Origines de la police en France
Les origines de la police remontent au milieu du Moyen Age. Au XIe siècle apparut la charge de prévôt de Paris, préposé à la justice et à la police, assisté de sergents et la fonction de commissaire enquêteur est instituée par le roi Philippe le Bel au XIVe siècle. À partir du XVIe siècle, le prévôt de Paris fut secondé par un lieutenant criminel, juge des crimes commis à Paris et dans ses environs, ayant sous son autorité les commissaires du Châtelet. Par la suite, ce système se généralisa aux grandes villes. Dans les provinces, c’est la maréchaussée, un organe d’origine militaire, qui effectue les missions de police.
La police française sous la révolution
La police parisienne fut complètement surprise par l’émeute du 14 juillet 1789, et le lieutenant de police Thiroux de Crosne fut l’un des premiers à prendre le chemin de l’émigration. La Constituante, dans la ligne générale de sa politique de décentralisation, confia la police aux municipalités. Des commissaires de police élus par les habitants furent placés à la tête de chacune des quarante-huit sections parisiennes et, dans les départements, de chaque district (arrondissement); pour maintenir l’ordre, ils disposaient de la Garde nationale.
La Convention soumit la France à un régime policier sans précédent. Au niveau local, les comités révolutionnaires dressaient les listes de suspects, décernaient et faisaient exécuter les mandats d’arrêt, qui étaient souvent des arrêts de mort. L’instance policière suprême était le Comité de sûreté générale (v.), mais, sous l’impulsion de Robespierre, le Comité de salut public empiéta bientôt sur ses prérogatives et se dota d’un bureau central de pouce.
Établi quai Voltaire, dans l’hôtel de Juigné (là où s’élève aujourd’hui l’École des beaux-arts), c’était un organisme fortement centralisé, dont l’autorité s’exerçait aussi bien sur la gendarmerie que sur les services civils et aussi bien dans les provinces qu’à Paris par l’intermédiaire, dans la capitale, du préfet de police (créé en février 1800) et, dans les villes de 100 000 habitants, de commissaires généraux. A la fin de la crise révolutionnaire, le ministère de Fouché assura le rétablissement définitif de l’ordre intérieur en démantelant les réseaux terroristes jacobins et royalistes.
Supprimé en septembre 1802, le ministère de la Police fut rétabli dès juillet 1804, toujours sous la direction de Fouché. Celui-ci développa considérablement le système de la police secrète inauguré par les lieutenants généraux du siècle de Louis XV. Disposant d’agents et d’indicateurs dans les milieux les plus divers, il faisait établir quotidiennement un Bulletin de police, dont les renseignements étaient toujours étudiés avec le plus grand soin par l'empereur Napoléon Ier. Cependant Fouché, ayant tenté de mener une politique personnelle, fut destitué en juin 1810 et remplacé par le médiocre Savary, qui se laissa surprendre par la conspiration du général Malet (1812).
De Vidocq aux gardiens de la paix
Supprimée en 1814 au début de la première Restauration, la Préfecture de police dut être rétablie à l’annonce du débarquement de Napoléon revenant de l’île d'Elbe (mars 1815). En revanche, le ministère de la Police disparut en 1818, les préfets exerçant désormais la plénitude des pouvoirs policiers dans les départements, sous l’autorité du ministère de l’Intérieur. La police politique continua de jouer un rôle important sous la Restauration et sous la monarchie de Juillet.
En 1851, la police parisienne, dirigée par Maupas, prit une part décisive dans le coup d'État du 2 Décembre. Durant la nuit, elle arrêta tous les députés d’opposition, dont la liste lui avait été remise. Pour récompenser Maupas, un ministère de la Police générale fut reconstitué en janvier 1852, mais il disparut dès l’année suivante. La Préfecture de police redevient rapidement l’organe de centralisation de tous les services; en 1854 des commissaires centraux dotés de pouvoirs analogues à ceux du préfet de police de Paris furent installés dans les très grandes villes.
En 1876, la IIIe République opéra une nette distinction entre le domaine de la Préfecture de police (Paris et le département de la Seine) et celui de la Sûreté générale, direction du ministère de l’Intérieur, qui avait la charge de la police dans le reste de la France. Les «sergents de ville» parisiens prirent, dès 1870, le nom de «gardiens de la paix».
Vers une police moderne
La police modernisa ses techniques de recherche grâce aux méthodes scientifiques (introduction de l’anthropométrie par Bertillon en 1882; création du laboratoire de police au Palais de Justice en 1888; prise des empreintes digitales en 1893), et, en 1907, Clemenceau étant ministre de l’Intérieur, elle se dota de «brigades mobiles». Les préfets de police les plus célèbres de la IIIe République furent Louis Andrieux (de 1879 à 1881), Louis Lépine (de 1893 à 1897 et de 1899 à 1912), Jean Chiappe (de 1927 à 1934), Roger Langeron (de 1934 à 19391 La police politique, qui avait connu une puissance considérable sous le second Empire, ne disparut nullement sous le régime républicain. Son obscure emprise s’affirma dans des affaires mystérieuses telles que la mort de Philippe Daudet (fils du polémiste royaliste Léon Daudet, 1923), de l’espion Stavisky et du conseiller Prince (1934).
Une institution contestée
Après 1945, les effectifs de la police ne cessèrent de se renforcer, en particulier avec la constitution des Compagnies républicaines de sécurité (C.R.S) qui prirent la suite des Groupes mobiles de réserve (G.M.R.) du régime de Vichy. Sous la Ve République, la lutte contre l’O.A.S à la fin de la guerre d’Algérie, suscita la création de «polices parallèles», dont les membres furent appelés familièrement les «barbouzes»; leur action se manifesta encore, en 1965, avec l’enlèvement du leader politique marocain Ben Barka.
Premier état européen à avoir organisé une police centralisée, la France reste, de toutes les démocraties occidentales, celle où la présence policière est la plus visible et pesante; de nombreux cas d’abus de pouvoir (écoutes des conversations téléphoniques, mise en fiche systématique des militants politiques, brutalités à l’égard des personnes appréhendées, «passages à tabac», détente trop facile dans les arrestations) contribuent à entretenir la méfiance des citoyens à l’égard d’une police dont les fonctions politiques, depuis la crise de 1968, semblent de plus en plus prendre le pas sur les missions d’ordre et de sûreté.
Bibliographie
- Histoire des polices en France: De l'ancien régime à nos jours, de Jean-Marc Berlière. Nouveau monde, 2013.
- Histoire des polices en France : Des guerres de religion à nos jours, de Joël Cornette. Belin, 2020.