les bénéfices plus tard en appelant ses « cousins », les vikings du roi Harald, à la rescousse dans ses démêlés avec le roi de France.

En décembre 942, Guillaume Longue-Épée est assassiné dans des circonstances obscures à Picquigny (cf. article en ligne de Joëlle Delacroix sur le duc Guillaume). Unique héritier mâle du duc, Richard hérite du titre et des terres de son père alors qu'il est seulement âgé de 10 ou 11 ans. Pendant qu'il se rend à Rouen pour assister aux obsèques, un conseil de régence se réunit. Le serment d'hommage au jeune Richard est confirmé par tous les barons qui le reconnaissent Jarl des Normands et comte de Rouen. Celui-ci reçoit de l'archevêque de Rouen le cercle ducal, le manteau et l'épée, les insignes du duc. Bernard le Danois, un ancien compagnon de Rollon, préside un conseil de régence tandis qu'Osmond de Cent-villes s'occupe de l'éducation du jeune duc.

Le roi de France, Louis IV d'Outremer (920-954) est le suzerain des ducs de Normandie. En tant que tel, son devoir théorique est de châtier le meurtrier de son vassal Guillaume. Ambitieux, il préfère se laisser convaincre, notamment par le comte de Flandre qui est impliqué dans l'assassinat, que le moment est propice pour mettre fin au pouvoir grandissant des normands. Il se rend en Normandie sous prétexte de venger la mort de Guillaume et rencontre Richard qu'il accueille dans ses appartements. Le roi de France déclare vouloir traiter le petit duc comme son propre fils et se propose de l'emmener à Laon pour qu'il reçoive un enseignement digne de son rang. Le fait qu'un mineur aille à la cour de son suzerain pour parfaire son éducation n'a rien d'extravagant et Richard s'en va pour Laon, accompagné de son tuteur, Osmond de Saint Quentin.

La bienveillance paternaliste du roi de France est feinte et Guillaume se voit ''enfermer'' dans Laon. Il lui est interdit de sortir de la ville et alors qu'il se rend à une partie de chasse, Louis IV le convoque et le traite de fils de putain (metrecis filium), le menaçant de lui crever les yeux et de lui brûler les jarrets au fer rouge en cas de récidive, mesure qui annihilerait toute ses chances de pouvoir remplir ses fonctions de duc dans le futur. Malgré une surveillance accrue sur la personne du jeune duc, Osmond de Cent-Ville parvient à faire évader son pupille en se déguisant en palefrenier et, alors que l'attention des gardes s'est relâchée, à cacher Richard dans une botte de foin qu'il porte sur ses épaules pour le conduire aux écuries. Ils s'enfuient ensemble jusqu'au château de Senlis, tenu par l'oncle de Richard, le comte Bernard.

Le comte de Flandre convainc alors le roi de France d'engager une action guerrière contre les normands en s'alliant au duc de France et comte de Paris Hugues le Grand, fils du roi Robert Ier de France. A l'issue de cette conquête que tous pensent rapide et facile, la Normandie serait partagée entre les trois seigneurs. Hugues s'attaque au Bessin et fait le siège de Bayeux pendant que l'ost royal se dirige dans le même temps vers le pays de Caux.

Incapable de contre-attaquer face à cette coalition, Bernard le Danois et les seigneurs normands imaginent un stratagème. Ils jurent serment de vassalité au roi de France pour le faire renoncer à s'en prendre militairement au duché, lui présentant comme déjà acquis à son pouvoir. Le roi se rend à Rouen où les normands lui expliquent le danger que représente les troupes d'Hugues le Grand, et le partage qu'il a conclu avec lui comme étant en sa défaveur : « Sire vous pourriez avoir en paix toute la Normandie, mais pourquoi prendre la terre (...) pour la donner (au comte de Paris)? ». Le roi dépêche un messager à Hugues pour lui annoncer que la paix a été signée et qu'il doit retourner sur ses terres sous trois jours. Désireux de se venger, ce dernier conclut une alliance de principe avec les normands qui dans le même temps appellent le roi du Danemark, Harald « à la Dent Bleue », pour qu'il dépêche des troupes en Normandie soutenir militairement le duc Richard.

Inquiété de cette alliance, le roi de France retourne en Normandie avec son armée, accompagné d'Herluin de Montreuil, l'instigateur pour certains de l'assassinat du duc Guillaume. Le 13 juillet 945 a lieu une bataille dans les Salines de Corbon au cours de laquelle Herluin est tué et le roi de France fait prisonnier par les troupes normandes. Ce dernier n'est libéré qu'après avoir versé une forte rançon, offert ses deux fils Lothaire et Carloman en otages (Carloman meurt durant son emprisonnement) et reconnu Richard, alors âgé de 13 ans comme le véritable duc de Normandie et l'héritier incontesté de son père. Au cours d'une entrevue à Laon entre Richard et Louis IV, ce dernier jure de ne jamais rien tenter contre la Normandie et de ne jamais exiger aucun des services qu'impose normalement l'allégeance, notamment le service de guerre. Richard, reconnaît le roi comme son suzerain, même s'il ne lui doit aucun devoir. Les rapports traditionnels de vassal à suzerain sont inversés et Richard apparaît comme le seul maître en son royaume. Son statut est conforté par l'alliance qu'il scelle avec Hugues le Grand qui lui offre sa fille Emma en mariage. Richard se rend à Paris où il est fait chevalier par son futur beau-père et les fiançailles sont actées.

Un duché sans cesse convoité

Nouvelle alliance et nouvelle méfiance du roi Louis IV qui ne peut que s'inquiéter de voir les deux plus grands seigneurs de son royaume, voisins de surcroit, s'entendre et s'allier. Le comte de Flandre - encore lui - propose au roi d'en appeler à une aide militaire de son beau-frère le roi de Germanie Otton Ier (le frère de sa femme) en proposant de lui céder les droits de suzeraineté qu'il détient sur la Lorraine, sujet de discordes continuelles entre les deux royaumes.

En échange, Otton doit l'aider militairement à conquérir la Normandie. La coalition s'en prend d'abord aux possessions d'Hugues le Grand mais ne parvient pas à prendre Orléans dans laquelle il s'est retranché. Elle se dirige ensuite vers la Normandie, pillant Pontoise et faisant route vers Rouen, la capitale du duché. L'armée coalisée est nombreuse et n'a pas à craindre les troupes normandes sur un champ de bataille, c'est pourquoi l'avant-garde, commandée par le neveu d'Otton prend le risque de s'approcher de Rouen sans attendre le gros des troupes. Les cavaliers normands lui tendent une embuscade, taillent en pièces les chevaliers allemands et tuent le neveu du roi.

Les troupes franco-allemandes font le siège de la ville et tente un assaut qui est repoussé avec beaucoup de pertes. Après plusieurs semaines où la situation n'évolue pas, Otton demande au duc Richard la possibilité de pouvoir se rendre dans la ville pour aller prier sur les reliques de Saint-Ouen, peut-être dans l'idée de pouvoir juger par lui-même de l'état des défenses et du moral des habitants. Un stratagème en appelant un autre, les normands organisent une mise en scène pour donner au roi l'impression que la ville dispose de ressources abondantes : tout ce que la ville compte en nourriture et denrées est exposé sur le chemin qui mène Otton de la porte de la ville à l'Église où sont conservées les reliques. En revenant au camp, il déclare qu'il lèvera le siège le lendemain car la ville est trop bien préparée et que poursuivre le siège est inutile.

Dans un excès de colère, il menace de livrer le comte de Flandre à Richard parce qu'il estime qu'il l'a trompé en lui promettant une victoire facile. Le comte de Flandre, pas téméraire, est informé de ces paroles et profite de la nuit pour quitter le siège avec ses troupes. La fuite des flamands ne passe pas inaperçue et des rumeurs défaitistes se font entendre dans le camp des assiégeants. Au fur et à mesure de la journée, de plus en plus d'hommes imitent l'armée du comte de Flandre et plient bagages. Les normands, qui voient les troupes se dérober et le camp ennemi désorganisé, font une sortie qui provoque la débâcle des armées restantes. Elles sont poursuivies jusque dans le bois de Maupertuis où l'arrière-garde des fuyards est massacrée. Le retour victorieux du duc Richard à Rouen est triomphale « grant fu la renommée d'un duc qui desconfit deux roiz par sa puissance ».

Quelques temps après, le roi de France meurt des suites d'une mauvaise chute de cheval. Son fils aîné, Lothaire n'a que 14 ans et ne peut pas encore lui succéder. Hugues le Grand qui aurait pu faire valoir ses droits à la couronne préfère se retirer et reçoit en échange la suzeraineté de l'Aquitaine et de la Bourgogne, ainsi que la charge de tuteur de Lothaire. Lui-même meurt deux ans plus tard, le 16 juin 956, nommant le duc de Normandie tuteur de ses trois enfants, et fait confirmer les fiançailles de sa fille Emma avec Richard.

Agé d'environ 25 ans, Richard apparaît comme le maitre incontesté de son royaume, premier vassal du roi de France, fiancé à la fille d'Hugues le Grand. Sa renommée personnelle et la paix qui règne dans son duché attisent la jalousie et la convoitise de ses puissants voisins. Le comte de Chartres et de Blois, Thibaut le Tricheur, vassal d'Hugues le Grand, profite de la mort de celui-ci pour s'émanciper et ne reconnaît pas son fils Hugues Capet comme son seigneur. De même, après la mort du duc de Bretagne Alain Barbetorte, Thibaut et son beau-frère Foulque d'Anjou se partagent la suzeraineté du duché sans prendre en considération la tutelle normande sur le territoire breton.

Thibaut conspire avec le roi de France Lothaire et lui propose une alliance contre le duc de Normandie, prétextant du danger que représente la puissance de son vassal pour sa propre couronne. Une tentative d'assassinat dans laquelle Brunon, l'oncle du roi et archevêque de Cologne propose une entrevue à Richard pour l'attirer dans un guet-apens est découverte et Richard y échappe. Une seconde tentative d'assassinat est mise au point mais celle-ci échoue également.

Une nouvelle coalition composée de l'ost royal, des armées du comte de Flandre, du comte Thibaut et de son beau-frère le duc d'Anjou pénètre rapidement en Normandie mais est repoussée par les troupes normandes. Un grand conseil est réuni à Melun où le ban et l'arrière ban de l'ost royal sont convoqués, et un projet d'invasion de la Normandie planifié. L'armée retourne en Normandie, prend Évreux qui se rend aux troupes royales sans combattre puis se dirige vers Rouen, la principale cible du plan d'invasion. Les troupes campent en lisière de la forêt de l'autre côté du fleuve mais pendant la nuit, les normands traversent la Seine sur des embarcations, prennent par surprise l'armée de Thibaut qui dort encore et la massacre.

La victoire des normands dans la forêt de Rouray leur ouvre la route de la capitale du comte Thibaut, Chartres, qui est prise et brûlée. Le comte appelle à son secours les troupes du comte de Flandre, de l'ost royal, de Geoffroy d'Anjou et celle du comte Rotrou de Perche. Face à cette multitude, Richard envoie un messager au roi du Danemark pour demander son aide. Harald, trop vieux pour entreprendre le voyage, dépêche quarante navires qui prennent le chemin de la Normandie. Les troupes danoises razzient les terres du comte Thibaut et du roi de France. La férocité avec laquelle ils se déchainent est telle que les nobles du royaume critiquent ouvertement le roi d'être la personne à l'origine d'une telle calamité.

En 965, une rencontre à lieu à Saint-Clair-sur-Epte entre Richard, Thibaut et Lothaire au cours de laquelle le duc de Normandie confirme son serment de vassalité envers le roi de France en qui il doit foi et hommage. Le roi s'engage en retour à ne plus jamais prêter main forte aux ennemis du duc et à lui venir en aide si un seigneur s'en prenait à lui. Thibaut se voit accorder la paix en échange de la restitution d'Évreux et de la promesse de ne plus jamais agir contre la Normandie. Jusqu'à la mort de Richard, trente et un ans plus tard, le duché n'est plus menacé par quiconque.

Le duc Richard : un puissant parmi les puissants

Richard est véritablement ce qu'on peut appeler un puissant. Vassal sans devoir du roi de France, les affaires de son duché ne regardent que lui, le roi de France ne possède d'ailleurs pas le moindre fief en Normandie. Sa puissance ducale est renforcée par son mariage avec Emma, la fille d'Hugues le Grand, issue de la branche des Robertiens avec laquelle il est, à partir de 960, (date de son mariage) associé, même si l'union restera stérile.

Après une guerre déclarée par le roi Lothaire contre son cousin l'empereur Otton II de Germanie en 978, au cours de laquelle la ville de Paris est assiégée et défendue par Hugues Capet, le roi de France apparaît auprès de ses vassaux comme un souverain belliqueux alors que le comte de Paris, comme une personne courageuse, recueillant l'estime de toute la noblesse. Les vertus personnelles d'Hugues sont à associer à l'importance des terres et des troupes dont il dispose, surpassant celles du roi de France.

Lothaire meurt subitement à Laon le 2 mars 986. Son fils, Louis, déjà associé au trône en 979, devient roi de France sous le nom de Louis V. Le 22 mars 987, un an après son couronnement, il meurt des suites d'une chute de cheval lors d'une chasse, sans héritier. Le dernier prétendant au trône de France issu de la branche carolingienne est le fils cadet de Louis IV d'Outremer et le frère du roi Lothaire, Charles, duc de Basse Lorraine. Lui-même s'estime comme le successeur naturel de son neveu mais l'assemblée des barons réunie au mois de Juin à Senlis pour choisir un nouveau roi lui reproche d'avoir rendu hommage pour ses terres à l'empereur Otton « une chose qui trop durement courrouça les barons de France » et lui préfère le comte de Paris Hugues Capet. Le duc de Normandie apporte un soutien de taille à son ancien pupille durant l'élection et se reconnaît immédiatement comme son vassal fidèle.

Richard devient un vassal et un conseiller écouté du roi de France. Il l'aide militairement lors du siège de Melun en 991. De même, alors que les flamands, révoltés contre Hugues sont attaqués par les troupes royales, Richard, devant la supplication du comte de Flandre, intercède en faveur de ce denier et pousse le roi à entamer des pourparlers de paix.

Sur le plan international également, Richard est un homme qui compte. Il entretient de bons rapports avec le roi de Norvège et du Danemark Harald qui est un cousin à lui. Après une période de rapports houleux avec le roi d'Angleterre Aethelred II, un accord est signé qui favorise les relations commerciales entre les deux états. Richard parvient également à rétablir son autorité sur le duché de Bretagne et à imposer des traités de non-agression à ses principaux rivaux politiques (Anjou, Flandre, Blois) qui l'appellent parfois à l'aide, tel Eudes Ier de Blois qui bataille contre le comte d'Anjou Foulque Nerra en 992.

L'œuvre politique et religieuse de Richard

Le duché de Normandie se voit doté , sous le principat de Richard, d'un code de lois unique en son genre. Les chartes, rédigées en latin reprennent des éléments de droits carolingiens en vigueur dans le monde franc et les associent avec les coutumes scandinaves, comme le droit à l'exil « ullac » où l'interdiction formelle d'attaquer une maison à main armée « Hamfara ». D'autres lois norroises, notamment celles qui concernent le droit maritime (monopole du droit d'épaves, d'échouage des mammifères marins qui sont réservés à la personne du duc seul) sont validées.

Fier de ses origines scandinaves, Richard confie à Dudon, chanoine à Saint-Quentin puis chancelier du duc, la rédaction de l'histoire de sa dynastie depuis Rollon. Cette chronique, poursuivie après la mort du duc à la demande de Raoul d'Ivry, est ensuite continué par Guillaume de Jumièges et sert de base pour les historiens normands tels que Wace et Ordéric Vital au XIIème siècle.

Pour s'assurer du soutien des évêques de son duché, Richard distribue des charges ecclésiastiques à divers membres de sa famille. Son fils, Robert « le Danois », comte d'Évreux est nommé archevêque de Rouen.

Mystique comme l'était son père, Richard entreprend sous son règne un nombre important de constructions religieuses, de donations et de fondations. Il commence la construction de la cathédrale à Rouen, relève l'abbaye de Fécamp qui avait été détruite par les vikings au IXème siècle et y fonde un collège de chanoine. Il restaure également l'abbaye de Saint Taurin et favorise l'implantation de la règle de Saint-Benoît dans son duché, notamment au Mont-Saint-Michel où il place douze moines bénédictins, dont Maynard, prieur de Saint-Wandrille qui devient le premier abbé du Mont en 966. A Saint-Michel, il commence les travaux de l'abbatiale et de la chapelle Notre-Dame-sous-Terre et y fait des donations « des panneaux d'or et d'argents, des calices en or avec des croix et des candélabres d'un poids fantastique »_. Ces donations sont confirmées à la demande de Richard par le roi de France et le légat du pape Jean.

Dans la Chronique ascendante du Roman de Rou, Wace résume cette œuvre religieuse aux vers 245-247 :

« Saint Oiem de roem (Saint-Ouen de Rouen) ou il moult repairaet le Mont Saint Michiel richement estoraet Saint Vandrille en cauz (pays de cauz) de ses terres fieufa »

Pour ses funérailles, Richard commande un sarcophage en pierre, demandant qu'il soit placé dans l'Église de la Trinité de Fécamp, consacrée peu avant sa mort vers 990, « demandant qu'au jour de fête, on le remplisse à ras bord de blé pour le distribuer au pauvre avec une aumône de cinq sous ». Lorsqu'en 996, il est atteint de fièvre, il se rend à Fécamp pour y désigner son successeur. N'ayant jamais eu d'enfants avec sa femme Emma, il choisit le fils qu'il a eu avec Gonnor, sa frilla (sa concubine), épouse more danico, (à la mode danoise), Richard comme héritier.

Il meurt la même année et est enterré selon ses vœux sous la gouttière de l'église de Fécamp. Une foule nombreuse assiste à ses funérailles et perturbe le déroulement de l'enterrement. Son demi-frère Raoul d'Ivry n'ayant pu arriver à Rouen que le lendemain des obsèques se rend avec les évêques sur sa tombe pour lui rendre hommage. En soulevant le couvercle, il aurait trouvé le corps du duc intact, « une odeur suave de térébenthine et de baume » émanant même du cadavre qu'on dit être « en odeur de sainteté ».

L'héritage d'un grand chef

Malgré un début de règne compliqué par l'ambition du roi de France et du comte de Flandre, Richard s'impose à la tête de son duché. Il consolide, avec l'aide de ses alliés danois les frontières de la Normandie et y réinstaure l'ordre. Ses chartes, rédigées en latin forment un code juridique normand unique en son genre. Religieux, il fonde et restaure de nombreux établissements religieux qu'il dote richement. Son règne traduit le passage d'une normandie décentralisée et attachée aux coutumes scandinaves à un état fort, christianisé et parfaitement inséré dans le monde franc.

Il aura manqué à Richard cette dimension conquérante pour que son prestige et son courage, pourtant avéré, n'égale celui de ses successeurs, de Guillaume le Conquérant à Richard Cœur de Lion. Dans le préambule d'une étude consacrée au duc Richard, N. Cazauran écrit : « « Nous ne disons plus aujourd'hui d'un homme qui ne craint rien, que c'est un vrai ''Richard sans Peur'', mais on l'a dit longtemps, du moins en plaisantant ».

Bibliographie

Sources

- SAINT QUENTIN, Dudon de, De moribus et actis promorum Normaniae

- Wace, Le Roman de Rou, éd. A.J Holden, 3 vol., Paris, Picard, 1970

Ouvrages et travaux

- BAUDUIN Pierre, La Première Normandie (Xe-XIe siècle), Presses Universitaires de Caen.

- CAZAURAN N. « Richard sans peur : un personnage en quête d'auteur », travaux de Littérature, IV, 1991.

- CHOFFEL Jacques, Richard sans peur, duc de Normandie. F. Lanore, 1999.

- NEVEUX François, La Normandie des ducs aux Rois. Xe-XIIe siècle. Ouest-France Université, Rennes, 1998.

- PRENTOUT Henri, Études critique sur Dudon de Saint-Quentin et son Histoire des premiers ducs normands, 1916. Livre 4 « Richard Ier ».

- RIDEL Elisabeth, « A-t-on vraiment parlé la « langue danoise » à Bayeux vers 940 ? Une relecture de Dudon de Saint-Quentin », Cahier des Annales de Normandie, 2002, vol.32, n°1.

 

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