Guerres d'Italie (1494-1559)

Histoire Universelle | Moyen Age

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Les guerres d'Italie ont opposé durant toute la première moitié du XVIe siècle le Saint Empire romain germanique, la France et l'Espagne pour la domination de la péninsule italienne. En France, elles ne sont finalement connues que par la célèbre victoire de François Ier à Marignan, dont tout le monde se rappelle la date (1515) sans souvent savoir à quoi elle correspond vraiment. Pourtant, les enjeux de ces guerres ont été très importants dès la fin du Moyen Age, pour la France et l’Italie, mais aussi dans les relations internationales. La situation en Italie centrale et septentrionale a eu son importance, avec l’apparition des seigneuries et des condottieres, et les rivalités entre cités ; mais finalement tout commence peut-être dans le royaume de Naples…

 

A l'origine des guerres d'Italie

L’enjeu premier de ce qu’on appelle communément les guerres d’Italie, que l’on fait commencer avec l’attaque de Charles VIII en 1494, est le royaume de Naples, ou Regno. C’est pour cela qu’il nous faut remonter jusqu’au XIIIè siècle pour comprendre les problématiques qui ont suivies. 

La prise en main du Regno par les Angevins intervient en 1266, quand Charles d’Anjou, frère du roi de France Louis IX, entre dans Naples. Cette conquête se situe dans l’élan capétien qui a vu la mainmise de la dynastie royale sur la Provence, le Languedoc et donc le royaume de Sicile, qui devient celui de Naples, le territoire comprenant la grande île et l’Italie méridionale, anciens territoires normands puis impériaux sous Frédéric II et ses successeurs. L’ambition de Charles d’Anjou va bien au-delà de l’Italie et de la Sicile : en effet, il s’intéresse tout d’abord à ce qui reste de l’Empire byzantin, en se rapprochant de Baudouin II, empereur latin de Constantinople, expulsé de celle-ci par les Paléologue.

Comme le Normand Robert Guiscard presque deux siècles plus tôt, Charles traverse donc l’Adriatique, avec le soutien du pape, pour affronter les Paléologue, qu’il parvient à vaincre en Morée. Son élan est cependant ralenti par son frère, Louis IX, qui refuse de le suivre dans une croisade contre Constantinople, et se rapproche même de l’empereur byzantin. Charles de Naples décide alors de le soutenir dans sa croisade en Afrique, et le suit à Tunis en 1270. Il a évidemment une idée derrière la tête, espérant profiter de cette croisade pour agrandir un peu plus son embryon d’empire méditerranéen. L’échec de la huitième croisade et la mort de Saint Louis mettent un terme à cette idée, sans que Charles n’abandonne celle d’une croisade en Orient… 

Les années suivantes, Charles assied son pouvoir sur les barons locaux, soutient le pape en Italie, mais ce sont surtout les rivalités avec l’Aragon qui augmentent. Il n’y a pas de place pour deux empires méditerranéens, et l’ambition de Jacques d’Aragon et de ses successeurs est au moins aussi grande que celle de Charles. L’Aragon abrite à Barcelone les ennemis de Charles, qui sont nombreux, en particulier chez les Provençaux.

Mais le roi d’Aragon, Pierre III, est surtout intéressé par la Sicile, et c’est là que se déroulent les premiers combats entre Angevins et Aragonais, au début des années 1280. Cela amène aux Vêpres Siciliennes, en 1282, quand les Français sont chassés par un complot souvent mythifié. C’est ensuite sur mer, l’année suivante, que les Angevins connaissent de nouvelles difficultés. La mort de Charles en 1285 n’arrange pas leur situation. Entretemps, le roi de France Philippe III a conduit une « croisade » contre l’Aragon, sur demande du pape, toujours soutien des Angevins. C’est aussi un échec. 

La crise du royaume angevin de Naples 

Cependant, Charles II, un temps prisonnier des Aragonais, parvient lentement une fois libéré à reconstruire le Regno angevin. C’est, à nouveau, grâce au soutien du pape. L’accord stipule que Charles renonce à la Sicile, mais que le roi d’Aragon également, l’île étant gouvernée par le frère de Jacques II d’Aragon. Ce dernier obtient toutefois la Corse et la Sardaigne. Ce n’est pas pour autant que Charles II a renoncé ; il continue ses raids pirates sur Palerme ou Barcelone, et tente d’obtenir le soutien des barons siciliens. Il doit finalement céder en 1302, et reconnaître Frédéric d’Aragon comme roi de Sicile. Paradoxalement, la perte définitive de la Sicile lui permet de remettre en ordre le royaume de Naples, et son fils Robert hérite en 1309 d’un Regno stabilisé. 

Robert d’Anjou, dit le Sage, se distingue par son goût pour les arts, même si c’est également un prince guerrier, vu que la guerre ne cesse jamais vraiment avec les Aragonais, et qu’il a aussi des ambitions en Italie centrale où il profite des appels à l’aide de Florence pour menacer Milan. Toujours soutien du pape en Italie, et soutenu par lui, il s’entoure d’artistes (comme Giotto) et construit une cour qui devient un modèle. 

La crise frappe le Regno suite à la mort de Robert le Sage en 1343, avec l’avènement de Jeanne Ière, petite-fille du roi, qui n’avait plus d’héritier mâle depuis la mort de Charles de Calabre en 1328. L’arrivée d’une femme sur le trône de Naples, pourtant contraire aux traditions dynastiques françaises, est validée par le pape. C’est du côté de la Hongrie que l'on conteste la chose, car Jeanne est mariée à André de Hongrie, curieusement assassiné en 1345. Le roi de Hongrie, Louis, tente alors de venger son frère et marche sur Naples ; mais il doit abandonner en 1348, à court d’argent et menacé ailleurs par les Vénitiens. Jeanne en profite alors pour reprendre la main, et obtient la paix en 1352.

Toutefois, elle n’est guère soutenue par le roi de France, Jean le Bon, qui souhaiterait lier la couronne de Naples à la sienne, et qui menace la Provence angevine. Elle parvient tout de même à se libérer au Sud, en obtenant une paix avec les Aragonais de Sicile (1373). C’est finalement avec le pape qu’elle connaît le plus de problèmes, se retrouvant au cœur du schisme de 1378 et même excommuniée par Urbain VI ! Elle est renversée par Charles de Duras, soutenu par Urbain VI, qui prend le nom de Charles III quand il entre à Naples en 1381 ; Jeanne est enfermée (et étranglée un an plus tard, sur ordre de Charles). Louis Ier d’Anjou (frère de Charles V, roi de France), héritier choisi par la reine et l’autre pape (Clément VII d’Avignon), ne peut intervenir tout de suite. 

Le Regno entre Hongrois et Angevins 

Naples est désormais aux mains de Charles III, mais aussi de sa femme Marguerite et du pape Urbain VI. Soutenu par Clément VII, Louis d’Anjou marche sur le royaume napolitain dès 1382, aidé par le comte du Piémont et par Bernardo Visconti de Milan ; il doit en revanche éviter la Toscane, qui lui est hostile. La guerre est difficile, Charles évitant le combat et laissant les troupes de Louis s’épuiser à sa poursuite. C’est un échec, et Louis d’Anjou y laisse la vie le 20 septembre 1384. La situation n’est pas pour autant apaisée à Naples, où les rivalités ont explosées entre Marguerite et Urbain VI ! Le pape manque d’être tué et doit fuir en 1385, avant de pouvoir regagner Rome. 

Charles III ne peut longtemps profiter de sa victoire ; il obtient le trône de Hongrie, en plus de celui de Naples (qu’il laisse dans les faits à Marguerite), mais est tué lors de l’attentat de Visegrad en 1386. Dans le Regno, la régente Marguerite est en difficulté, malgré la jeunesse de Louis II d’Anjou ; elle doit faire face à des révoltes soutenues par les Angevins, et fuir à Gaète en 1387. Le camp d’Urbain VI et des Duras n’a pas non plus abandonné la partie et, malgré la mort du pape, désigne un successeur à Charles III en 1389, Ladislas. Louis II d’Anjou n’a alors que quatorze ans, et il s’est fait couronner roi à Avignon au début de la même année.

Le conflit commence entre les deux rois concurrents, et c’est encore une fois le pape qui pèse de tout son poids pour forcer la décision, avec toujours le contexte du schisme entre Avignon et Rome. L’idée de la fin du schisme fait son chemin, en particulier du côté de Florence, et est élu Alexandre V, à Pise, en 1409. Il soutient Louis II, alors que Grégoire XII est toujours aux côtés de Ladislas (entré à Naples en 1406). Le successeur d’Alexandre V soutient aussi l’Angevin, qui tient Rome mais doit finalement abandonner sa reconquête du royaume de Naples et retourner en France en 1411. 

La victoire de Ladislas est de courte durée car il meurt à Naples en 1414. Lui succède sa sœur Jeanne, qui doit trouver un époux. Jacques de Bourbon, ancien lieutenant de Louis II d’Anjou, est choisi et entre rapidement en conflit avec sa femme, un temps emprisonnée ; c’est finalement Jacques qui doit fuir pour la France ! Le Regno continue à être secoué de troubles internes, mais heureusement le schisme prend fin en 1415, et le nouveau pape décide de l’avenir du royaume de Naples : il désigne Louis III d’Anjou comme successeur de Jeanne II. Mais celle-ci n’est pas d’accord et jette son dévolu sur Alphonse V d’Aragon.

C’est ainsi que les Aragonais reviennent dans le jeu dans le Regno : la guerre reprend entre l’Anjou et l’Aragon. Les « caprices » de Jeanne II ne sont pas terminés, puisqu’elle change d’avis un temps, en renonçant à l’adoption d’Alphonse V au profit de Louis III ; mais c’est son favori, Sergianni, qui détient la réalité du pouvoir entre 1424 et 1432, alors qu’Angevins et Aragonais continuent de s’affronter. Il est finalement assassiné, mais Jeanne II trouve encore le temps de changer deux fois d’avis sur son successeur, adoptant à nouveau Alphonse, puis lui préférant Louis III…Celui-ci meurt en 1434, mais Jeanne désigne le frère de l’Angevin, René, pour lui succéder et meurt à son tour en 1435. 

L’agonie des princes angevins 

René d’Anjou, comte de Provence, duc de Lorraine, n’a pas la partie gagnée malgré sa légitimité. Il doit d’abord régler ses problèmes en France, face aux Bourguignons, qui le tiennent prisonnier deux ans ! Les Aragonais tentent d’en profiter, mais ils sont battus par les Génois (aux ordres du Milanais Filippo Maria Visconti) dans le golfe de Naples. Heureusement pour eux, Alphonse V fait prisonnier parvient à convaincre le Visconti des dangers de la présence angevine dans la péninsule, et il est libéré. Entretemps néanmoins, Isabelle de Lorraine, femme de René, est entrée à Naples avec le soutien de la flotte génoise et du pape Eugène IV ; son mari n’est libéré par les Bourguignons qu’en 1437, et il entre à Naples en mai 1438.

Le roi de Naples continue alors la guerre contre l’Aragon, malgré son manque de troupes et d’argent, mais avec tout de même le soutien du pape. Alphonse V met le siège devant Naples, qui souffre pendant des mois des tirs d’artillerie et du manque de vivres, et tombe en 1442. René d’Anjou fuit en France, où il est retenu une dizaine d’années. Alphonse V d’Aragon devient Alphonse Ier de Naples. 

La péninsule italienne n’est pas secouée uniquement par les guerres entre Angevins et Aragonais dans le Regno. La mort du duc de Milan en 1447 et l’arrivée au pouvoir des Sforza exacerbent les tensions déjà vives, et deux ligues se forment : Milan, Florence, Gênes, Mantoue contre Venise, Sienne, la Savoie et Alphonse V d’Aragon. Le roi de France, Charles VII, soutient Florence à partir de 1453, et il charge René d’Anjou de mener une armée en Italie ; mais l’expédition tourne court, à cause de la baisse brutale des tensions suite à la menace turque, qui mène à la paix de Lodi en 1454. René d’Anjou décide alors de tenter de récupérer le royaume de Naples à partir de 1459 ; en 1460, malgré des succès, il hésite à marcher sur Naples, et en 1461 il subit une lourde défaite face aux Aragonais. Il ne retournera plus jamais en Italie (il meurt en 1480). 

Guerres d'Italie : l’ambition des rois de France 

Les rois de Naples d’origine angevine ont reçu leur investiture du pape, mais sont aussi vassaux du roi de France. Les échecs répétés de ces princes d’Anjou dans le Regno depuis la fin du XIVè siècle amènent petit à petit les rois de France à se poser la question d’une intervention directe de leur part dans les affaires italiennes. Un temps, le contexte international et surtout le coût d’une telle opération les font douter de l’opportunité. Il faut attendre l’avènement de Charles VIII, et un lent processus de décision, pour que l’aventure des rois de France en Italie commence en 1494.

L’histoire mouvementée de la dynastie angevine, vassale du roi de France, dans le royaume de Naples est centrale dans le déclenchement des guerres d’Italie, au moins autant que les rivalités entre cités de l’Italie du Nord, Venise et des Etats pontificaux. C’est donc avec Charles VIII que commencent vraiment les guerres d’Italie, à savoir l’intervention directe du roi de France dans la péninsule. Elles vont avoir une importance considérable pour l’Italie, mais aussi pour la France et la situation internationale, au-delà même de la Méditerranée. 

Charles VIII, éphémère roi de Naples 

En 1483, Charles VIII succède à Louis XI mais il est loin de s’intéresser à l’Italie et au sort du royaume de Naples perdu par les Angevins ; trop jeune, il n’a pas encore le pouvoir nécessaire. Le projet germe dans son esprit au moment où, au début des années 1490, il doit penser à affirmer son pouvoir en France. La légitimité à intervenir est difficile à trouver, car elle reviendrait plutôt à René II de Lorraine, mais le roi l’écarte rapidement.

Charles VIII décide de trouver une autre légitimité, pour s’assurer du soutien de son expédition en France, mais surtout en Italie, auprès des cités du Nord et du pape. L’objet serait donc de se servir de la reconquête de la Sicile pour lancer une croisade contre les Turcs, jusqu’à Constantinople. Cette ambition rend immédiatement méfiant l’empereur germanique Maximilien et, la guerre pas encore commencée, le roi de France se retrouve avec l’Empire comme ennemi potentiel en Italie. 

Pourtant, le roi de France est tellement attaché à son projet qu’il va jusqu’à céder des territoires à ses plus grands rivaux : Perpignan et le Roussillon aux Rois Catholiques ; et l’Artois et la Franche-Comté à Maximilien ! Quant à la neutralité du roi d’Angleterre Henri VIII, il la paie. Ce n’est que le début des dépenses, car la guerre coûte cher et il faut en plus construire une flotte. C’est le début aussi d’un endettement massif du roi, qui dure pendant les campagnes d’Italie, auprès des banquiers locaux. 

L’armée de Charles VIII, composée de 6000 fantassins et 1600 cavaliers, se rassemble à Lyon en juillet 1494, et passe les Alpes quelques semaines plus tard sans vraiment de difficultés. Les Italiens sont pris par surprise, et étonnés de la puissance de cette armée. Le roi de France bénéficie également de la neutralité de certaines cités, comme le Milan de Ludovic le More, ou encore Venise. Il entre dans Florence le 17 novembre 1494, et obtient un soutien financier des Florentins, qui le voient comme un libérateur du joug des Médicis.

C’est en fait le pape Alexandre VI, de son vrai nom Rodrigo Borgia, qui tient le plus tête au roi de France ; il est aragonais, et n’a aucunement l’intention de céder à Charles VIII, même quand celui-ci lui demande de ne pas investir Alphonse à la mort de Ferdinand Ier de Naples en janvier 1494. Le pape doit cependant laisser le roi entrer dans Rome en décembre 1494, accompagné des rivaux de la famille Borgia, le cardinal della Rovere en tête ; l’armée française est en effet trop puissante et n’a pas de rivale pour le moment.

Alexandre VI parvient tout de même à résister aux pressions, et Charles VIII n’obtient pas de se faire couronner roi de Naples le 25 décembre comme il le rêvait. Il menace un peu plus le pape dès janvier 1495, et est enfin assuré de quelques garanties pour poursuivre sa route. Les troupes royales quittent Rome le 28 janvier, direction le Regno, ne laissant pas un souvenir très positif aux habitants de la Ville. 

L’armée française impressionne toujours ses adversaires, du Mont-Cassin à Capoue et Aversa. Le roi entre ainsi à Naples le 25 février 1495, sans résistance ! La plupart des autres villes se donnent aussi facilement aux Français, et les Aragonais ne possèdent bientôt plus que l’île d’Ischia et le Castel Nuovo de Naples ; mais sa garnison se rend le 5 mars. Le roi de France est sacré roi de Naples le 12 mai 1495, dans le faste le plus total. La fête dure, et l’occupation commence à peser sur les autochtones ; de plus, les caisses sont toujours vides, malgré l’aide florentine.

Finalement, de façon relativement surprenante, Charles VIII décide de rentrer en France avant de voir la situation se compliquer et s’inverser en sa défaveur ! Il quitte Naples dès le 20 mai 1495, alors que depuis le 1er avril, Venise, Milan et le pape se sont ligués contre lui, et ont restauré un temps « l’esprit de Lodi ». Sa retraite est longue, difficile, et honteuse, jusqu’à se retourner contre Florence. Et malgré la victoire de Fornoue, la campagne d’Italie est un échec et l’armée française repasse les Alpes. Le royaume de Naples est perdu rapidement, suite à une offensive aragonaise. 

Cette courte campagne a montré aux Italiens que les ambitions de la France pouvaient dépasser le Regno, car en plus de la tutelle sur Florence, le roi n’a pas caché ses prétentions sur Milan. Cela se confirme par la suite. 

Louis XII relance les guerres d'Italie 

Le successeur de Charles VIII (mort en 1498), Louis XII, a lui aussi des ambitions italiennes, qu’il s’empresse d’affirmer. Duc d’Orléans, il a revendiqué la possession du duché de Milan (Louis Ier d’Orléans avait été marié en 1389 à Valentine Visconti, fille du duc Gian Galeazzo), et désigne Ludovic Sforza le More comme son ennemi ; il ne renonce pas non plus au royaume de Naples. Il rassemble lui aussi son armée à Lyon, en 1499, et sa route par les Alpes est au moins aussi facile que celle de son prédécesseur : Milan lui ouvre ses portes, Gênes s’offre à lui. Louis XII bénéficie en fait de la compréhension de Venise, contre Le More, et de celle d’Alexandre VI, qui voit dans la campagne française l’opportunité pour son fils César Borgia d’agrandir ses territoires. Ludovic le More a quant à lui le soutien de l’empereur Maximilien, mais il est battu à Novare en avril 1500 (exilé en France, il y meurt en 1508). 

Dès 1501, Louis XII se tourne vers le Regno ; il fait d’abord la paix avec Ferdinand d’Aragon par le traité de Grenade, où le royaume de Naples est partagé entre les deux couronnes. Le roi de France doit toutefois appliquer ses droits par la guerre, et il reçoit en cela le soutien du pape, par le biais des armées de César Borgia. Louis XII tient finalement Naples cette même année 1501, sans grandes difficultés. Il ne peut en profiter très longtemps, car une ambiguïté du traité de Grenade provoque un nouveau conflit avec l’Aragon, et Naples redevient aragonaise en 1504. 

Obligé de négocier, Louis XII signe le traité de Blois, où il renonce à l’Italie : il perd le Milanais et Gênes. Ce traité est annulé dès 1506 par les Etats généraux, et Louis XII repasse les Alpes pour réprimer une révolte à Gènes. Le roi parvient même à faire la paix avec le roi d’Aragon et à retourner à Milan. Il pense alors être bien réinstallé en Italie, même s’il n’a plus d’ambitions sur Naples, et il adhère à la Ligue de Cambrai en 1508, avec le nouveau pape Jules II, l’empereur Maximilien, Ferdinand d’Aragon et les ducs de Mantoue et Ferrare, contre Venise. Malgré la réussite des première opérations contre la Sérénissime, les ambitions sont trop contradictoires au sein de la Ligue, qui explose rapidement. Pire, le pape Jules II est bien moins compréhensif envers Louis XII que son prédécesseur Borgia, et il parvient à retourner les alliances contre le roi, le jugeant trop gourmand et dangereux pour l’Italie.

Parmi les alliés du pape nous trouvons Venise, mais aussi les Suisses. Leur première cible est l’allié du roi de France, le duc de Ferrare, attaqué et excommunié en 1510. Louis XII réagit comme l’a prévu Jules II, par la guerre, ce qui permet au souverain pontife de monter une ligue contre lui, le 4 octobre 1511, réunissant rien moins que l’Aragon, la Castille, l’Angleterre et les Cantons suisses ! Pourtant, c’est l’armée française qui est victorieuse à Ravenne le 11 avril 1512, grâce aux talents de Gaston de Foix ; il faut la mort de celui-ci pour qu’enfin les troupes françaises soient en déroute. La France perd donc le Milanais, la Romagne et Gênes, ce qui amène à une redéfinition des territoires en Italie : Rimini, Cesena et Ravenne tombent sous l’autorité de Jules II ; le duché de Milan est récupéré par Maximilien Sforza, fils du More. Florence, elle, est demeurée fidèle à la France et doit se soumettre aux Espagnols, ce qui provoque le retour des Médicis, qui coûte tant à Machiavel. 

Louis XII tente une nouvelle expédition en 1513, mais c’est un nouvel échec. Il faut attendre deux ans et l’avènement de son successeur, François Ier, pour voir à nouveau des troupes françaises passer les Alpes. 

François Ier en Italie, de Marignan à Pavie 

Comme son prédécesseur Louis XII, le jeune François Ier se tourne dès son avènement vers l’Italie. Son armée est rassemblée à Lyon et Grenoble, et les Alpes franchies avec une grande témérité en août 1515. La célébrissime bataille de Marignan se déroule les 14 et 15 septembre de la même année, et les Suisses sont écrasés : la route vers Milan est ouverte. François Ier s’arrange financièrement avec Maximilien Sforza pour récupérer le duché de Milan, s’accorde aussi avec le pape Léon X (qui lui cède Parme et Plaisance), puis fait la paix (« perpétuelle ») avec les Suisses (traité de Fribourg, 1516). Une Ligue est créée réunissant la France, les Etats Pontificaux, Florence et Urbino, censée assurer la stabilité de l’Italie. 

L’avènement de Charles Quint en 1519 change la donne : en effet, déjà roi d’Espagne, Charles est élu empereur, au détriment de François Ier pourtant candidat (et soutenu par le pape), et qui devient son grand rival. L’empereur s’allie avec Venise, et la situation est vite intenable pour les Français dans la péninsule. En novembre 1521, des troupes impériales rétablissent un Sforza, Francesco, à Milan alors que le pape Léon X se retourne contre le roi en échange de la restitution de Parme et Plaisance. Trahi en France par le duc de Bourbon, François Ier ne peut intervenir rapidement, et quand il le peut ses campagnes se soldent par une série de défaites jusqu’à celle, humiliante, de Pavie les 24 et 25 février 1525, où il est fait prisonnier. 

Charles Quint s’impose en Italie 

La défaite et l’emprisonnement de François Ier, qui doit signer le traité de Madrid, signent la victoire de son grand rival Charles Quint. Mais en Italie, la fuite des Français veut aussi dire la mainmise de l’Empire, ce qui ne plaît pas à tout le monde et inquiète. Le pape lui-même, Clément VII, même s’il tient Rome et Florence par sa famille (les Médicis) sait que Charles Quint peu facilement menacer son autorité. Il décide donc de s’engager avec un François Ier libéré mais revanchard, et tous deux créent la ligue de Cognac, avec Venise, Florence et Milan, contre l’empereur en septembre 1526.

C’est un échec, malgré le passage des Alpes par François Ier ; les armées du connétable de Bourbon sont supérieures à celle du roi de France, composée majoritairement de mercenaires. Quant au pape, il n’a pas d’armée viable et est obligé de demander un soutien à Jean de Médicis, mais celui-ci est rapidement tué. La république de Venise, elle, doit affronter les troupes du duc de Ferrare, Hercule II d’Este. 

Clément VII est à la merci des Impériaux, enfermé à Rome. Le 5 mai 1527, les hommes du connétable de Bourbon entrent en force dans le Vatican, et le pape doit se barricader dans le Château Saint-Ange. Si le connétable français est tué durant l’assaut, cela ne ralentit pas la furia des troupes espagnoles, qui commencent le pillage de la Ville. Les Impériaux ne quittent Rome que le 17 février 1528 ; ils la laissent exsangue. 

Le sac de Rome marque les esprits, et montre la volonté de Charles Quint de faire payer le pape. Celui-ci parvient à sortir du Château Saint-Ange après plusieurs mois, mais il doit se plier aux volontés de l’empereur. Ce dernier en a profité également pour faire tomber les Médicis à Florence. La France, elle, continue de connaître des mésaventures les années suivantes jusqu’à devoir céder à la « paix des Dames » (car négociée par Louise de Savoie, mère de François Ier, et Marguerite de Habsbourg, sœur de Charles Quint), signée à Cambrai le 3 août 1529. Le roi de France renonce officiellement à toute ambition en Italie. Quant à l’empereur, il enfonce le clou : il impose à Clément VII de le couronner à Rome, puis il place ses clients dans les cités principales de l’Italie, comme Francesco Sforza à Milan ou Alexandre de Médicis à Florence. 

Le traité de Cateau-Cambrésis : la fin des guerres d'Italie 

Evidemment, François Ier ne peut se satisfaire de la situation. Isolé, il n’hésite pas à s’allier avec le sultan ottoman Soliman le Magnifique, en 1530 ! Le contact avait déjà été établi dès 1529, par l’intermédiaire du pirate Barberousse, qui agissait pour le compte du sultan et avait planifié des opérations conjointes avec la France : c’était le début des Barbaresques. L’alliance est vraiment réelle dès les débuts de la décennie 1530, avec des ventes de canons d’un côté, des libérations d’esclaves de l’autre, conduisant à un accord qualifié d’uniquement « commercial » en 1536. 

En Italie, on pressent la menace franco-turque et on décide de faire pression sur la France en la forçant à adhérer à une Sainte ligue autour de Venise pour combattre les Turcs. François Ier tente de gagner du temps, et provoque la colère du sultan. Il parvient tout de même à le calmer les années suivantes et à reprendre les opérations communes ; mais elles ne sont que navales, et l’Italie n’est jamais directement menacée. 

Il faut attendre 1543, et l’attaque franco-turque sur la Savoie pour que la menace se confirme. Le siège est mis devant Nice, et les pirates de Barberousse pillent la région. Mais l’attitude des Turcs sur le chemin du retour, avec leurs pillages et leurs enlèvements d’esclaves sur les côtes italiennes et siciliennes, gênent leurs alliés français, contraints parfois d’y participer. Finalement, l’alliance franco-turque tourne court et surtout ne parvient pas à déloger les Espagnols de l’Italie. 

Le successeur de François Ier, Henri II, tente à son tour quelques incursions dans la péninsule, surtout dans la région de Naples. C’est un nouvel échec, et le dernier : il signe le traité de Cateau-Cambrésis le 3 avril 1559, une confirmation des clauses de la paix des Dames. C’est la fin des guerres d’Italie, qui s’achèvent sur une déroute de la France, qui n’a jamais réussi à s’y imposer vraiment. Heureusement, elle a réussi sous François Ier à importer des talents et des idées qui vont permettre à la France de rayonner bien plus dans les décennies à venir. 

Quant à l’Italie, elle doit supporter la présence espagnole, pour une « pax hispanica » qui va durer jusqu’aux débuts du XVIIIe siècle.

Bibliographie non exhaustive

Les guerres d'Italie: Un conflit européen, de Didier Le Fur. Passés composés, 2022.

- J. Heers, L'histoire oubliée des guerres d'Italie, Via Romana, 2009.

- Les Guerres d'Italie : Des batailles pour l'Europe (1494-1559). Gallimard, 2003

 

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