Maréchal Pétain - Biographie

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Passé à la postérité comme le vainqueur de Verdun durant la Première Guerre mondiale, le maréchal Pétain est devenu, après la défaite de 1940, le chef de l’« État français » de Vichy. Après avoir accepté un armistice aux conditions très dures pour la France, il a tenté de promouvoir sa « Révolution nationale », tout en laissant son gouvernement mener une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie. Son destin, qui est associé aux heures de gloire comme aux épisodes les plus sombres de l’histoire du XXe siècle, explique que, près de cinquante ans après sa disparition, son action continue de faire l’objet de vives controverses.

  

Philippe Pétain, le vainqueur de Verdun

Henri Philippe Benoni Omer Joseph Pétain est né le 24 avril 1856 dans le Pas de Calais. Issu d’un milieu rural et catholique, il fait le choix du métier des armes précocement. Saint-Cyrien, plutôt discret sur ses opinions politiques (à une époque où l’armée est plongée dans la tourmente de l’affaire Dreyfus), il se distingue néanmoins par ses conceptions tactiques à contre-courant de la doctrine officielle. A l’allant et à la force des baïonnettes, Pétain oppose la puissance de l’artillerie et du matériel : « Le Feu tue ». 

La guerre de 1914 le trouve colonel et lui qui pensait à la retraite est propulsé à la tête d’une brigade d’infanterie. C’est le début d’une carrière fulgurante, qui le verra commander une armée (la 2ème) dés juin 1915. Pétain, charismatique et tenace a parfaitement compris les enjeux de la guerre industrielle moderne. Son attention aux questions de la logistique et du moral des troupes, seront pour beaucoup dans l’échec de l’offensive allemande sur Verdun (1916). L’ordre du jour du 10 avril 1916 se termine sur une phrase de trois mots qui passera à la postérité : « On les aura ! ».

Le défenseur de Verdun est devenu, pour toujours et pour toute la France, le « vainqueur de Verdun ». Son prestige est universellement reconnu. Le 15 mai 1917, le gouvernement Ribot l’appelle à la succession de Nivelle, commandant en chef. Aussitôt il se heurte à plusieurs mutineries, conséquences de l’échec du Chemin des Dames et de la propagande défaitiste. Il en vient à bout avec un minimum de sanctions, en améliorant la situation matérielle du combattant et en mettant au point des opérations peu dangereuses, mais payantes sur le plan psychologique. L’accalmie qui s’ensuit lui permet de réorganiser entièrement l’armée. C’est cette armée que Foch mènera à la victoire en 1918.

Carrière politique du maréchal Pétain

Devenu maréchal de France à la fin 1918, il préside en partie à l’évolution de l’armée française suite à la victoire. Partisan de la puissance de feu, il se fait le promoteur des chars d'accompagnement d'infanterie. Sa carrière politique commence véritablement lorsqu’il est nommé ministre de la guerre en 1934. En raison de l’instabilité ministérielle d’alors, son mandat est de courte durée, mais lui vaut une solide réputation d’homme d’état. 

Aux yeux de l’extrême droite notamment, Pétain apparait comme un chef fort prêt à en découdre avec l’Allemagne. Promoteur de la mécanisation de l’armée face à la doctrine défensive officielle, il est alors en accord avec son ancien collaborateur : Charles de Gaulle. Nommé ambassadeur en Espagne en mars 1939, Pétain s’est constitué un solide réseau politique. Anticipant une possible défaite française face à Hitler il se présente en recours face au personnel de la troisième République qu’il estime responsable de la faiblesse du pays. 

Appelé au gouvernement en pleine tourmente le 17 mai 1940, Pétain devient Président du Conseil un mois plus tard. Convaincu que poursuivre la lutte est impossible, partisan d’une refonte en profondeur de la société et de la politique française il annonce dans son appel du 17 juin 1940 que les négociations d’armistice avec les allemands ont débutées. Cet appel entraine l’effondrement de la résistance de nombreuses unités françaises, permettant aux allemands de faire des centaines de milliers de prisonniers. 

Le 10 juillet 1940, à Vichy, nouveau siège du gouvernement, l’Assemblée nationale, par 569 voix contre 80, donne au maréchal Pétain « tous pouvoirs... à l’effet de promulguer une nouvelle Constitution de l’État français... Cette Constitution doit garantir les droits du Travail, de la Famille et de la Patrie». Le lendemain, les Actes constitutionnels reconnaissent le maréchal comme « Chef de l’État», investi du pouvoir législatif jusqu’à la formation de nouvelles assemblées. Des écrivains qui changeront d’attitude ensuite (Claudel, Mauriac, bien d’autres) célèbrent ses mérites sur le mode lyrique.

La Révolution Nationale

Durant l’été 40, Pétain et son entourage (dont au premier chef Pierre Laval) mettent en place l’Etat Français. Alors que la France est occupée aux deux tiers par les allemands, le gouvernement du maréchal engage le pays sur la voie de la collaboration tout en menant une politique réactionnaire, que l’on pourrait rapprocher de celle de Franco ou de Salazar. Investi des pleins pouvoirs par le Parlement (dans des conditions peu régulières) depuis le 10 juillet, le maréchal Pétain met en avant des idées d’ordre et de retour à la morale chrétienne. 

Le maréchal Pétain, surtout préoccupé par sa volonté de mettre en pratique le programme de la Révolution nationale et par celle d’obtenir la libération des prisonniers de guerre, se laisse convaincre de rencontrer Hitler, à Montoire, le 24 octobre 1940. Cette « Révolution Nationale » va s’accompagner d’une répression vigoureuse à l’encontre de toute opposition politique. Acquis aux idées antisémites, Pétain exclut progressivement les juifs de la vie nationale avant de les livrer par la suite à l’occupant. Officiellement neutre l’Etat Français n’en penche pas moins du côté allemand, usant de l’anglophobie suscitée par les affaires de Mers-El-Kébir et de Dakar. 

Profondément conservateur, imprégné de l’image passéiste d’une France paysanne et patriarcale, Pétain rassemble autour de lui, dans le gouvernement de Vichy, des hommes venus de divers horizons (des parlementaires classiques, comme Laval, aux syndicalistes pacifistes, comme René Belin, en passant par des technocrates, tels Yves Bouthillier ou Paul Baudouin), profitant des très larges pouvoirs qui lui sont conférés pour mettre en œuvre la Révolution nationale.

Son immense prestige, son grand âge, le maniement adroit d’une rhétorique culpabilisante (expliquant la défaite par la victoire passée de « l’esprit de jouissance sur l’esprit de sacrifice ») sont mis, grâce à un art consommé de la propagande, au service d’un culte de la personnalité qui, malgré quelques contestations alors marginales, comme celle du général de Gaulle, assurent au vainqueur de Verdun une grande popularité durant les débuts du régime.

Le crépuscule du maréchal Pétain

Lorsque les alliés débarquent en Afrique du Nord en novembre 1942 les troupes de Vichy s’y opposent, sur l’ordre du Maréchal. Hitler qui n’a pas confiance en la loyauté de l’Etat Français décide d’envahir la zone libre, privant Pétain de son dernier atout face à Berlin : l’armée d’armistice. De fin 1942 à juin 1944, l’influence du maréchal recule face à celle de Pierre Laval qui a obtenu l’appui des allemands. L’Etat français connait alors une véritable « fascisation », Pétain jusque là très populaire perd progressivement la confiance de nombreux français. 

La Libération entrainera la liquidation rapide et violente de l’Etat Français alors que Pétain est conduit contre son gré en Allemagne par les nazis. Installé à Sigmaringen il vivra l’effondrement du Reich en spectateur isolé et amer. 

Apprenant que son procès se prépare, il adjure Hitler de le laisser rentrer en France. Le 24 avril 1945, il se présente librement à la frontière suisse. Le lendemain, les nouvelles autorités françaises l’arrêtent. Traduit devant la Haute Cour le 23 juillet, il lit une courte déclaration à la suite de laquelle il observe un complet mutisme, laissant la charge de sa défense à ses avocats Payen, Lemaire et Isorni. 

Son procès qui ne durera que trois semaines, le verra s’affirmer pour sa défense comme un partisan de la résistance. Cette stratégie ne sera pas payante. Par 14 voix contre 13, il est condamné à la peine de mort, à l’indignité nationale et à la confiscation de ses biens. En raison de son âge, la cour demande que sa condamnation à mort ne soit pas exécutée. Vœu exaucé par le président du gouvernement provisoire, le général de Gaulle.

 Enfermé à l’île d’Yeu, l’ancien chef de l’Etat Français voit sa santé et ses facultés mentales décliner. Il mourra à Port-Joinville le 23 juillet 1951.

Bibliographie

- Pétain: Les leçons de l'histoire, de Marc Ferro. Texto, 2019.

Le Fantôme de Philippe Pétain, de Philippe Collin. Flammarion, 2022.

- La France de Vichy, 1940-1944, de Robert O. Paxton. Points Histoire, 1999.

 

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