La Septimanie et la prise de Narbonne au VIIIe siècle

Histoire de France | Des Carolingiens aux Capétiens

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Le terme de Septimanie est utilisé par Grégoire de Tours biographe de Clovis pour désigner la Gaule wisigothique. Elle est annexée en 719 à la suite de la conquête musulmane de la péninsule Ibérique et devient de ce fait l'une des cinq provinces d'Al Andalus dont la capitale Narbonne devient Arbûnah. Il s'agit donc d'une partie du territoire qui représentait jusqu'en 2015 le Languedoc Roussillon avec Narbonne et Carcassonne comme ville principale.

 

La Septimanie sous Al-Andalus

Narbonne à partir de 719 est sous l’autorité du wali Al-Samh d’Al-Andalus autrement dit le gouverneur. En 721 les troupes d'Al-Samh en passant par la voie romaine la Via Aquitana se dirigent vers la ville de Toulouse qu’ils assiègent. En Juin de la même année Toulouse est libérée des musulmans par le duc d'aquitaine Eudes aidées des armées vasconnes. Au moment de la victoire à Poitiers le 25 octobre 732 il y aura une propagande franque laissant penser qu'Eudes avait fait alliance avec les Omeyyades contre Charles Martel pour que la victoire d'Eudes et de Charles contre les Arabes soit essentiellement au bénéfice de Charles.

En réalité, Eudes avait fait alliance en 729 avec Munuza un chef berbère qui était un rebelle au pouvoir du Wali Abd Rahman Al Ghafiq. Si l'on analyse cette bataille de Poitiers en tant que telle, elle a été importante pour le destin de Charles Martel, bien que des historiens comme Philippe Sénac nuanceront en rappelant que les musulmans gardaient un contrôle sur la Septimanie.

En 725, les musulmans prennent la ville de Carcassonne qui devient avec Narbonne l'un de leur territoire stratégique. Les habitants donnent la moitié de leur terre et restituent prisonnier et butin. Les otages capturés sont envoyés à Barcelone. Les découvertes archéologiques effectuées dans la région, nous donne des informations précieuses. En effet, un corpus de monnaies retrouvées frappées en Al-Andalus correspondent à un partage de butin licite partagé à Narbonne. Ce qui conforte l’ idée d’une installation permanente d’un nombre important de musulmans en Septimanie à cette période.

Bien que l’affrontement ai pris une tournure religieuse avec l’intervention du pape, les musulmans, minoritaires réussissent à conquérir la Septimanie sans rencontrer de grandes résistances de la part des populations locales. Selon la chronique de Moissac, les musulmans laissent aux anciens habitants chrétiens et juifs la liberté de religion moyennant un tribut qui servait pour le fonctionnement de l’État et de l'armée. Ils étaient protégés, mais devait reconnaître la supériorité de l'Islam, c'est le statut de dhimmi. Cependant dans la pratique certains chrétiens et juifs sont nommé vizir et gouvernèrent des musulmans. Les juifs, eux, persécutés par les wisigoths, retrouvent des droits avec l’arrivée de l’islam. 

Premier siège de Narbonne

En 737 L’armée franque est séparée en deux: la première va marcher sur Arles et occuper Marseille; la deuxième est dirigée par Charles Martel qui va franchir le Rhône et assiéger Narbonne. Cependant, le siège sera plus compliqué que prévu car Narbonne est traversée par un bras de l’Aude qui se jette en Méditerranée prés de Sigean, ce qui peut permettre aux musulmans d’avoir de l’aide extérieure par bateau. Ainsi, Charles fait construire des forts à Sigean afin d’empêcher tout aide extérieure pour les musulmans. Les francs attaquaient la cité nuit et jour, ce qui, à force, épuisa Charles Martel et son armée. Mais, de l’autre côté des Pyrénées, Le wali d’Espagne a monté une armée placée sous la direction d’Omar ibn Chaled.

Cette armée arrive par bateau et débarque sur la plage de la Berre. Charles laisse une partie de son armée, va à leur rencontre et les repousse sur le plateau des Cavettes, lieu où Omar avait établis son quartier général. C’est là qu’à lieu le plus sanglant épisode de la bataille, où les francs lancent des attaques successives contre les troupes musulmanes qui ne peuvent pas les contenir et sont anéanti, Omar est tué dans la bataille, les rescapés tentent de fuir vers leurs bateaux, mais beaucoup sont massacrés. Charles pensait que cette victoire forcerait Narbonne de se rendre, mais le siège s’éternise, considérant plutôt se consacrer aux menaces priorités que sont le duché d'Aquitaine ou celui de Saxe. Il repart laissant une petite armée pour surveiller Narbonne.

Condition de la prise de Narbonne

La propagande des abbassides insiste sur le fait que les omeyyades non pas une bonne morale religieuse, ils leurs reproches d'avoir éliminé les descendants du prophète Muhammad et d'exercer un pouvoir injuste et tyrannique. À Narbonne même Abd Al Rahman l'Emir omeyyades de Cordoue qui avait survécu au coup d'état abbasside de Damas en 750 qui avait quasiment décimé tous les omeyyades, s'oppose à Yusuf Al Fihri gouverneur omeyyades depuis 753 il prendra sa place en 756 après l'avoir vaincu.

Au même moment les francs grandissent leurs influences autour de l'Aquitaine et sur les rivages méditerranéens. Pépin « le Bref » devenu roi franc avait peur que le duché d'Aquitaine prenne trop de pouvoir. C'est pour cela que l'offensive du duc Waïfre en 751 sur Narbonne l'a décidé à intervenir. La prise de Narbonne était une prise très stratégique permettant d'avoir un accès sur la Méditerranée sachant que les Aquitains avaient déjà un accès sur l'Océan Atlantique.

Au-delà d'une lutte contre les musulmans la conquête de la Septimanie s'inscrit dans une confrontation entre les aquitains et les francs pour unifier la Gaule. Ainsi en 752 Pépin reprend le siège de Narbonne, se rappelant que le manque d'alliance avait compliqué les affaires de son père à Narbonne 15 ans plus tôt, il entame des pourparlers avec les wisigoths. Il charge plusieurs goths dont le comte goth Ansemond de prendre possession de Narbonne.

Ansemond fut tué aux portes de la cité en 754 par Ermenard un de ces domestiques mandaté par une franche des goths hostile à l'alliance avec les francs. La ville étant fortifiée il fallut 7 ans aux francs pour s'emparait de la ville car les musulmans étaient encore soutenus par une partie des populations locales chrétienne hostile aux Francs depuis les violentes interventions militaires de Charles Martel.

Ils réussissent enfin en 759 après des assauts répétés à expulser les musulmans et leurs partisans qui se réfugient dans l'Emirat de Cordoue. Pépin promis aux goths qu'ils pourraient appliquer leurs lois et Narbonne fut renommé Gothie. Philippe Sénac en reprenant l'analyse Evriste Levi-provençal précise que cette prise a été plus décisive que celle de Poitiers car cela a eu pour effet de repousser les musulmans hors des Pyrénées d'autant qu'Abd Al Rahaman avait des problèmes internes dans son royaume et était occupé à mettre fin à la résistance contre son autorité.

Par contre Sénac remet en cause la conclusion Évariste Lévi en précisant que les musulmans n'avaient pas stoppé leurs volontés expansionnistes en dehors des Pyrénées , les arabes poursuivront en effet leurs attaques pendant un siècle.

Politique étrangère de Pépin le Bref après la conquête de Narbonne

Entre 759 et 768, les francs sont occupés à affronter les aquitains dans des campagnes très violentes. En 762 Pépin envoie à Narbonne une garnison sous le commandement de 2 comtes Anstraldus et Galénanius dans le but de protéger la ville des musulmans la même année le duc Waïfre envoie Matio son cousin et d'autres comtes pour détruire la garnison. Waïfre devenant de ce fait un allié de circonstance des musulmans qui n'était pour lui que des « ennemis secondaires ». Les francs prennent finalement le dessus battent Matio et ses compagnons d'armes. De 765 à 768 l'armée franque récupère ville après ville et ce conflit se termine par l’assassinat de Waïfre trahi par Waratton.

Profitant des divisions au sein du monde musulman cette même période voit le début de relations diplomatiques entre francs et musulmans, Pépin est d'ailleurs le tout premier à faire de la diplomatie avec les musulmans ce qui lui donnera une réputation au-delà de son royaume et c'est aussi pour cette raison que les historiens Ivan Gobry et Pierre Riché trouvent qu'il est plus exact de l’appeler Pépin le grand.

Ainsi il y aura une alliance de circonstance entre le calife Abbasside Al Mansur et un chef dissident Sulayman wali de Barcelone avec comme objectif de lutter contre l'Emir de Cordoue d'Abd Al Rahman 1er d'autant que Sulayman était un partisan de Yusuf Al Fihri le précedent gouverneur d'AL Andalus. La mort prématurée de Pépin ne permettra pas d'amener la diplomatie avec abbassides à leurs finalités.

La Septimanie et Narbonne sous Charlemagne

Le règne de Charlemagne, marqué par l'échec de Roncevaux contre les basques en 778, conduit à la création du royaume d’Aquitaine (781) et du royaume de Septimanie (789) afin de stabiliser la frontière avec l’Espagne Al-andalus. Ils accumulent les succès contre les arabes et se dirigent vers Barcelone, mais les arabes pénètrent en Septimanie, saccagent Narbonne et s’avancent vers Carcassonne. Cela contraint Guillaume le marquis de Septimanie à intervenir. Il est battu à la bataille de Villedaigne, mais les musulmans font main basse sur les richesses de la région et se replit en Espagne. Le retrait des musulmans permet de renforcer la puissance de la province. La montée en puissance de la Septimanie et de l’Aquitaine permet à Charlemagne d’avoir une frontière sécurisée et stabilisée avec l’Espagne, où des divisions au sein des musulmans affaiblissent l’Al-Andalus. 

La conquête de la Septimanie sous domination arabe constitue l’élément déclenchant l’expansion franque au sud. Ce qui dans un premier temps ne paraissait être qu’une alliance militaire avec le Duc d’ Aquitaine, devient rapidement un processus de conquête territoriale qui se renforce avec l’appui de la papauté et de l’aristocratie locale. Les Francs parviennent alors à conquérir tout le sud-ouest de la Gaule et l’extrême Nord de la péninsule ibérique. Cependant, si la conquête est un succès, la menace de razzias venues d’Al-Andalus reste présente, notamment à Narbonne en 842. L'année suivante le partage de Verdun met un coup d'arrêt à l'expansion franque et va provoquer la dislocation de l'Empire carolingien.

Bibliographie

- Sénac P., Le monde carolingien et l’Islam, Paris, Editions l’Harmattan, 2006.
- Sénac P., Les Carolingiens et al-Andalus (VIIIe-IXe siècles), Paris, Maisonneuve et Larose, 2002.
- Sénac P., L’Occident médiéval face à l’Islam, l’image de l’autre, Paris, Flammarion, 2000.

- Rebé I. Raynaud C. Sénac P. (dir.), Le premier moyen-âge à Ruscino, entre Septimanie et al-Andalus (VIIe-IXe s.), UMR 5140 du CNRS « Archéologie des sociétés méditerranéennes », 2014.
- Rouche M., Des wisigoths aux Arabes l’Aquitaine 418-781 naissance d’une région, Paris,
éditions E.D.H.E.S.S., 1979.

 

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