La jeunesse d’Élisabeth Vigée
Née le 16 avril 1755, d’un père peintre, elle entre à cinq ans au couvent rue de Charonne pour y faire son éducation comme toutes les petites filles bourgeoises de son âge, et pour se distraire elle dessine. De retour chez ses parents à onze ans, elle est très heureuse de pouvoir utiliser les crayons de son père. Celui-ci donnant des cours pour améliorer ses revenus, Elisabeth se faufile au fonds de la pièce et y assiste. Son père constate avec joie qu’elle est très douée. Mais cette joie familiale s’éteint rapidement lorsque son père meurt des suites d’une arête perdue dans l’estomac, nous sommes en 1768, elle n’a que 13 ans.
Doyen, ami de son père, peintre d’histoire, la pousse à reprendre ses crayons ; un an plus tard, elle s’inscrit chez Briard qui possède un atelier au Louvre. Ces deux peintres avaient eu le même maître Carle Van Loo. Là, elle fait la connaissance de Joseph Vernet (56 ans, reconnu à la cour grâce à Louis XV qui lui confiait les peintures des ports français). Vernet, très attiré par ce jeune talent, l’incite à étudier la nature et à se pencher sur l’art flamand et italien.
Sage, le succès ne lui tourne pas la tête ; devenue peintre professionnelle, elle note scrupuleusement les tableaux réalisés et en comptabilise déjà 27, elle n’a que 18 ans.
Peintre officiel de la reine à Versailles
C’est au détour d’une promenade à Marly-le-Roi, qu’elle rencontre Marie Antoinette. La reine lui sourit et l’invite à poursuivre sa promenade « où il lui plaira ». La reine ne s’est pas arrêtée par hasard, sa cousine la duchesse de Chartres lui avait longuement vanté les mérites d’Elisabeth.
Elle fait la connaissance de Jean Baptiste Pierre Le Brun, fils d’antiquaire et se disant expert en tableau, qui lui fait la cour, ayant découvert son grand talent. Devant l’insistance de sa mère, Elisabeth l’épouse en janvier 1776, ce sera un échec comme elle le mentionne dans ses Mémoires « sa passion pour les femmes ont causé la ruine de sa fortune et la mienne dont il disposait entièrement ».
En novembre 1776, Chalgrin, intendant des Bâtiments de Monsieur, lui propose de réaliser le portrait du frère du roi et douze copies. Quatre mois plus tard, elle peint quatre portraits de la reine. En 1778, de grands personnages lui passent des commandes comme le duc de Cossé qui lui demande celui la comtesse du Barry.
Enfin, au printemps 1779, Elisabeth est présentée à la reine ; de suite « le courant passe » : elles ont le même âge, la même douceur, la même grâce innée, le même goût pour la musique, elles s’entendent à merveille. Elisabeth fait un premier portrait de la reine en robe de satin, une rose à la main, puis deux copies. Aussitôt, elle devient le peintre favori mais surtout le peintre officiel de la reine.
C’est alors que Joseph Vernet qui a suivi son parcours, lui propose de la présenter à l’Académie Royale de Peinture « la consécration officielle d’un talent reconnu de tous »…mais il faut l’intervention de la reine en personne pour qu’elle soit acceptée (l’Académie ne voulant plus de nouvelles femmes) : « la paix ramenant l’abondance » sera exposé au Salon en 1780 et elle deviendra portraitiste à l’Académie de Saint Luc.
Dès octobre 1781, Marie Antoinette a l’intention de faire peindre ses enfants et ne lui fera aucune remontrance lorsqu’Elisabeth s’absentera pour cause de maladie… elles sont toutes les deux enceintes, elles se comprennent. Les rencontres ne sont plus professionnelles, ce sont deux femmes, deux mères avec la joie de parler et de porter leurs enfants.
Elisabeth excelle dans les portraits d’enfants et de femmes ; sa peinture change, les vêtements peints s’effacent au profit de la beauté des personnages, de leur âme humaine. Dans ces tableaux, les habits n’entravent pas le corps, les coiffures sont sans apprêt, le visage est à peine maquillé, c’est un retour au naturel.
Naturellement la reine lui demande un tableau avec ses enfants. Elisabeth fait une esquisse puis entame son œuvre qu’elle souhaite présenter au Salon en 1788. Elle y représente un berceau vide : la reine est enceinte. Et pourtant les personnages ne reflètent pas la joie. Depuis l’affaire du collier, la reine est mise à mal, elle a perdu son enfant et le Dauphin est malade ! Le temps a passé entre la commande et la réalisation du tableau présenté au Salon puis exposé dans la galerie de Versailles. Chaque jour, la reine passe devant ce berceau vide qui aurait du accueillir Sophie-Hélène-Béatrice morte mi juin 1787, et pleure le Dauphin parti en juin 1789…le tableau est déplacé !
La renommée mondiale d'Élisabeth Vigée Le Brun
Les jours s’assombrissent, Elisabeth ne peut plus peindre, n’a plus de goût à son art. La population se déchaine, des libelles l’attaquent étant admise à la Cour ; il est temps de partir. Elle opte pour l’Italie, mais malgré le passeport reçu pour sa fille et elle, les gardes nationaux l’arrêtent. Elle se déguise alors en ouvrière, cachée sous un gros fichu et atteint non sans mal la frontière, elle est sauve. Etonnement, les gens la reconnaissent, l’aident, la soutiennent. De Florence, elle gagne Rome et Venise, retrouve des amis qui ont fui comme elle. Là enfin, elle se remet à la peinture, réalise son autoportrait, rendant hommage à la reine en la peignant sur la toile à gauche.
Voilà douze ans qu’elle a quitté Paris, le besoin de rentrer se fait sentir, elle arrive à Paris en janvier 1802. La presse s’empare de cette grande nouvelle, un concert est donné en son honneur, des amis l’invitent mais plus rien n’est comme avant, elle ne trouve plus sa place dans cette société. Elle visite l’Angleterre, la Suisse et partage son temps entre la capitale française et sa maison de campagne à Louveciennes.
Après ses Mémoires en 1835, un peu seule ayant perdu tous les membres de sa famille, elle subit une attaque cérébrale fatale le 30 mars 1842.
Pour aller plus loin
- Louise Elisabeth Vigée Le Brun : Histoire d'un regard, de Geneviève Haroche-Bouzinac. Flammarion, 2011.
- Élisabeth Vigée Le Brun, de Geneviève Haroche-Bouzinac. Gallimard, 2015.
- Le fabuleux destin d'Elisabeth Vigée Le Brun. Arte Video, 2018.