Colisée de Rome : construction et histoire

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Construit au centre de Rome entre 70 et 80 par les empereurs Vespasien et Titus, le Colisée était le plus grand amphithéâtre jamais construit dans l’Empire romain. Son nom initial était amphitheatrum Flavium, « amphithéâtre Flavien », car construit par l’empereur Vespasien, fondateur de la brève dynastie des Flaviens. Ce n’est qu’au Moyen Age que le bâtiment prit son nom actuel de Colosseum, du latin colossus. Il pouvait accueillir 50 000 spectateurs et il était utilisé pour des représentations de combats de gladiateurs, des combats d’animaux sauvages, des reconstitutions de batailles célèbres, des exécutions de condamnés à mort et autres spectacles publics. Il est resté en service pendant cinq siècles et il a été ensuite réutilisé pour des usages variés. Actuellement en état de ruine, c’est le monument le plus visité d’Italie.

  

La construction du Colisée

C’est en 29 av. J.-C. seulement que Rome se dota de son premier amphithéâtre en dur, soit bien plus tard que la plupart des provinces, peut-être en raison d’une méfiance envers tous les grands lieux de rassemblement, susceptibles de devenir des foyers d’agitation. Construit par Statilius Taurus, général et homme politique romain, il est la marque de l’optimisme politique d’Auguste, tranchant sur la vie politique particulièrement agitée des derniers temps de la République romaine. Mais c’est un édifice de dimensions modestes et partiellement construit en bois, pour l’arène et les gradins, ce qui explique qu’il fut complètement détruit lors du grand incendie de 64 apr. J.-C., sous Néron. À la mort de Néron en 68, Rome sombre une nouvelle fois dans la guerre civile.

Vespasien rétablit la paix civile, stabilise les frontières, met en place des réformes fiscales et multiplie les constructions publiques à Rome. La construction du Colisée, qui est destiné à remplacer l’amphithéâtre de Statilius Taurus, est un des éléments de la politique de Vespasien. Ce dernier est pourtant économe des deniers de l’État, mais ce chantier gigantesque est aussi un bon moyen de fournir du travail à un grand nombre de personnes que les événements récents ont laissé sur le carreau et d’éviter ainsi d’éventuels troubles sociaux. Reste la question du financement. Mais au moment où Vespasien se retrouvait à la tête de l’Empire, son fils Titus écrasait la révolte juive. Le temple de Jérusalem a été détruit et son trésor, emporté à Rome, aurait servi à financer la construction du Colisée.

L’amphithéâtre fut construit sur l’emplacement du lac artificiel de la Domus aurea, l'immense palais construit par Néron après l’incendie de 64. Alors que la plupart des autres amphithéâtres étaient construits à la périphérie des villes, le Colisée, le plus grand et le plus bel amphithéâtre de tout l’Empire, était au cœur de Rome et il en devenait le symbole. À la mort de Vespasien en 79, le troisième niveau était terminé, le quatrième fut inauguré par son fils Titus en 80, mais le chantier fut achevé sous son successeur Domitien, après douze années de travaux.

Par la suite, durant toute la période où il fut en activité, le Colisée dut être réparé à plusieurs reprises, à cause d’incendies ou de secousses sismiques. Il s’agissait généralement de travaux de rénovation de grande ampleur qui pouvaient durer plusieurs années, pendant lesquelles le bâtiment devait être fermé. En 217, un incendie provoqué par la foudre détruisit les étages supérieurs de gradins en bois. Le feu se propagea à l’arène, également en bois et le Colisée ne fut plus qu’une immense torche. Il fut rénové pendant les cinq années suivantes et inauguré une seconde fois en 222, mais les réparations se poursuivirent jusqu’en 240.

Le Colisée, chef-d’œuvre de l’ingénierie romaine

Le Colisée a une circonférence de 545 mètres et couvre une superficie de 2,4 hectares. L’anneau des fondations fait 6 mètres de profondeur sur 31 de large. Les Romains l’ont consolidé par un mur de briques de 3 mètres d’épaisseur à l’intérieur comme à l’extérieur, puis ils l’ont comblé en alternant des couches de pierres et des couches de béton, soit 200 000 m3 de matériaux rien que pour les fondations ! La façade extérieure se composait de trois niveaux de quatre-vingts travées surmontés d’une attique et le bâtiment était entouré d’une place large de 18 mètres. Les arcs des premier et deuxième étages étaient ornés de 160 statues en bronze doré hautes de cinq mètres.

L’arène de 86 mètres de long sur 54 de large est entourée d’un mur de 4,5 mètres de hauteur qui s’élève jusqu’aux premiers gradins. Elle était formée d’un plancher de bois recouvert d’une couche de sable et elle recouvrait une vaste structure souterraine, l’hypogée. Construit vers 90 par Domitien, l’hypogée était constitué d’un réseau de deux niveaux souterrains de tunnels et de cages, où les gladiateurs et les animaux se tenaient prêts avant le spectacle. Un corridor souterrain le reliait à la caserne des gladiateurs située à proximité de l’amphithéâtre. 80 puits verticaux, fournissaient un accès à l’arène aux moyens de plateformes et... d’ascenseurs ! Des gros animaux tels que des éléphants pouvaient être ainsi hissés dans l’arène, sous les yeux ébahis du public. Des mécanismes hydrauliques permettaient d’inonder l’arène pour des naumachies, des reconstitutions de batailles navales.

L’arène est comprise dans une caveau de 190 mètres de long, 155 de large pour une hauteur de 50 mètres. L’amphithéâtre pouvait accueillir 55 000 personnes réparties sur 56 rangées de gradins divisées dans un arrangement hiérarchisé et des inscriptions gravées indiquaient à quelle catégorie sociale les gradins étaient destinés : chevaliers, citoyens riches, simples citoyens, pauvres, esclaves, etc. Des loges spéciales étaient réservées à l’empereur et à ses proches et une large plateforme, au même niveau, accueillait les sénateurs.

Une immense toile rétractable, le velarium, abritait les spectateurs du soleil. Elle était soutenue par 240 mâts de 20 mètres de haut et manœuvrée par des marins spécialement enrôlés et des esclaves. Il ne fallait pas moins de 2000 personnes pour manœuvrer le velarium et on le dirigeait aussi pour capter le vent et envoyer une brise vers les spectateurs. D’autres esclaves, équipés de vaporisateurs, envoyaient des brumes rafraîchissantes et parfumées sur les spectateurs de marque. Une cinquantaine de fontaines permettait aussi de s’abreuver.

L’énorme capacité du Colisée a demandé aux concepteurs de mettre en place des solutions similaires à celles que nous connaissons dans nos stades modernes. Les spectateurs recevaient des billets numérotés qui leur donnaient les informations nécessaires pour leur placement. Quatre-vingts entrées s’ouvraient sur l’extérieur au rez-de-chaussée et un système complexe d’escaliers permettait de réguler le flot des spectateurs. En moins d’une heure, le public était installé. L'empereur disposait d’un passage privé pour ne pas avoir à se mélanger à la foule.

Cinq siècles de spectacles

Le Colisée, qui n’était pas encore terminé, fut donc inauguré par Titus en 80. Pour l’occasion, il offrit un spectacle gigantesque avec la reconstitution de la bataille navale de Corinthe contre Corcyre. Les cérémonies d’inauguration furent grandioses et durèrent cent jours sans discontinuer. En 107, alors que l’Empire romain est à son apogée. Trajan fera donner 123 jours de fêtes consécutifs, impliquant 11 000 animaux et 10 000 gladiateurs. En plus des grands évènements, le Colisée donnait des spectacles réguliers tous les deux ou trois jours.

Les sources littéraires de l’époque décrivent le programme des festivités : combats d’animaux sauvages le matin, exécutions de criminels vers midi, combats de gladiateurs et reconstitutions de batailles navales ou terrestres pendant l’après-midi. Les animaux participant aux venationes, les jeux animaliers, provenaient de toutes les parties de l’Empire romain et même au-delà : éléphants, lions, léopards, taureaux, ours, sangliers, rhinocéros, buffles, bisons, autruches, girafes, chameaux, crocodiles... L’arène était alors occupée par un décor naturel censé rappeler le milieu naturel d’origine des animaux. On faisait combattre les animaux entre eux, lion contre tigre, ours contre taureau, etc., ou encore des animaux et des hommes. Il y avait aussi des exhibitions d’animaux sauvages apprivoisés et des simulacres de chasse.

Au cours des seuls jeux d’inauguration, plusieurs milliers d’animaux auraient été tués. Venait ensuite la damnatio ad bestias, « condamnation aux bêtes », supplice consistant à donner la mort à des condamnés par le biais d’animaux sauvages. Les animaux étaient rendus encore plus féroces après avoir passé plusieurs jours dans l’obscurité sans nourriture. Ce châtiment était considéré plus clément qu’une simple exécution car dans certains cas, les condamnés étaient armés et pouvaient se défendre, mais d’autres condamnés devaient affronter les fauves dépourvus de toute arme. On réservait ce châtiment surtout aux parricides, aux meurtriers, aux rebelles, aux prisonniers de guerre et parfois aux chrétiens.

Il y avait aussi des exécutions de condamnés à mort accompagnées d’une mise en scène évoquant un mythe et certains condamnés devaient également s’entretuer. Donnée pendant les heures les plus chaudes de la journée, cette partie du spectacle était la moins prisée et les spectateurs en profitaient généralement pour s’alimenter ou se rafraîchir.

Les munera, combats de gladiateurs, étaient en fait beaucoup moins sanglants et cruels que les réjouissances précédentes. Le combat durait quelques minutes, jusqu’à ce qu’un des deux adversaires ne soit plus capable de continuer, soit parce qu’il était épuisé, soit parce qu’il était blessé, soit parce qu’il était mort, ce qui pouvait malheureusement arriver. La formation d’un gladiateur revenait cher, les gladiateurs les plus populaires étaient des véritables rock stars qui rapportaient beaucoup d’argent à leur laniste et il n’était dans l’intérêt de personne de les sacrifier inutilement. Ceci dit, peu dépassaient l’âge de trente ans.

Déclin et restauration du Colisée

À partir du IVe siècle, le christianisme, qui est devenu influent au point que les empereurs sont désormais chrétiens, veut faire interdire les spectacles jugés immoraux et cruels. En 399 les écoles de gladiateurs sont fermées à Rome et en 404, les combats de gladiateurs sont interdits, mais les spectacles mettant en scène des animaux se poursuivront jusqu’à la fin. Après la séparation définitive des deux empires d’Orient et d’Occident en 395, Rome s’affaiblit considérablement. L’Empire romain d’Occident est en plein déclin politique et économique et subit des invasions régulières. L’argent manque, l’heure n’est plus aux grandes festivités populaires, mais plutôt à sécuriser les personnes et les biens. Rome est pillée à deux reprises, par les Wisigoths en 410 et les Vandales en 455.

En 476, le dernier empereur romain d’Occident abdique. Avec la fin de l’Empire romain d’Occident, la population de Rome chuta. Au Colisée, le dernier spectacle fut donné en 523. Après cette date, il n’était plus qu’une grosse coquille vide au centre d’une ville elle-même sans âme et sans activité. Ses hauts murs étaient néanmoins un refuge en ces temps troublés et on construisit des maisons à l’intérieur, formant une sorte de petit village fortifié. D’autres maisons seront construites à l’extérieur, s’appuyant sur la façade.

En 1349, un violent tremblement de terre provoqua l’effondrement de tout un pan de mur. Le bâtiment était alors entouré de pierres écroulées qui furent utilisées pour d’autres constructions, notamment la basilique Saint-Pierre au Vatican et les placages de marbre alimentèrent les fours à chaux. Les agrafes de fer ou de bronze servant à maintenir les pierres furent systématiquement démontées, affaiblissant encore l’édifice.

On avait alors bien peu de considération pour ce monument qui avait été le lieu où des chrétiens avaient été martyrisés et on y voyait surtout une immense carrière. Mais en 1749, le pape Benoît XIV fit interdire la récupération de ses pierres, empêchant qu’il soit davantage dégradé.

Au début du XIXe siècle, le Colisée était un entrepôt pour une fabrique de poudre à canon et le bâtiment était vraiment en mauvais état. Devenu maître de l’Italie, Napoléon fit entreprendre des travaux de stabilisation et de restauration des principaux monuments de Rome, dont le Colisée. D’autres chantiers de fouilles, de rénovation et de reconstruction suivront au cours du XIXe siècle. En 1995, 15 % du monument seulement était ouvert au public. Une importante campagne de restauration a permis de l’ouvrir à 85 % à la visite.

De nos jours, avec plus de sept millions de visiteurs par an, le Colisée est une attraction touristique majeure de Rome et le monument le plus visité d’Italie. Mais il demande des travaux de rénovation et de consolidation constants car il se trouve dans un état de fragilité aggravé par la pollution et la surfréquentation.

Pour aller plus loin

Le Colisée: L'histoire et le mythe, de Keith Hopkins et Mary Beard. Tallandier, 2019.

Urbanisme et métamorphoses de la Rome antique, de Luc Duret et Jean-Pierre Néraudau. les Belles lettres, 2010.

 

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