Abolition de l'esclavage en France sous la Révolution
Les premières critiques de l’esclavage et de la traite des noirs comencent avec les philosophes des Lumières ( Rousseau notamment), Avant la Révolution, l’abbé Henri Grégoire et Brissot militent en faveur de l’intégration des Noirs et animent la « Société des amis des Noirs », reproduisant ainsi le modèle de l’anglais William Wilberforce. L’abbé Reynal et l’écrivain Jean-Sébastien Mercier partagent leur combat.
La création de la Société des Amis des Noirs en 1788 et la Révolution française vont accélérer le processus. Toutefois, malgré la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen d’août 1789 et une trace d’indignation dans les cahiers de doléances, l’Assemblée constituante ne touche pas dans un premier temps au système esclavagiste des colonies françaises. Pendant la nuit du 4 août 1789, seul le duc de La Rochefoucauld-Liancourt envisage d’étendre aux esclaves le principe d’égalité devant la loi.
Ces demi-mesures ne satisfont pas les esclaves de l’île de Saint-Domingue, la principale et la plus riche de toutes les colonies françaises. Les esclaves se soulèvent, sous le commandement de Toussaint Louverture. Face à cette révolte et aux menaces d’invasion anglaise et espagnole, les commissaires de la République française à Saint-Domingue, Sonthonax et Polverel, se résignent à proclamer la liberté générale des esclaves. C’est chose faite le 29 août 1793 dans la province nord et le 4 septembre dans les parties ouest et sud.
La Convention décide de généraliser ces décisions en votant enfin l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises, sur une proposition des députés Lacroix, Danton et Levasseur. Le décret de la Convention du 4 février 1794 est voté dans l’enthousiasme et les députés de Saint-Domingue sont l’objet de toutes les attentions. Il est à noter que ce vote passe quasiment inaperçu dans l’opinion publique.
Mais dès 1799-1800, alors que les effets concrets du décret du 4 février 1794 (16 pluviôse an II) n’ont guère été visibles sur le terrain, l’abolition est remise en cause. Le contexte international y est aussi pour beaucoup. Cela conduit au décret du 20 mai 1802, du Premier Consul Napoléon Bonaparte, qui rétablit l’esclavage et la traite dans les colonies.
La Grande-Bretagne, la pionnière
C’est en Angleterre qu’apparaissent les premières associations ou « Sociétés » pour l'abolition de l'esclavage, à la fin du XVIIIe siècle. Les pétitions lancées par ces militants connaissent un grand succès, provoquant des débats au Parlement. Les raisons sont diverses et divisent encore les historiens. Le poids du discours des religieux est incontestable, mais on évoque aussi des raisons plus pragmatiques, comme la perte d’intérêts pour le système de plantations face à l’industrialisation de la Grande-Bretagne, ou encore la possibilité, avec la traque des navires négriers étrangers, de faire de la Royal Navy « le gendarme des mers ».
Les succès de l’abolition dans le monde
Si la Grande-Bretagne est pionnière dans le militantisme abolitionniste, c’est toutefois le Danemark qui est le premier pays à abolir officiellement les traites négrières en 1792. Les rpuissances européennes sont moins pressées, et il faut attendre la deuxième moitié du XIXe siècle pour voir l’abolition appliquée par les Pays-Bas, l’Espagne ou le Portugal, et leurs colonies. Surtout, si la traite est abolie relativement tôt, et tombe dans l’illégalité, l’esclavage perdure longtemps dans les colonies.
Aux Etats-Unis, le mouvement abolitionniste suit le modèle britannique dès 1815, mais culmine avec l’affaire John Brown (1859-1860). On sait ensuite l’importance de la Guerre de Sécession dans l’abolition de l’esclavage, décidée par Abraham Lincoln le 1er janvier 1863, et étendue à tous les Etats-Unis en 1865.
Victor Schœlcher et l'abolition définitive de l’esclavage en France
Le processus est plus long et chaotique qu’en Grande-Bretagne, mais s’en inspire encore une fois. En 1834 est créée la Société française pour l’abolition de l’esclavage. La même année, le Martiniquais Cyrille Bissette, un descendant d’esclaves, réclame « l’abolition complète et immédiate ». Il faut toutefois attendre le voyage de Victor Schœlcher aux Caraïbes au début des années 1840 pour que le mouvement s’accélère.
Schœlcher se fait porte-parole du mouvement abolitionniste. Il publie alors deux ouvrages : Des colonies françaises, abolition immédiate de l'esclavage (1840) et Colonies étrangères et Haïti, résultats de l’émancipation anglaise (1843). Il y exige qu’on dénonce le rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte (1800) et le conservatisme des colons qui justifient l’esclavagisme par l’infériorité de la « race noire ». Le républicain lance en 1847 une pétition, qui connaît un certain succès, sauf auprès de l’Eglise catholique, encore ambiguë et divisée sur le sujet.
Le jour de la commémoration
Suite à la loi Taubira du 21 mai 2001, un choix de date doit être fait pour commémorer les abolitions. Un Comité pour la Mémoire de l’Esclavage est nommé, mais les polémiques à l' Assemblée nationale sont âpres sur le choix de la date, le 23 mai par exemple, étant réclamé par des associations antillaises. De plus, faut-il commémorer l’abolition et/ou la mémoire des victimes ?
En 2006, le Président Jacques Chirac choisit finalement le 10 mai, date de la dernière lecture de la loi Taubira au Sénat, et qui ne se substitue pas aux autres commémorations, à des dates différentes, dans les départements d’Outremer. Si le 10 mai célèbre désormais les abolitions de la traite et de l’esclavage, la circulaire Fillon de mai 2008 fait du 23 mai le jour officiel de la commémoration des victimes.
Bibliographie
- O. Pétré-Grenouilleau (dir), Abolir l’esclavage. Un réformisme à l’épreuve, PUR, 2008.
- M. Dorigny, B. Gainot, Atlas des esclavages, Autrement, 2006.
- F. Régent, La France et ses esclaves. De la colonisation aux abolitions (1620-1848), Pluriel, 2009.